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Sarah Anthony © Textes et illustrations tous droits réservés.

Danseuse d’Orient, crayon casse-tête, chant de bergère scandinave, couleur choquante et carreau historique – l’abécédaire artistique n°19

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ABC… ART

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L’Abécédaire Artistique

Cet abécédaire vous parlera de :

Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.

Rendez-vous un jeudi sur deux pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.

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  • Bayadère

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catégorie : danse, culture indienne, ballet, nom féminin, du portugais « bailadeira » (danseuse).

Derrière le mot bayadère se cache une profession féminine plus connue sous d’autres noms, tels qu’odalisque, par exemple. Techniquement, ni le terme bayadère, ni le terme odalisque ne sont les bons. On parle en fait de devadâsî. Ce terme issu de l’hindi désigne une femme dévouée à un temple (littéralement une femme au service d’une divinité). Un peu à l’image d’une vestale, à l’époque romaine antique, à quelques différences près. Les devadâsî, étant mariées à un dieu, ne prenaient donc pas d’époux mortels et restaient, en ce sens, célibataires. Raison pour laquelle nombre d’entre elles ont pu se livrer à la prostitution, pour accroître les finances du temple. A noter que cette pratique a été renforcée par la colonisation en Inde, et interdite sous l’impulsion de Gandhi.

C’est ainsi que naît le fantasme de la bayadère, ou de l’odalisque en France. La bayadère (du portugais bailadeira pour danseuse) est une femme idéale dans l’imaginaire friand d’orientalisme du XIXème siècle et de l’ensemble des périodes coloniales. Exotique, dévouée, danseuse sacrée, vivant dans un palais (le temple)…
Que de rêveries ces dames ont inspiré aux artistes occidentaux, pour le plus grand plaisir de nos yeux ! Citons par exemple
La Grande Odalisque, peinture d’Ingres (1814), L’Odalisque, autre tableau de Boucher (1745). Les devadâsî étant, entre autres, des danseuses attachées au temple, on l’a dit, aucune surprise à ce qu’elles aient aussi inspiré un ballet : La Bayadère, créé en 1877 par Minkus (composition) et Petipa (chorégraphie), et contant les amours d’une danseuse indienne et d’un guerrier.

A noter qu’on parle de manière interchangeable de devadâsî, de bayadère, d’odalisque (du turc odalık, désignant une servante de harem)… mais aussi d’almée (de l’arabe a’oualem) mot désignant une danseuse savante égyptienne. On comprend alors aisément que dans les esprits fascinés d’orientalisme des occidentaux de la Belle époque, les concepts se sont quelque peu mélangés…
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  • H, HB, B (crayon)

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catégorie : dessin, calligraphie.

Vous vous souvenez sûrement des listes scolaires réclamant des crayons HB. Ces deux lettres mystérieuses ont orné le manche de vos crayons pendant des années, vous narguant de leur énigme… et continuent encore peut-être de le faire aujourd’hui !
Brisons le mythe : les artistes, en particulier les dessinateurs, disposent de boîtes entières de crayons non seulement HB, mais également B, et H. Et encore, si seulement : on y trouve aussi des crayons 2B, 4B, 6B, 8B, etc. Et des 2H, 4H, 6H, 8H !

Une réponse très simple se cache derrière ces lettres : les crayons estampillés H disposent d’une mine dure (en anglais hard) tandis que ceux marqués d’un B possèdent une mine grasse (bold, dans la langue de Shakespeare).

Ces différences sont très utiles aux dessinateurs, car un crayon à la mine plus ou moins dure ou grasse ne donnera pas le même résultat et sera donc utilisé à des fins diverses. Par exemple, les ombres se réalisent avec des crayons gras (B). On pourra ensuite les estomper au doigt pour obtenir des zones texturées, légères et uniformes. Les crayons B déposent beaucoup de matière sur la feuille. On peut aussi les utiliser pour réaliser des tracés épais (mais peu précis et peu stables).
A l’inverse, on se servira d’un crayon de la gamme H pour réaliser des tracés, des traits qui ne doivent en aucun cas s’estomper. Il peut aussi s’agir de traits légers, déposant peu de graphite sur la feuille.

Dans le cas des crayons à mine grasse comme dure, les gammes proposent différentes possibilités plus ou moins poussées : en général du 2B ou 8B, et du 2H au 8H, permettant dans un même dessin de disposer de plusieurs intensités en termes de traits comme d’ombres.

Quant au fameux crayon HB, c’est tout simplement un compromis, un crayon à la fois dur et gras, polyvalent sans être très spécifique : en somme le crayon que tout le monde peut utiliser !
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  • Kulning

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catégorie : cultures traditionnelles scandinave et finlandaise, chant, nom masculin.

Le kulning désigne une technique de chant traditionnel scandinave et finlandais utilisé pour rassembler les troupeaux. Il est rare que des hommes pratiquent le kulning, c’est pourquoi, typiquement, on considère ce style de chant comme féminin. Le kulning vient à la fois de la tradition rurale norvégienne, s’étendant à toute la Scandinavie, notamment la Suède, et également de la culture finlandaise et finno-ougrienne.

En termes sonores, il s’agit d’un chant extrêmement haut perché, sans mots ou phrases, uniquement des vocalisations. Chanté en voix de tête, produisant des sons très aigus et puissants, le kulning avait pour vocation d’appeler les animaux paissant en hauteur pour qu’ils reviennent dans les plaines, la nuit venue.

Aujourd’hui, le kulning est de plus en plus le sujet d’un intérêt de la part de gouvernements et interprètes scandinaves et finlandais, pour le valoriser. C’est par exemple le cas de Vilma Jää. Cette jeune chanteuse finlandaise réinterprète le kulning dans le chant contemporain. A l’été 2021, on a pu l’entendre dans l’opéra Innocence de Kaija Saarihao donné au Festival d’Aix.

A noter tout de même que cette forme de chant extrêmement perçant peut dérouter, voire déplaire ou donner mal aux oreilles lorsqu’elle est entendue pour la première fois. Pourtant, une forme de poésie et de magie émane de ce chant très aigu, semblant tout droit sorti d’un conte. D’après la tradition folklorique norvégienne, le kulning serait inspiré du chant de la trolle Huldra, destiné à attirer les hommes, un peu à la manière des sirènes grecques de L’Odyssée.

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  • Rose Shocking ou rose Schiaparelli

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catégorie : mode, couture, couleurs, noms masculins, respectivement de l’anglais et du nom propre Elsa Schiaparelli.

Vous connaissez sans doute le rose Schiaparelli sans savoir qu’il se nomme ainsi. C’est typiquement le rose Barbie, très intense et voyant. Cette nuance de fuchsia doit ce nom à la créatrice de mode qui l’a rendue célèbre.

Née à Rome en 1890, Elsa Schiaparelli est, dans les années 1930, installée à Paris, de même que sa maison de couture. C’est en 1936 qu’elle découvre ce rose vif qui deviendra sa marque de fabrique. Il lui est présenté par Jean Clément, alors qu’elle cherche à créer des pièces roses et innovantes. Dès qu’elle le voit, Elsa tombe amoureuse : ce rose sera son rose.
Parce qu’à l’époque déjà, un tel rose choque, le choix d’Elsa est vite fait : avec beaucoup d’humour, elle va appeler cette nuance le Shocking Pink ou Rose Shocking (rose choquant). Très rapidement, ce coloris prend ses quartiers dans ses collections jugées audacieuses, originales et avant-gardistes. La couturière italienne assume à fond le côté too much de cette couleur, qu’elle dit volontiers criarde. Comme beaucoup d’autres nuances très vives, le Rose Shocking tient une place importante dans les vêtements que crée la styliste, au point se faire connaître aussi sous son patronyme.

Si aujourd’hui, cette couleur fait toujours autant parler d’elle, c’est grâce à Elsa Schiaparelli. A présent, vous ne direz plus « rose Barbie »… Vous pourrez glisser l’air de rien « Rose Schiaparelli » ou « Rose Shocking ».
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  • Zellige

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catégorie : céramique, mosaïque, architecture, cultures maure et arabo-musulmane en général, et marocaine, nom masculin, de l’arabe «zulug» (pierre lisse) ou « al zulaydj » (petite pierre lisse).

Le zellige est un type de carreau de faïence oriental utilisé pour réaliser des mosaïques géométriques. On situe son origine au Xème siècle, au royaume du Maroc, c’est pourquoi on parle traditionnellement de zellige marocain.

La zellige se caractérise par des petits carreaux de céramiques aux formes diverses, assemblés pour former des mosaïques géométriques complexes et répétitives, particulièrement en termes de formes, mais aussi de couleurs.

La géométrie était historiquement très présente dans la culture arabo-musulmane du fait de l’interdiction de représenter le divin dans l’islam. Ainsi, les édifices religieux, puis la plupart des constructions en général, sont traditionnellement ornés de motifs géométriques et végétaux stylisés (les fameuses arabesques). Le zellige donnant à voir des mosaïques particulièrement belles, un grand usage en est fait dans l’architecture maure, y compris en Espagne, avant la Reconquista. En Andalousie, la visite du complexe monumental et architectural qu’est l’Alhambra, à Grenade, est l’occasion de voir de superbes exemples de zellige.

Bien que son étymologie renvoie à une « pierre lisse », le zellige résulte d’un processus complexe de façonnement et séchage de terre cuite, ensuite enduite d’un émail de couleur.

Au XVème siècle, se développe en Andalousie, la technique de l’azulejo, un type de carreau à dominantes bleue et blanche dérivé du zellige. Bien qu’il puisse partager son étymologie avec le carreau arabe, le terme azulejo pourrait également provenir du mot azul (bleu en espagnol).

Rendez-vous dans deux semaines pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne un jeudi sur deux.

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