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Les 10 déceptions des rédacteurs au cinéma en 2018

Malgré la grande richesse des propositions au cinéma cette année, 2018 a aussi eu son lot de ratés dans les salles. 10 rédacteurs ont choisi leur plus grande déception de l’année pour livrer un flop de 10 films.

Maxime Thiss : Suspiria

On sentait la mauvaise idée à des kilomètres, et ça n’a évidemment pas manqué. En offrant dans un péché d’orgueil une relecture du mythique Suspiria, le transalpin Luca Guadagnino s’est pris les pieds dans le tapis et s’est vautré sur toute la ligne. Ne parvenant à aucun moment à recréer la force picturale et sensorielle du chef d’œuvre de Dario Argento, le cinéaste plus habitué aux drames mondains essaie de trop intellectualiser le genre et nous pond un salmigondis indigeste se perdant dans des trames scénaristiques inutiles. Loin de faire de son film un cauchemar éveillé, les scènes terrifiantes pouvant se compter sur un doigt, Guadagnino opte pour une approche radicalement différente. En plaçant son récit dans le Berlin de la Guerre Froide, Guadagnino instaure un contexte politique qui n’est finalement qu’un enrobage superflu, faisant un temps illusion lorsqu’il compare les deux blocs aux deux factions de sorcières. L’italien s’attarde, au contraire de son prédécesseur, sur la danse qui est au cœur de son récit. Des séquences de danse qui la aussi témoigne d’une volonté très arty de la part de Guadagnino et qui donne lieu à des performances dignes des spectacles de l’art contemporain le plus abscons. Guadagnino sacrifie le côté populaire du cinéma de genre au profit d’une approche élitiste et hautaine. Une certaine idée du mépris du cinéma de genre qui culmine dans un climax aux allures Z opportunistes navrantes.

Relire le débat qui opposait nos rédacteurs. 

Perrine Mallard : Bohemian Rhapsody

Raconter l’histoire de l’un des plus grands groupes de rock était un pari risqué, mais c’est bien le seul risque que prend Bohemian Rhapsody. Il est regrettable qu’un film retraçant l’aventure musicale d’un groupe aussi expérimental et spectaculaire que Queen, se montre aussi conventionnel et sage à la fois dans son scénario et dans sa mise en scène. “Let’s show people how rock’n’roll is supposed to make you feel” disait Richie Finestra dans Vinyl, la série imparfaite mais passionnée de Scorsese. Ici, le rock manque au film qui, loin d’être vibrant et passionné, se révèle être un patchwork d’évènements qui s’enchainent presque aléatoirement. Le film entier est à l’image de sa séquence finale, le concert de Live Aid, excellente idée sur le papier, mais dont la réalisation, dénuée de toute émotion, rend caduque l’excellente performance de Rami Malek. En convoquant les morceaux grandioses du groupe, le film ne fait que se reposer sur eux sans jamais faire de lien entre le son et l’image, empêchant à la musique de Queen de contaminer la forme même du film. Alors soit, entendre les morceaux de Queen reste toujours aussi jouissif, mais ça ne suffit pas à faire un bon film.

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Chloé Margueritte : Stronger

Stronger fait deux erreurs fondamentales : revenir, comme tant d’autres avant lui, sur des évènements tragiques sur lesquels le monde n’a pas encore pris assez de recul (ici les attentats de Boston en 2013), et glorifier une sorte de héros sans gloire, autre que celle de s’en être sorti, supposer donc qu’une grande épopée tragique sera prompt à rétablir le tort causé aux victimes. Il s’enfonce alors dans le pathos. Ainsi, la scène où Jeff reçoit les confessions de la douleur d’autres personnes et se drape d’une grande bienveillance, voire d’une complaisance à recueillir la parole endeuillée pour émouvoir, tombe complètement à plat et achève de démolir l’entreprise de construction d’un héros mitigé du film. L’intrigue devient classique, larmoyante, peu passionnante. Jeff, qui a perdu ses deux jambes, se relève, l’Amérique aussi et c’est la romance qui prend le pas sur la réflexion…

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Jules Chambry : Deadpool 2

Deadpool 2, dans la stricte continuité du premier volet, aura plu à ceux qui aimaient déjà son aîné et exaspéré ceux qui ne le supportaient déjà pas beaucoup. La recette est la même, à peine remaniée, avec un vilain un poil meilleur (car plus charismatique, merci Josh Brolin), mais un humour toujours aussi discutable et un marketing indigeste. Deadpool, avant de s’intéresser à faire de bons films, c’est d’abord un incroyable produit marketing qui fait vendre presque aveuglément, pour la seule raison que le héros lance des insultes à tout bon de champ et fait des blagues sous la ceinture deux fois sur trois. C’est un peu triste de le vendre comme « le film de super-héros “subversif” » simplement parce que le personnage est un débile profond politiquement incorrect. Rien dans Deadpool n’est subversif, et rien n’est à sauver : de la réalisation sage à l’humour lourdingue, en passant par une incapacité à faire des choix scénaristiques forts ou originaux alors même que l’on se prétend « différent ». En résulte un nouveau pot-pourri de ce qui se fait de pire en matière super-héroïque, qui ravira ceux que la poudre de perlimpinpin suffira à outrer, et outrera ceux qui y constateront une nouvelle fois la désolante supercherie.

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Marushka Odabackian : Taxi 5

Enfer. Déjà les « blagues », si on peut appeler ça ainsi, se résumaient à « on va prendre un nain et une grosse et on va se foutre de leur gueule pendant 2h ». On bat des records de lourdeur à la seconde, c’était affligeant… Rien n’allait évidemment, c’était gênant tellement c’était mauvais. En plus pour qui aime Taxi j’imagine qu’on aurait pu s’attendre à plus d’action, paradoxalement il n’y avait que deux courses minables, clairement une arnaque. On appréciera également l’humour très évolué de « Pipi Caca Prout »… On aurait dit un film de gros boulet, un délire de mec prépubère au collège qui est dernier de la classe et qui fait rire sa bande de potes décérébrés en se moquant bêtement de tout le monde. Ça fait pitié.

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Beatrice Delesalle : Ni juge, ni soumise

Amateurs de l’excellent Strip-Tease , cette émission belge truculente car féroce sans jamais juger, drôle sans jamais forcer, passez votre chemin. Ni juge ni soumise, le film Yves Hinant et de Jean Libon, l’une des deux têtes pensantes de la série, a beau être la version longue et toujours sans narration d’un des épisodes de Strip-tease, il n’en a pas l’élégance. Le maître-mot ici semble être la provocation gratuite et à tout crin.

Anne Gruwez est une juge d’instruction bruxelloise aux prises avec diverses affaires criminelles, Cold Case comme actuelles. Toujours le bon mot au bord des lèvres, toujours l’immigré « criminel » du jour dans son bureau. Des systématismes qui auront déjà le don d’énerver singulièrement le spectateur. Des répétitions sans doute rendues nécessaires par le format long métrage, mais qui émoussent le mécanisme de l’uppercut qui terrassait le téléspectateur à chaque nouveau reportage dans l’émission télé.

Quand on y ajoute les différentes provocations liées au thème de fond (le cold case avec assassinat de prostituées), telles que photos explicites des cadavres des victimes ou exhumation du présumé coupable, on finit de perdre tout intérêt dans cette histoire menée par une femme pourtant pas inintéressante, malgré son pas de charge au bulldozer.

Avec Ni juge ni soumise, Jean Libon a raté son coup ; « C’est pas du cinéma, c’est pire », disait-on dans la bande-annonce : on n’est pas loin de la vérité…

Gwennaëlle Masle : La Douleur

Benjamin Biolay, Mélanie Thierry sur un texte de Marguerite Duras, La Douleur laissait présager un film fort et profond. Le réalisateur Emmanuel Finkiel a fait un magnifique travail esthétique mais son œuvre ne fait malheureusement que livrer de beaux plans et passe à côté des émotions. Les acteurs restent en surface et ne parviennent pas à faire vivre leurs dialogues pourtant si beaux. Ils oublient le sens de ce qu’ils sont en train de réciter en se regardant jouer et en répétant un rythme peu encourageant où la narration prend toute la place et oublie de plaire. L’oeuvre de l’auteure méritait un autre traitement que celui-ci très fade.

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Antoine Delassus : Un raccourci dans le temps

A l’instar de tout bon gâteau, les films sont un amas d’ingrédients respectant une recette. Cuisez-le bien, et ce qui ressortira de votre four vous enverra directement devant Cyril Lignac. Négligez la mixture et vous aurez vite fait de voir la police du bon gout vous tomber dessus pour assassinat culinaire. Avec Un Raccourci Dans le Temps, on aurait pu croire que Disney était en train de nous confectionner la Rolls-Royce du gâteau : un thème fondamental – l’amour-, une jeune héroïne afro-américaine sur le point de s’embarquer dans une grande aventure, Ava Duvernay qui supervise le tout, bref de solides ingrédients donc. Sauf que quand la pâtissière confond le sel et la cocaïne, bah ça peut donner que ce gloubi-boulga informe que même Casimir n’oserait pas gouter. C’est bien simple, la mouture concoctée par Disney est à ce point ratée qu’elle en devient incompréhensible, indigeste, inregardable (je plains les personnes souffrant d’épilepsie) et bardée d’éléments ringards. Que ça soit Reese Witherspoon qui se transforme en feuille de batavia géante, Oprah Winfrey qui passe d’une taille normale à celle d’un immeuble de 15 étages en fonction du scénario, d’un visuel hideux, d’une histoire qui verse dans la scientologie et d’un récit à ce point abscons qu’on en vient à reconsidérer les délires mindfuck de David Lynch, le film multiplie les tares à un rythme si élevé que la seule chose qui nous donne du plaisir, c’est quand ce générique de fin, encore une fois immonde, arrive. A jeter !

Sébastien Guilhermet : The Predator

The Predator de Shane Black voit renaitre de sa tombe le spectre du monstre incroyable de la franchise initiée par John McTiernan. Et ce fut l’une des pires idées de l’année, tellement, que le film est une abomination d’actioner mal fagoté et terriblement plat. Ce nouvel opus contient tous les symptômes du film à la modernité dégénérative qui rate chacune de ces cibles: humour bancal, désacralisation du monstre, réalisation anonyme et quelques giclées de sang bien maigres. Un film qui a voulu faire du chasseur, la proie. Oui, le monstre est devenue une proie comme une autre face à de super Predators. Là où Ridley Scott détruisait le mythe Alien avec Alien Covenant de manière forte, passionnante et nihiliste, Shane Black ne fait rien de son matériel de base et n’en fait qu’une œuvre désarticulée. Pourtant, même si le film s’avérait raté, nous pouvions nous attendre à un plaisir coupable nous proposant le monstre dans toute sa splendeur en train d’écrabouiller ses ennemis. Mais il n’en fait rien. Loin de l’iconisation naturalisme du film de 1987, loin de son propos sur l’Homme à l’état de nature, The Predator enchaine les moments de bravoure vains et les blagues de mauvais gouts. Un raté monumental.

Ariane Laure : Rampage, hors de contrôle

Dwayne Johnson nous a habitués depuis plusieurs années aux films d’action musclés, riches en situations catastrophes et en émotions fortes. Entre la saga Fast and Furious, San Andreas, Baywatch et Skyscraper, Dwayne Johnson est devenu une véritable figure héroïque du cinéma. Sa carrure imposante et ses rôles de sauveur du monde lui ont pratiquement conféré le statut de super-héros. Pourtant, sa seule présence au casting ne suffit pas à assurer la qualité d’une œuvre. Rampage : hors de contrôle en constitue un exemple topique. Etrange mélange entre la Planète des Singes et Jurassic Park, le film présente le combat d’un primatologue, ami avec un gorille albinos qu’il a recueilli, contre de dangereux prédateurs issus d’expériences génétiques ratées. Si l’apparence des deux animaux, à savoir un loup volant et un crocodile géant, amuse au second degré, Rampage n’a rien d’autre d’innovant ou de palpitant à proposer. Sans le moindre suspense, après que les monstres aient ravagé la ville de Chicago, Dwayne Johnson parviendra à éviter un cataclysme mondial. Que du déjà vu, teinté d’un humour parfois douteux, qui remplit à peine sa fonction de divertissement. Il vaut mieux débrancher son cerveau !
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