artistique-jargon-abecedaire
Sarah Anthony © Textes et illustrations tous droits réservés.

Alphabet mystique, double égyptien, poème grivois, art fasciné par l’est et opéra espagnol – l’abécédaire artistique n°28

Dernière mise à jour:

ABC… ART

Au fait, L’Abécédaire artistique existe aussi en livre !
Découvrir le livre

Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi sur deux pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

F-r-duit-sarah-anthony

  • Futhark

IMG-1240
catégorie : linguistique, Histoire, notamment médiévale, cultures scandinave et germanique, nom commun d’origine germanique.

Le futhark est le nom de l’alphabet runique germanique. Composé de vingt-quatre lettres, le futhark ou fuþark tire son nom de ses six premières runes (le « th » correspondant à une seule lettre). C’est le plus ancien alphabet runique. Le vieux futhark, utilisé dans les cérémonies religieuses, était à l’origine subdivisé en trois groupes de huit lettres, appelés ætt. Cependant, dès le VIIIème siècle, l’alphabet est simplifié en Scandinavie, pour correspondre au futhark actuel (guère plus utilisé que de manière folklorique), qui permet alors d’améliorer les échanges commerciaux. 

Plus qu’un simple alphabet exotique, le futhark a été un moyen de communication pour un ensemble de peuples européens. Il a été utilisé aussi bien par les Vikings et autres peuples scandinaves, les Frisons, les Celtes, les Anglo-Saxons, mais aussi d’autres groupes germains. Les influences et origines précises du futhark sont assez méconnues, et on date son apparition de manière très approximative au Ier siècle avant J.-C. La forme géométrique des lettres est logiquement liée à leur utilisation gravée, les lignes droites facilitant la gravure, contrairement aux courbes. 

Une origine mythique existe pourtant, qui nous vient de la mythologie scandinave. Les runes, éléments magiques symboliques, étaient à l’origine utilisées par les Nornes (trois vieilles sorcières tissant la toile du destin) comme supports à leurs créations. A l’aide des runes, les desseins des Nornes voyageaient dans la sève d’Yggdrasil, l’Arbre-monde sur lequel reposaient les neuf mondes de la croyance nordique, et, grâce à la sève, atteignaient chacun de ces univers. Odin, comprenant le potentiel magique des runes, accepta de s’empaler sur l’arbre durant neuf jours. Au-delà de la souffrance, il reçut la compréhension des runes, lui permettant ainsi de devenir le plus grand dieu du panthéon nordique, mais aussi le dieu du savoir et de la magie. 

Créées comme un alphabet, un mode de communication, les runes ont peu à peu acquis une seconde fonction plus ésotérique, qui nous ramène aux pouvoirs d’Odin. Elles ont ainsi été récupérées comme objets divinatoires. On leur prête une certaine magie, et ce, dès l’Antiquité où Tacite aurait rapporté cet usage dans une publication aujourd’hui contestée. Les runes sont pourtant encore utilisées de la sorte de nos jours par certains adeptes de la divination. On apprécie leur mystère mais aussi leur aspect géométrique harmonieux, dans lequel flotte un certain équilibre. Leur étymologie obscure pourrait d’ailleurs être à l’origine de cette fonction. En effet, en celte comme en germain ou en vieux norrois, le mot rune signifie « secret, mystère, connaissance » voire « magie ». Faut-il y voir une simple référence au secret de la langue et de l’alphabet ? Ou bien les runes possèdent-elles un quelconque pouvoir surnaturel ?

K-bis-r-duit-sarah-anthony

  • Ka

IMG-1241
catégorie : archéologie, Antiquité, égyptologie, religion égyptienne, nom commun.

Dans l’Égypte ancienne, le ka désignait la force vitale de toute personne. Il faisait partie des sept attributs des Égyptiens, divisés entre éléments spirituels et physiques. Les premiers étaient le ka, le ba et l’akh. Les seconds se composaient du corps (djet), du nom, du cœur (ib) et de l’ombre (shout). 

Né avec l’individu au moment de sa naissance, le ka était un double invisible, un souffle accompagnant la personne, une part d’elle-même. Le ka, comme le corps physique, devait être nourri. Pour cela, on lui présentait des nourritures et boissons desquelles le double immatériel prélevait une part invisible. Le ka ne quittait pas la personne dont il était le double, il lui était lié. Même les dieux avaient un ka, voire plusieurs, selon leur puissance, à l’image du grand dieu Rê, pourvu de quatorze ka ! Chacun représentant une des multiples facettes de son caractère complexe.

De manière plus surprenante, il est intéressant de savoir que les objets aussi disposaient d’un ka, dans ce cas une force inanimée. Le ka est un terme difficile à traduire en même temps qu’un concept complexe aux antipodes de nos modes de pensée actuels. Il était symbolisé par deux bras levés vers le ciel. Lorsqu’on mourait, on disait qu’on rejoignait son ka, qu’on était réuni avec lui. 

Quant au ba (ou baï), il était représenté comme un oiseau à tête humaine (il portait le visage de chaque individu), symbolisait le pouvoir de communication de chacun et quittait le défunt après sa mort. Contrairement au ka, le ba était une force en mouvement. On pouvait très bien avoir plusieurs baou (pluriel de ba), chacun occupé à une communication différente. Plus obscur, l’akh signifiait la transfiguration de l’individu, mais aussi ses capacités mystérieuses et magiques dissimulées. L’akh étant lié au dieu Rê, trouver la lumière dans le trépas, c’était la rejoindre dans l’au-delà.

L’Abécédaire artistique a déménagé : découvrir son nouveau site

L-r-duit-sarah-anthony

  • Limerick

IMG-1242
catégorie : poésie, littérature, humour, culture anglo-saxonne, nom commun tiré de la ville de Limerick, en Irlande.

Le limerick est une courte poésie humoristique aux accents parfois scabreux. Il nous vient sans surprise de la culture anglo-saxonne. Typique de l’humour anglais, le limerick flirte souvent avec l’absurde et l’improbable. Le besoin d’obtenir des rimes et une connotation grivoise en seulement quelques lignes donnent lieu à des textes truculents. Traditionnellement, le limerick se compose de six vers : les deux premiers riment ensemble, les deux suivants aussi et le cinquième ferme la boucle et conclut l’histoire en rimant avec les deux premiers. Je dis « conclut l’histoire », car le limerick est souvent une histoire, une petite blague qui peut même être chantée comme une comptine (pour les plus sages). Le nom du limerick, tiré de la ville éponyme irlandaise, est difficile à expliquer, mais on sait au moins que les limericks seraient apparus vers la fin du XVIIème siècle dans les îles britanniques ou en Irlande. 

La rédaction de limericks impose de bien connaître les subtilités de la langue et surtout la musicalité de son vocabulaire. Plus que sur les rimes, les limericks jouent aussi sur les allitérations et les assonances. A l’origine en anglais, on trouve aujourd’hui des limericks dans de nombreuses langues. Le poète et écrivain britannique Edward Lear (1812 – 1888) écrivit des limericks. En voici un : 

There was an Old Man with a beard, 

Who said, ‘It is just as I feared! 

Two Owls and a Hen, 

Four Larks and a Wren, 

Have all built their nests in my beard!’

 

Ci-dessous, je vous propose une traduction adaptée pour conserver les rimes : 

Un vieil homme à la barbe aux longs poils, 

Un jour, dit : « je redoutais ce mal !

Une poule et deux chouettes, 

Un passereau et quatre alouettes, 

Ont tous fait leur nid dans mes poils ! »

O-reduit-sarah-anthony

  • Orientalisme

IMG-1243
catégorie : arts plastiques, littérature, orient, nom commun tiré du mot orient.

L’orientalisme est un courant artistique qui apparaît à la fois dans les arts plastiques, mais aussi dans la littérature au XIXème siècle, en Europe. Comme son nom l’indique, l’orientalisme est un mouvement fasciné par le faste, le mystère et l’exotisme que recèle l’Orient. L’intelligentsia de l’Occident se met à regarder avec curiosité et envie son opposé oriental et ses diverses cultures.
Les origines de l’orientalisme sont nombreuses et commencent avec la campagne d’Égypte. La grandeur de l’Égypte antique parvient dans les sociétés européennes, tout comme les artefacts grecs et algériens suivent après la guerre d’indépendance grecque et la conquête de l’Algérie. Plus tard, la chute de l’empire ottoman vient encore alimenter cette passion. 

La mode des explorateurs y est aussi pour beaucoup. On part alors à la découverte du monde, pour écrire, créer ou simplement s’ouvrir l’esprit. L’orient, aux portes de l’occident, est donc sans surprise une des premières destinations à explorer. 

Cet univers mystérieux où flottent les préceptes de l’islam et les subtilités de la langue arabe s’invite alors partout en Europe : les peintures représentent des odalisques au bain ou au harem (voir l’entrée Bayadère, l’Abécédaire artistique n°19), des marchés orientaux, des scènes de désert, des intérieurs recouverts de zellige… Dans la littérature, les histoires et les poèmes prennent place en Égypte, au Maghreb, à Ispahan… 

Parmi les grands peintres orientalistes, on peut citer Dominique Ingres, Jean-Léon Gérôme ou encore Eugène Delacroix, certains représentant des paysages, d’autres des architectures, des intérieurs ou encore la population locale, avec ses costumes et ses coutumes traditionnels. 

Les grands noms de la littérature orientaliste sont Victor Hugo (Les Orientales), Montesquieu (Lettres persanes), Théophile Gautier (Le Roman de la momie, voir l’entrée Brun de momie, l’Abécédaire artistique n°27), Voltaire (avec notamment Memnon et Zadig) et enfin Gustave Flaubert (avec le très connu Salammbô). 

On le sait moins, mais l’orientalisme a aussi influencé la musique, et surtout l’opéra. Pensons à L’Enlèvement au sérail de Mozart ou aux œuvres de Rossini : Le Turc en Italie et L’Italienne en Algérie.
Z-reduit-sarah-anthony

  • Zarzuela

IMG-1244
catégorie : opéra, musique, théâtre, culture espagnole, nom commun tiré du Palais de la Zarzuela, à Madrid.

La zarzuela est un genre et un type de spectacle lyrique propre à l’Espagne. Toujours comique, la zarzuela peut correspondre à une version espagnole de l’opéra-bouffe ou du singspiel allemand. 

Ce genre artistique est né dans la ville de Madrid et est imprégné par les particularités de la capitale au moment de sa naissance et de son essor (XVIIIème et XIXème siècles). Ainsi, la zarzuela est marquée par les intrigues opposant ou liant classes populaires et classes aisées. A mi-chemin entre théâtre et opéra, la zarzuela est un type de spectacle vivant qu’on pourrait définir comme une pièce de théâtre ponctuée de scènes musicales – un peu une sorte de comédie musicale avant l’heure. Ses intrigues sont marquées par des histoires et des costumes hauts en couleur. Elles opposent de fiers jeunes gens issus des classes populaires aux forces de l’ordre, ou à leur destin. Les femmes portent d’épais jupons colorés, les airs sont enjoués et on danse beaucoup sur scène. 

Cependant, l’histoire de ce genre est ponctuée par des périodes de croissance, de déclin et beaucoup d’évolutions. Au XVIIIème siècle, ce spectacle joué en espagnol a, par exemple, décliné avec l’avènement des Bourbons sur le trône d’Espagne, peu friands de la langue de Cervantès – ils boutent les Habsbourg du pays. C’est d’ailleurs la langue et les intrigues se déroulant dans le monde hispanique qui ont souvent été invoquées comme frein au développement de la zarzuela, très restreint en dehors des frontières du monde espagnol et de ses colonies. 

Pour survivre à l’ère Bourbon, la zarzuela a dû changer de forme, évolutions qui se sont poursuivies jusque dans les années 1860. Plus courte avec un seul acte, les billets d’entrée sont moins chers et la zarzuela devient le type de divertissement populaire par excellence. 

Elle tire son nom du Palais de la Zarzuela, situé à Madrid, premier lieu à avoir accueilli ces manifestations culturelles. L’édifice emprunte lui-même ce nom à une ronceraie (de l’espagnol zarza, ronce), lieu où il fut construit. De manière assez surprenante, la zarzuela est aussi un plat espagnol composé de fruits de mer et de poissons.

Rendez-vous dans deux semaines pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne un jeudi sur deux.

Envie d’en apprendre plus sur un sujet en particulier ? Faites un tour sur l’index de l’Abécédaire artistique.

© Tous droits réservés. Ce contenu est protégé par le code de la propriété intellectuelle, il est formellement interdit de le réutiliser sans mon autorisation. Il est interdit de copier, reprendre ou s’inspirer de l’Abécédaire Artistique sans mon accord sous peine de poursuites judiciaires. Pour toutes questions concernant l’Abécédaire, me contacter.