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L’Héritage des 500 000 : l’unique film de Toshiro Mifune en Blu-ray chez Carlotta

Ce mercredi 28 août est dévoilé en Blu-ray (et en édition DVD) L’Héritage des 500 000, l’unique film réalisé par Toshiro Mifune, l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa, ici perdu dans une tâche qui l’a dépassé.

Synopsis : Durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Matsuo a participé à l’ensevelissement de plusieurs milliers de pièces d’or dans la jungle philippine. Alors qu’il pensait ce trésor enfoui à tout jamais, voilà qu’un riche homme d’affaires, Mitsura Gunji, lui propose de partir à la recherche du butin. Contraint d’accepter, Matsuo retourne aux Philippines accompagné de quatre hommes recrutés par Gunji…

Quand l’élève n’a plus de maître

L’Héritage des 500 000 aurait probablement pu avoir au générique le nom d’Akira Kurosawa. Oui, on imagine bien le projet entre les mains du maître cinéaste tant il partage de points communs avec plusieurs de ses longs métrages.  On pense à La Forteresse Cachée (1957) et son duo de zigotos plus amusants que dangereux, à Entre le ciel et l’enfer (1963) pour sa bourgeoisie japonaise touchée par la cupidité haineuse. Ou encore au Sept Samouraïs et de nombreux autres pour leur récit aux genres croisés touché par l’Histoire, notamment celle – moderne – des années 30 à 50, faisant ainsi du récit historique ou contemporain une fable morale, miroir des préoccupations de l’époque et de ses individus.

Oui, Mifune, en choisissant de mettre en scène ce scénario, expose bien à quel point il a été marqué par celui qu’il considère comme le seul réalisateur ayant repoussé ses limites d’acteur. L’interprétation peut laisser place à une justification plus concrète, on retrouve en effet à l’écriture du film Ryuzo Kikushima, coscénariste de plusieurs métrages du maître Kurosawa, d’un Chien enragé (1949) à Barberousse (1965) en n’oubliant pas – entre autres – Yojimbo (1961), Sanjuro (1962), Le Château de l’Araignée (1957) et ceux cités plus haut.

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Un personnage marqué par son passé guerrier ou Toshiro Mifune mis à l’épreuve par son présent.
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Toutefois, l’acteur se retrouve ici dans une position loin d’être la plus aisée pour son premier long film. En effet, au début des années 60, la Toho, célèbre compagnie japonaise de production cinématographique à qui l’on doit la mise en chantier de Godzilla et ses nombreuses suites, ainsi que quelques-uns des grands films de Kurosawa, déclare à Mifune qu’il devrait ouvrir sa propre société de production. Ainsi naît Mifune Productions, premier pas de la chute de la star. L’acteur l’apprend rapidement, déjà empli de doutes à la création de la société : il n’est pas taillé pour diriger un tel système. Sorti en 1963, L’Héritage des 500 000 fut sa première grande leçon : la star se sent dépassée par sa triple tâche. Mifune est ici acteur, réalisateur et producteur sur le film aussi soutenu financièrement par la Toho. Il demanda de l’aide à son maître, Akira Kurosawa, qui intervint au montage, sans véritable passion pour le projet de son partenaire.

L’Héritage des 500 000 constitue finalement celui de son aventure cinématographique avec Kurosawa ainsi que de la partie moins fructueuse de la suite de son parcours, soit une fin de carrière notamment touchée par le scandale d’un divorce jamais prononcé et la gestion difficile de sa société de production. On ressort alors de l’expérience du film partagé. D’un côté, l’introduction efficace et l’aventure aux Philippines où trésors de guerre cachés et espionnage se croisent a de quoi ravir. La présence d’un duo d’andouilles participe aussi à cela. De l’autre, le miroir de la société japonaise n’existe pas vraiment ici, la faute aux déclarations du personnage de Mifune sur les manquements moraux de la société moderne japonaise, corrompue par l’argent et son pouvoir. On regrettera aussi la tenue hasardeuse du récit sur son dernier acte (de l’arrivée à la clairière jusqu’au final brutal). Certains personnages voient leurs objectifs ou leur humeur changer brutalement, le récit manquant de rigueur sur le développement tantôt rapide, tantôt trop lourd de ses personnages et de leur aventure.

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Toshiro Mifune piégé par l’avidité japonaise. Copyright : Toho Co. Ltd

En tous les cas, L’Héritage des 500 000, longtemps resté invisible sur les grands comme sur les petits écrans, se doit d’être découvert par les curieux et fans de l’acteur japonais. On aurait aimé que ce legs des 500 000 soit pour Mifune ce que La Vengeance aux deux visages constitue pour Marlon Brando. Mais loin de l’aboutissement d’une carrière, loin de l’expérience de l’acteur dans toute son essence, L’Héritage des 500 000 témoigne du meilleur connu comme du pire à venir de Toshiro Mifune. Qu’en était-il au moment de sa sortie ? Le film était-il perçu comme une pythie cinématographique annonçant la fin de l’apogée Mifunienne et la chute de la star ?

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L’Héritage des 500 000, un film d’aventure qui croise les mémoires de la guerre, l’espionnage et la recherche d’un trésor perdu.
Copyright : Toho Co. Ltd

Un lourd héritage soigneusement porté par l’édition Blu-ray

L’Héritage des 500 000 débarque dans une édition Blu-ray soignée. Le film fait une sortie video remarquable avec une image et un son soignés. On note seulement quelques griffes et poussières, détails qui ne viennent pas entacher l’expérience filmique. Du côté des bonus, on pourrait regretter la maigre présence de deux compléments mais Carlotta a ici fait fort, d’abord l’intéressante préface de Pascal-Alex Vincent, spécialiste du cinéma japonais, ensuite – et surtout, en éditant le formidable film documentaire Mifune, le dernier des samouraïs.

Le documentaire signé par Steven Okazaki (connu pour White Light/Black Rain : the destruction of Hiroshima and Nagasaki) revient sur la vie de l’acteur fétiche de Kurosawa, abordant sa carrière militaire et son caractère rebelle antipatriotique pendant la Seconde Guerre mondiale, ses débuts devant la caméra, sa fin de carrière difficile. Positifs comme négatifs, de nombreux aspects sont discutés et réfléchis grâce à une multitude de points de vue et témoignages inédits. En effet, la parole est donnée à des cinéastes fans du bonhomme (Steven Spielberg, Martin Scorsese), à des spécialistes (un biographe de Mifune) et à des individus ayant travaillé avec Toshiro (assistante réalisateur, responsable de cascades, acteurs, entre autres). L’ensemble constitue une formidable source d’informations et de documents grâce à un montage efficace assez aérien pour éviter de nous noyer dans toutes ces données. On regrette hélas que le cinéaste n’ait pas fait plus qu’évoquer les films policiers et métrages noirs dans lesquels Mifune a donné de son corps. En effet le sous-titre du documentaire donne la direction du film. Ce dernier retrace ainsi la carrière de Toshiro Mifune via le prisme du chanbara, genre cinématographique présenté dans l’introduction du métrage. Les deux compléments sont accompagnés par l’éternelle présence d’une bande-annonce, ici récente. Et tous sont présentés en haute définition.

L’Héritage des 500 000– Bande-annonce

L’Héritage des 500 000, un film de et avec Toshiro Mifune

En édition Blu-ray et DVD chez Carlotta Films – 1963 – Toho Co., LTD Tous droits réservés

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Carlotta Films – Toho Co. Ltd

BD 50 – MASTER HAUTE DÉFINITION – 1080/23.98p – ENCODAGE AVC – Version Originale DTS-HD Master Audio 1.0 – Sous-Titres Français – Format 2.35 respecté – Noir & Blanc et Couleurs – Durée du Film : 98 mn

DVD 9 – NOUVEAU MASTER RESTAURÉ – PAL – ENCODAGE MPEG-2 – Version Originale Dolby Digital 1.0 – Sous-titres Français – Format 2.35 respecté – 16/9 compatible 4/3 – Noir & Blanc et Couleurs – Durée du Film : 94 mn

SUPPLÉMENTS EN HD

– Préface de Pascal-Alex Vincent

Cinéaste et enseignant, Pascal-Alex Vincent est aussi spécialiste du cinéma japonais et co-auteur du Dictionnaire des acteurs et actrices japonais.

Mifune, le dernier des samouraïs (un film de Steven Okazaki – 2016 – Noir & Blanc et Couleurs)

Retour sur Toshiro Mifune, la star internationale du cinéma japonais. Un documentaire narré par Keanu Reeves, avec notamment les témoignages inédits de Steven Spielberg, Martin Scorsese, Kyoko Kagawa et Koji Yakusho.

– Bande-annonce 2019

Prix de vente public conseillé : 20.96 €

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