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« Apocalypse Now Final Cut » : un chef-d’œuvre aux dimensions nouvelles

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Restauré, remonté et redimensionné, Apocalypse Now revient sur grand écran et en vidéo dans une version 4K Ultra HD. Pour la première fois, le négatif original a été scanné : il a fallu presque une année entière pour « nettoyer » les quelque 300 000 plans du film.

La réputation d’Apocalypse Now n’est plus à faire : film de la démesure et de la folie, il fut tout autant commenté pour ses qualités intrinsèques que pour la mythologie entourant sa production. Dans un article consacré aux tournages cauchemardesques, voici ce que nous en disions : « C’est un peu l’archétype du genre. L’équipe du film dut affronter une jungle grondante, construire un village entier, composer avec des plateaux philippins balayés par les typhons et faire face à des problèmes d’alcool et de drogues. Dennis Hopper, constamment ivre ou sous l’emprise de substances neurotoxiques, arrêta de se laver pour mieux entrer dans son personnage. Le tournage débuta avant même que le script ne soit achevé, avec tous les aléas que cela comporte. La police débarqua un jour sur le plateau parce que de véritables cadavres humains furent employés – à son insu ! – par le chef décorateur, dans le camp du colonel Kurtz. Marlon Brando, peu préparé, quasi obèse et physiquement aux abois, se montra financièrement exigeant. Harvey Keitel fut hâtivement évincé et remplacé par Martin Sheen, qui fut lui-même temporairement écarté en raison d’une crise cardiaque. Francis Ford Coppola, contraint d’investir des fonds personnels, devint paranoïaque, menaça à plusieurs reprises de se suicider et perdit durant le tournage une bonne quarantaine de kilos. Le dictateur Ferdinand Edralin Marcos apporta une aide logistique à l’équipe du film, ce qui impliqua notamment de repeindre les hélicoptères de l’armée philippine, souvent réquisitionnés, avant et après chaque prise de vues. Le montage lui-même fut titanesque et s’étendit sur plusieurs années. Le tournage d’Apocalypse Now appartient désormais à la légende. Rebaptisé Apocalypse When ? par une presse sarcastique, ce chef-d’œuvre follement ambitieux aura mis sens dessus dessous un réalisateur émérite, des comédiens stars et des techniciens éprouvés. »

Ces événements ont fait l’objet d’un making-of devenu fameux et réalisé par Eleanor Coppola, la femme de Francis. On le trouve en deux versions (commentée ou non) dans les bonus de cette édition. Mais les images de Madame n’éclairent pas à leur juste mesure celles de Monsieur. Se (re)plonger dans Apocalypse Now prend aujourd’hui un sens particulier. Parce qu’on est frappé par la modernité de la narration. Parce qu’on a appréhendé ce que fut le Vietnam dans la longue histoire militaire états-unienne, notamment grâce à des historiens et essayistes comme Howard Zinn ou David Halberstam. Parce qu’on a étudié par le menu la symbolique de cette contre-odyssée, de cette remontée du fleuve au bout de laquelle Willard se substitue à Kurtz. Il y a aussi ces séquences à couper le souffle : Martin Sheen (réellement) dans un état second dans une chambre d’hôtel, l’attaque des hélicoptères rythmée par la « Chevauchée des Walkyries », la découverte du campement du colonel Kurtz… On voit les Américains chercher à recréer au Vietnam un bout de leur patrie, à coups de bière et de surf et ce, tout en instaurant un enfer permanent dans ce petit pays d’Extrême-Orient. On redécouvre des tirades mémorables, dont la célèbre « J’aime l’odeur du napalm au petit matin ». Mais surtout, on perçoit la dualité des hommes, portée à incandescence : vouloir être ici et là-bas en même temps, finir premier de West Point avant d’être pourchassé dans le cadre d’une mission militaire secrète, supprimer de prétendus agents doubles, être à la fois « celui qui tue et celui qui aime », remplacer sous des prétextes fallacieux les Français dans une entreprise coloniale ou semi-coloniale, etc. Apocalypse Now est un film total, ultime, dont la description ne saurait faire l’économie de superlatifs rendus ridicules à force d’insistance.

RESTAURATION & BONUS

Pour cette restauration, la technologie Dolby Vision® a été employée. Cela se ressent notamment quand on examine le travail effectué sur les couleurs, particulièrement vives. Les plans sont léchés et la comparaison visuelle rendue possible grâce à un bonus (la scène des hélicoptères vue à travers le temps) nous rappelle à quel point les images furent bonifiées par les différentes entreprises de restauration. La bande-son a quant à elle été mixée en Dolby Atmos® et constitue une authentique prouesse. Rarement une œuvre aura été si immersive et conditionnée par son expérience sonore. On note toutefois, en guise de bémols, quelques pulsations dans l’image et de rares scories dans le mouvement. Pour Coppola, en tout cas, cela ne fait pas un pli : « Le film n’a jamais été aussi beau à voir et à entendre. »

Les bonus sont tellement nombreux qu’il est difficile de les passer tous en revue. Heart of Darkness, le making-of d’Eleanor Coppola, permet de prendre le pouls du tournage, de revenir sur les relations difficiles avec Marlon Brando, d’avoir quelques anecdotes sur les Italiens du plateau ou sur la fameuse scène de Martin Sheen dans la chambre d’hôtel. Au-delà du processus créatif, c’est une ambiance électrique, mais pleine d’émulation, qui transparaît.

Les longues conversations avec Steven Soderbergh, Martin Sheen et John Milius, les images d’archives inédites, la scène non conservée de l’embarcation aux singes, des scènes coupées et additionnelles, la destruction du camp de Kurtz sous forme de générique de fin, des explications sur le montage titanesque (trois cents kilomètres de pellicule, des montages superposés, une année de travail sur la seule séquence de l’attaque des hélicoptères…) accompagnent le film de Francis Ford Coppola et jettent une lumière profuse sur ses conditions de réalisation.

Fiche Pathé : Apocalypse Now

Bande-annonce : Apocalypse Now Final Cut

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