Entre les rares averses de saison, les biscuits roses, le ratafia et autres spécialités rémoises, nous avons découvert une multitude de films, de la compétition au sang neuf, en passant par une sélection hors compétition qui n’a pas à pâlir. Petit point sur le palmarès de cette 4e édition de Reims Polar, ainsi que sur le film de clôture de Baptiste Debraux, Un homme en fuite.
S’il est coutume de baisser le rideau par un flamboyant feu d’artifice, les cérémonies de clôture sont généralement jonchées de discours interminables et politiquement corrects. C’est effectivement ce qui nous a été servi dans cette région de Champagne-Ardenne, qui a perdu toute son effervescence du début de semaine.
La précédente édition a vu Limbo, Border Line (initialement Upon Entry) et About Kim Sohee repartir avec les honneurs. Des succès bien mérités, mais qu’en est-il de cette année ? Bruno Barde, le Public Système Cinéma et la ville de Reims peuvent se réjouir d’avoir une hausse de fréquentation, ce qui n’est pas près de redescendre d’aussi tôt. Tout au long de cette semaine, admirablement maîtrisé grâce aux soutiens de bénévoles souriants et impliqués, cette clôture possède à la fois le goût d’un au revoir et d’une célébration qui ne fait que commencer.
La jeunesse cinéphile a répondu présent et son jury de la région Grand Est a opté pour l’ambivalence d’une gardienne et la plongée immersive dans la prison de haute sécurité danoise de Sons de Gustav Möller (en salle le 10 juillet), déjà connu pour The Guilty.
Puis après un discours qui étire le suspense et qui vend un peu la mèche avant même l’annonce du lauréat Sang Neuf, Blaga’s Lessons (en salle le 8 mai) s’est vu couronné par François Busnel et ses acolytes, dont il assure la stricte unanimité.
Vient le tour du jury critique, qui a pris soin d’étudier toutes les pièces à conviction dont il disposait, mais le verdict de Philippe Rouyer est irrévocable. Ce dernier rappelle à quel point Steppenwolf est un bijou de polar et de cinéphilie venu du Kazakhstan, qui s’inspire, entre autres, des magnifiques westerns de John Ford dans un portrait d’une nation en pleine guerre civile. Son duo atypique explose tout sur son passage et il n’y a pas besoin d’en savoir plus pour se plonger dans cet univers post-apocalyptique, orné d’un humour noir bien corrosif.
N’oublions pas le comité de police, dont l’intérêt s’est essentiellement porté sur le réalisme des séquences urbaines à base de gangsters. C’est le coup de Shock pour ce jury, qui y a vu du vrai dans les dilemmes humains que rencontrent les personnages, notamment un médecin dont la loyauté est malmenée par des deals qu’il ne contrôle plus.
Et le public a également son mot à dire. Son enthousiasme s’est porté sur The Last Stop in Yuma County, un huis clos coénien et tarantinesque dans un diner où gangsters, vendeur de couteaux ambulant, serveuse, couple maladroit et bien plus encore se prennent eux-mêmes en otage face à l’appât du gain.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et trois derniers prix restent encore à distribuer parmi la compétition. Son jury, présidé par Danièle Thompson, s’est mis d’accord pour mettre un récit halluciné et un film qui renvoie à l’univers carcéral en Corse exæquo. Only The River Flows et Borgo (en salle le 17 avril prochain) se partagent ainsi les honneurs.
Quant au Grand prix, il revient à Highway 65. Un film dont on peut douter de son efficacité, mais aucunement de sa pertinente dans le portrait que Maya Dreifuss fait des femmes en Israël. Le sujet politique étant encore chaud, cette récompense est à double sens et ne démérite pas non plus la reconnaissance du public qui, s’il ne l’a pas encore découvert, va naviguer dans l’obscure réalité de Daphna, une inspectrice dont les penchants masculins ne l’empêchent pas de vivre sa féminité.
La cité des sacres maintient ainsi son prestige en récompensant de brillants artistes qui nous tardent déjà de redécouvrir en salle.
Suite à quoi, nous nous sommes mis à pourchasser un homme en fuite aux côtés d’une Léa Drucker très investie. Hélas, cette course-poursuite un peu mélancolique à Rochebrune, aux bords du chaos, reste à l’état de brouillon. Et au milieu d’une fable sociale, dont la métaphorique à l’Île au Trésor de R. L. Stevenson est étirée jusqu’à en perdre toute cohérence avec le récit, nous y décortiquons l’amitié brisée entre un meneur révolutionnaire en cavale et son ancien ami qui a déserté sa ville natale pendant 15 ans pour vivre de sa passion. Doit-on donc vivre dans la fiction ou revenir affronter la réalité, quitte à franchir les limites du raisonnable ? Accordons-nous encore un peu de suspense pour le dernier film présenté lors de la cérémonie de clôture. Nous vous parlerons plus longuement d’Un Homme en Fuite (en salle le 8 mai prochain), le thriller français porté par Bastien Bouillon, Léa Drucker et Pierre Lottin qui a jeté un coup de froid dans la salle.
Rendez-vous à la prochaine édition, qui aura (toujours) lieu dans les enceintes de l’Opéraims, du 1er au 6 avril 2025.