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Pier Paolo Pasolini, sous influence

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

À l’occasion de l’exposition « Pasolini en clair-obscur » présentée au Nouveau Musée National de Monaco du 29 mars au 29 septembre 2024, les éditions Flammarion proposent un catalogue consacré aux influences croisées entre l’art et la geste pasolinienne.

Écrivain et réalisateur, Pier Paolo Pasolini figure sans conteste parmi les hérauts de la culture italienne du XXe siècle. Son œuvre, multiple et controversée, entre en résonance avec certains artistes, mouvements et écoles de pensée qui l’ont précédé. Pasolini en clair-obscur permet d’en prendre la pleine mesure, en liant le réalisateur de Salò ou les 120 Journées de Sodome à des dizaines d’influences, venant de tous horizons.

Né en 1922 à Bologne, en Italie, Pasolini a été tragiquement assassiné le 2 novembre 1975, probablement en raison de ses moeurs. Sa vie a été marquée par un engagement constant envers les idéaux de gauche, et sa formation initiale en littérature et en art, à travers laquelle il est entré en contact avec le professeur Roberto Longhi, lui a permis de développer une voix unique, qui s’est exprimée à travers divers disciplines.

Pasolini se distingue en effet par une œuvre polymorphe incluant poésie, romans, films, essais et articles. Au cinéma, parmi ses films les plus connus, on compte Accattone (1961), Mamma Roma (1962) et Théorème (1968). Cependant, c’est sa Trilogie de la vie (composée de Le Décaméron, Les Contes de Canterbury et Les Mille et Une Nuits) qui a cimenté sa réputation de réalisateur innovant et provocateur. Son dernier film, Salo ou les 120 Journées de Sodome, basé sur l’œuvre du Marquis de Sade, est peut-être son travail le plus controversé. Il explore les thèmes de la violence, de la domination et de la corruption, et a été interdit ou censuré dans plusieurs pays. Pasolini y dénonce la déshumanisation inhérente au capitalisme et à ses structures de pouvoir.

Pasolini en clair-obscur revient longuement sur la geste pasolinienne. Il explique la manière dont le cinéma de Pasolini s’inscrit en écho à d’autres œuvres : Le Décaméron dialogue avec Boccace et l’école flamande, mais comprend aussi des plans « copiés » sur les tableaux de Giotto ; Théorème est placé sous le patronage stylistique de Francis Bacon ; Sade est restitué dans l’Italie de Mussolini, avec classicisme, à l’aide de longs plans larges statiques ; Fernand Léger y est convoqué à l’écran…

La question de la postérité se pose aussi, avec Ernest Pignon-Ernest, Martial ou Francesco Vezzoli – ce dernier apposera, avec une certaine poésie, le mot fine sur un portrait de Pasolini en noir et blanc. Au cinéma, on retiendra notamment le film biographique d’Abel Ferrara, ou le travail de divers vidéastes. Pier Paolo Pasolini reste une figure complexe de l’art moderne. L’ouvrage rappelle qu’il se montrait critique envers l’art contemporain, même s’il appréciait Fabio Mauri, un ami avec qui il partageait la certitude de la puissance persuasive de l’image.

À travers ses films, ses écrits et ses prises de position publiques, Pasolini a continuellement remis en question les normes établies et exploré les tensions entre les cultures, les classes sociales et les individus. Pasolini en clair-obscur le rattache en sus à une multitude d’artistes qui l’ont inspiré, ou qu’il a influencés. Prendre le pouls de ces citations croisées est à la fois passionnant et nécessaire à la juste appréhension de l’œuvre pasolinienne.

Pasolini en clair-obscur, collectif
Flammarion, avril 2024, 224 pages

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