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« Tezucomi » : second hommage à Osamu Tezuka

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Le second volume de Tezucomi paraît aux éditions Delcourt, dans la collection « Tonkam ». Le principe en est simple : des auteurs et dessinateurs du monde entier déclinent sous la forme d’un chapitre spin-off une œuvre du maître mangaka Osamu Tezuka.

L’idée provient initialement du magazine mensuel japonais Tezucomi, dans lequel des bédéistes de toutes sortes ont pris le parti de revisiter les histoires originales d’Osamu Tezuka. Tonkam/Delcourt, qui rendait déjà hommage au maître mangaka par le biais de prestigieuses intégrales, a décidé d’en publier une version française, permettant au lecteur de découvrir (de manière partielle) la réappropriation de certains récits de Tezuka par des scénaristes et illustrateurs venus des quatre coins du monde.

On trouve dans la première histoire de ce recueil des parentés évidentes avec Search and Destroy, la série hommage d’Atsushi Kaneko, elle-même publiée dans la collection « Tonkam ». « Les Métamorphiques dans la ville » procède en effet à un schisme : parmi les humains se cachent une communauté secrète dont les membres sont dotés de pouvoirs surnaturels et pris en chasse par des milices privées. Un parti pris scénaristique qui rappelle beaucoup l’animosité entre Hu et Creech. Le scénariste et dessinateur Bokutengou place au centre de son récit « une otak sévère » probablement partiellement autobiographique, puisqu’il s’agit d’une mangaka à la bibliothèque bien remplie. Cette jeune femme attachante va découvrir un monde occulte où règnent maîtres, seigneurs et guerriers. « La Chanson de Mina », de Luis Nct, se déroule dans le Tokyo de 2028. La société y est également divisée, cette fois entre humains et artificiels. Le désastre écologique a provoqué la mort prématurée de millions d’enfants qui ont été remplacés par des clones qui ont fini par prendre le pouvoir. Dans tous ces récits, la place de chacun dans la collectivité est questionnée avec intelligence.

Les artistes sont également mis à l’honneur à travers « Le Nouveau Nanairo inko » et « Catalante ». Le premier récit, que l’on doit à Atsuko Ishida, repose – comme son titre l’indique – sur Nanairo inko et prend pour cadre le monde du théâtre. Il s’agit en fait d’un double hommage à Osamu Tezuka, puisque les personnages du Phénix et de Black Jack se fondent dans le récit. La seconde histoire, de MIG, est un modèle de sensibilité. On y découvre un écrivain meurtri par le deuil, mais aussi la relation particulière qui unit l’auteur et son public. On apprendra aussi à travers ces chapitres spin-off qu’un comédien ne fait pas l’essence du théâtre et que les relations filiales et fraternelles renferment toute une série de complexes et de non-dits.

Le personnage de Black Jack fait également le lit de Yoshihisa Tokimaru. Dans une histoire singulièrement loufoque, intitulée « Black Jack dans un autre monde », le célèbre chirurgien supervise l’accouchement… d’une pêche (ce qui lui permet de fréquenter un couple japonais traditionnel), avant d’opérer… des extraterrestres. Autre figure emblématique de l’univers d’Osamu Tezuka : Saphir. Le collectif Buredo reprend à son compte l’histoire de cette princesse élevée comme un garçon pour pouvoir accéder au trône. « Le Nouveau Prince Saphir » témoigne de l’absurdité de la phallocratie tout en questionnant la possibilité de s’épanouir en travestissant sa véritable nature. Le Premier ministre Lester, qui règne sur Silverland, complote dans le dos de celui que l’on surnommera bientôt « le chevalier au ruban ».

« Le Maudit », de Mathieu Bablet, est peut-être le récit le plus cinégénique du recueil. C’est un polar faisant de la ville un personnage à part entière. C’est aussi un double hommage à Fritz Lang (M le Maudit et Metropolis) reposant sur un enquêteur chargé de résoudre une affaire de disparitions d’enfants. Ce dernier circule dans une ville gigantesque, tellement verticale que les rayons du soleil n’y atteignent plus le sol, si dédaléenne que certains quartiers y demeurent largement méconnus. Le récit fonctionne à merveille, avec des dessins d’une précision d’orfèvre, aussi noirs que ceux du « Lapin de la lune » (Valérie Mangin et Brice Cossu) sont muets et poétiques, et comprenant aussi une réflexion sur le deuil et la robotique.

Enfin, on trouve également dans le recueil le récit « Songoku – Le Chat », de Kenny Ruiz. Il y est question d’un singe né d’un œuf de rocher et suivant l’enseignement du Saint Ermite, grâce auquel il apprend à maîtriser les lois de la métamorphose. Une histoire inventive, échevelée, qui prend notamment appui sur les notions de confiance en soi, de dépassement de soi et de popularité.

Tezucomi vol. 2, collectif
Tonkam/Delcourt, juin 2021, 400 pages

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