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Rétrospective Coppola : Dementia 13

Maxime Thiss Responsable Festival

Avec une nouvelle version de son chef d’oeuvre Apocalypse Now qui vient de débarquer dans les salles françaises, sans oublier sa présence en tant qu’invité d’honneur au prestigieux Festival Lumière, Francis Ford Coppola est à nouveau sur le devant de l’actualité cinématographique. L’occasion rêvée pour Le Mag du Ciné de revenir sur la riche filmographie de l’un des monstres sacrés du cinéma américain, lauréat de deux palmes d’or et de cinq oscars. Pour commencer, retour au début des années 60 avec Dementia 13, film d’horreur oublié qui témoignait déjà d’un sens certain de la mise en scène.

Avant d’être l’un des pères du Nouvel Hollywood, Francis Ford Coppola a commencé de façon particulièrement modeste. Son premier  long-métrage est d’ailleurs un softporn tombé aux oubliettes. Il débute véritablement sous la houlette de Roger Corman, producteur et réalisateur à la filmographie impressionnante, ayant découvert de nombreuses figures du cinéma américain. Coppola participe alors au scénario ou collabore en tant qu’assistant réal sur certains films de Corman. En 1963, il est aux rênes de Dementia 13, film d’horreur à petit budget comme c’est souvent le cas au sein des productions estampillées Corman. On est évidemment très loin de la maestria dont le cinéaste nous aura habitué plus tard avec sa trilogie du Parrain ou d’Apocalypse Now, mais Dementia 13 bénéficie de plusieurs qualités. Micro budget (30000 dollars), Dementia 13 a été tourné en utilisant les mêmes décors, la même équipe technique et le même casting qu’un autre film de Corman où Coppola officiait en tant qu’assistant réal. Situé en Irlande, le film raconte une histoire de famille hantée par la mort de la plus jeune fille, noyée lors d’un dramatique accident. L’arrivée de la belle-fille après la mort  de son mari va chambouler l’harmonie de la famille qui s’apprête à commémorer le septième anniversaire de la mort de la jeune Kathleen.

Comme la plupart des films issus de l’écurie Corman, Dementia 13 puise une grande inspiration dans l’esprit gothique. Le choix de situer l’action dans un immense château en Irlande joue pleinement dans ce sens. Les couloirs dédaliques de la bâtisse participent à l’ambiance oppressante qu’essaie d’instaurer le film alors que Louise tente de percer le mystère de la tragédie ayant frappé la famille.  Par certains de ses choix artistiques, Coppola arrive à implanter un malaise palpable. On pense à la découverte par Louise de cette fameuse chambre où les étranges jouets à l’allure particulièrement angoissante marquent le spectateur. En tournant en noir et blanc, Coppola en profite pour offrir un jeu d’ombre montrant un certain sens de la mise en scène, malgré un noir et blanc qui manque parfois de contraste. Même si certaines séquences font encore leur effet, le côté micro-budget de l’oeuvre ressort à de nombreuses reprises.

Ne se concentrant pas uniquement sur l’atmosphère gothique, Dementia 13 comme son titre l’indique essaie de jouer également sur une horreur psychologique. Le mystère autour du décès de la jeune Kathleen est plutôt bien géré, Coppola en profitant pour montrer l’impact de l’événement sur les différents membres de la famille, notamment la matriarche qui s’avère être au bord de la démence. Bien avant les Halloween, Vendredi 13 ou même certains giallos, Dementia 13 prend des allures de slasher. Alors que certains personnages se rapprochent de la vérité concernant la mort de Kathleen, les voilà qui se font assassiner à coups de hache. On peut y déceler une certaine inspiration du chef d’oeuvre de Alfred Hitchcock, Psychose, dans les séquences de meurtres où le tueur au visage caché dans l’ombre assène ses coups meurtriers. Coppola se permet cependant d’être un poil plus graphique dans la droite lignée des séries B horrifiques de l’époque. Malgré une envie de cultiver un certain mystère, le faible nombre de personnages tue un peu le suspense sur l’identité du tueur, tout comme le seul flashback pas forcément bien utilisé.

Bien que Dementia 13 soit un film très imparfait, et n’ayant pas forcément de grandes ambitions, se contentant de faire le café avec des moyens riquiquis, le film reste une oeuvre intéressante dans la carrière de Coppola. Elle nous montre les débuts modestes d’un auteur qui s’affirmera au cour des années 70, s’extirpant du cinéma d’exploitation pour offrir de véritables chefs d’oeuvre. Dans Dementia 13, on distingue à quelques moments ces fulgurances qui seront légions dans la suite de sa carrière. Cela peut être un choix d’angle de caméra offrant une terreur insidieuse, une musique angoissante venant pointer le bout de son nez ou une gestion des ombres riche de sens. Dans son exécution, Dementia 13 reste efficace, arrivant à nous intéresser au long de sa petite heure et quart malgré une trame des plus basiques. Le film ne se démarque cependant pas des autres productions Corman de l’époque, et même semble assez fade comparé aux grands classiques du monsieur, notamment ses adaptations d’Edgar Allan Poe. Finalement, Dementia 13 s’avère être une simple curiosité.

Dementia 13 – Bande Annonce

Dementia 13 – Fiche Technique

Réalisation : Francis Ford Coppola
Scénario : Francis Ford Coppola et Jack Hill
Distribution : William Cambell, Luana Anders, Bart Patton, Mary Mitchel, Patrick Magee
Direction Artistique : Al Locatelli
Photographie : Charles Hannawalt
Montage : Stuart O’Brien et Morton Tubor
Musique : Ronald Stein et Les Baxter
Production : Roger Corman et Marianne Wood
Durée : 75 minutes
Genre : Horreur, thriller

États-Unis – 1963