Quand bien même la condition de la femme en terre israélienne est de moins en moins ambiguë, il reste encore du chemin à parcourir avant de rééquilibrer le rapport de force, toujours dicté par la culture du patriarcat. Maya Dreifuss ne cache donc pas son envie d’en étudier les contours dans ce Highway 65, une route circulaire, qui ramène les personnages vers ce point de rupture qu’ils ont trop longtemps esquivé.
Synopsis : Quelques mois après sa mutation forcée de Tel Aviv à la petite ville d’Afula, Daphna, brillante détective, découvre le téléphone abandonné d’Orly Elimelech. Connue pour ses liens avec la puissante famille Golan, cette ancienne reine de beauté est introuvable. Alors que personne ne semble s’inquiéter de cette disparition et malgré la défiance de la ville qui lui reproche avant tout d’être une femme célibataire et sans enfant, Daphna se lance à corps perdu à la recherche d’Orly…
Les jeux de pouvoir entre les hommes et les femmes tenaient déjà une place importante dans She is coming, son premier long-métrage. Cette fois-ci sans romance pour approfondir le sujet, Highway 65 se présente comme une denrée rare dans le paysage cinématographique israélien et tournée en hébreu. Véritable défi de production, ce film policier possède tous les éléments qui rendent hommage au cinéma de Chabrol, Hitchcock et Melville, si chère à la cinéaste. On se réjouit qu’un tel registre soit mis en avant par une militante aussi impliquée. Malheureusement, le fantasme ne dure que le temps de l’exposition. Le reste de l’intrigue manque d’éveiller cette fureur féminine, ou ce souffle sororal, qui justifieraient toutes ses lettres de noblesse au polar.
Hommes perdus, femmes invaincues
Une ancienne reine de beauté manque à l’appel. Personne n’a l’air de s’en soucier, mais Daphna ne compte pas laisser cette affaire dans la brume et dans l’oubli. Tali Sharon lui donne tout le crédit nécessaire pour que l’intrigue tienne bon jusqu’au bout. Sa Daphna est loin d’être la plus féminine du coin paumé d’Afula. À 41 ans, sa nature contredit toutes les mœurs établies par la culture locale et son sens radical de la justice ne l’aidera pas forcément à réparer cette fracture sociale qui touche son pays. Indépendante, sans désir d’enfant ni de mariage, démarche et attitude masculines, pas d’amis sur lesquels s’appuyer, il ne reste que son statut d’enquêtrice à défendre, malgré les réserves de sa supérieure directe, totalement résignée.
Même loin de la capitale, Daphna continue d’encaisser de nombreux coups tordus avant de pouvoir librement s’exprimer. Alors, comment exister en ce monde ? Comment survivre en tant que femme ? Cela commence par le refus de sa féminité, puis le refus de se soumettre à la volonté des hommes. Plongée corps et âme dans cette disparition, elle possède un petit côté Mark McPherson, envoûté par sa Laura, ou sa Orly en l’occurrence. Cette mystérieuse belle et jeune femme est l’opposée parfaite de Daphna. Son envie de la sauver d’une mort certaine contraint l’enquêtrice à pousser ses suspects à bout et à franchir d’autres limites… Mais encore une fois, ni la pseudo-romance qu’on lui accorde, ni sa révolte intérieure ne peuvent rehausser l’image d’un pays qui ne demande qu’à refleurir. En attendant, les diverses plantations contribuent à préserver la bienséance et l’illusion qu’un avenir radieux est possible.
Ainsi, Highway 65 manque tristement d’efficacité dans ce qu’il entreprend. D’une scène à l’autre, l’intensité ne génère aucune tension, rendant ainsi les enjeux du récit obsolètes. Maya Dreifuss mise sur une approche trop théorique sur la condition des femmes dans son pays et nous perd dans un faux-rythme. Elle échoue cependant à joindre les deux bouts lorsque vient le moment de rendre des comptes. La performance de la comédienne principale ne peut effacer toute cette frustration, mais il faut reconnaître que la problématique des femmes dans l’Israël actuel ne laisse personne indifférent.
Fiche technique
Réalisation et Scénario : Maya Dreifuss
Production : Estee Yacov-Mecklberg, Haim Mecklberg, Miléna Poylo, Gilles Sacuto & Alice Bloch
Image : Amit Yasour
Montage : Nili Feller & Ronit Porat
Musique : Pierre Oberkampf
Pays de production : Israël, France
Année de production : 2023
Ventes internationales : MK2 Films
Genre : Drame, Thriller
Durée : 1h48