House of the Dragon – Les Anneaux de pouvoir : critique comparée

Toutes deux adaptées de livres (respectivement de George R. R. Martin et J. R. R. Tolkien), House of the Dragon et Le Seigneur des anneaux, les Anneaux de pouvoir sont les deux séries événements de 2022. Nous les avons attendues longtemps, spéculant sur ce qui était à venir à mesure que les infos (dates, cast) nous étaient dévoilées au compte-gouttes.
Arrivant quasi en même temps sur nos écrans en fin d’été, les deux programmes d’heroic fantasy ont leurs fans, leurs détracteurs et bien sûr, leur comparaison. Cet article ne présente pas un parallèle point par point, mais plutôt deux critiques mises en regard, suivies d’un résultat catégorie par catégorie.

Attention : nous vous conseillons de ne lire cette critique qu’après avoir achevé les deux séries, sous peine de spoiler.

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House of the Dragon : une première saison intéressante, mais qui profite beaucoup de l’aura de Game of Thrones

Très attendue, House of the Dragon n’est pas la réussite qu’on espérait – pour l’instant. Si les dialogues et les acteurs sont bons, le reste – des décors aux intrigues – n’est pas vraiment à la hauteur sur la majeure partie de la série, à l’exception des 2-3 derniers épisodes, car manquant de profondeur. Cependant, cette première saison se révèle tout simplement une introduction aux événements majeurs qui vont suivre.  

Le point fort de House of the Dragon est sans conteste ses interprétations : tous les rôles principaux sont incroyablement justes (dans un rôle d’invitée, Sonoya Mizuno est, en revanche, très problématique. L’interprète de Mysaria récite son texte avec un accent forgé inconcevable). Plus encore : les acteurs sont charismatiques et donnent de la consistance à des personnages déjà bien écrits. Même Daemon Targaryen, qui pendant les trois-quarts de la saison n’est pas très utile et se contente de bouder, est finalement très bien campé par un Matt Smith, qui, décidément, sait faire passer beaucoup d’informations dans un visage fermé.
Suite au saut dans le temps, les nouveaux comédiens parviennent aussi à se glisser dans la continuité des précédents acteurs, tout en faisant gagner les protagonistes en maturité (on pense notamment à Emma D’Arcy qui nous fait adorer Rhaenyra et Olivia Cooke en Alicent). Nul besoin d’insister sur Paddy Considine, interprète du roi Viserys : disons simplement que son jeu impeccable mériterait amplement d’être récompensé par un Emmy, en 2023.

L’autre atout de la série est, sans surprise, son univers riche, avec lequel on a déjà pu faire connaissance dans Game of Thrones. Seul bémol : il est ici considérablement réduit, puisque de Westeros, on ne voit quasiment que Port-Réal, Peyredragon et un nouveau château, celui des Velaryon, situé dans le détroit. Pas d’Essos (ou à peine une séquence intérieur-nuit à Pentos), pratiquement aucune autre vue de Westeros. C’est là que le bât commence à blesser : House of the Dragon souffre d’un sérieux problème de profondeur. On se croirait dans le théâtre classique, avec ses règles codifiées : unité de lieu, unité d’action (quant à l’unité de temps, heureusement tout ne se déroule pas sur une journée) !
L’unité de lieu, revenons-y : des décors tristes, grisâtres, quasi uniquement des scènes d’intérieur – House of the Dragon est-elle en fait une sitcom sans les rires ? Les rares vues extérieures, tout en effets spéciaux, sont assez laides. A l’ère des SFX, filmer des paysages naturels est-il devenu interdit ? Et surtout, qu’est-il arrivé à Port-Réal, ville méridionale, ensoleillée et un rien bucolique ? Tout y est gris et l’explication watsonienne (interne à l’histoire) ne peut pas être l’hiver : à Westeros, les hivers durent quelques années, rarement plus de trois, or, avec ses nombreuses ellipses, cette première saison s’étend en tout sur une vingtaine d’années qui présentent toutes cette absence de soleil. L’explication doyliste (externe à l’histoire) : la série ayant été tournée en période de covid, les possibilités de décors ont été drastiquement réduites.

Passons maintenant à l’unité d’action : les critiques exclusivement élogieuses que reçoit la série sont assez surprenantes au vu de ses nombreux défauts, mais on sait que de nombreux fans de Game of Thrones sont en adoration devant ce qui leur permet de toucher encore un peu du doigt leur série fétiche. En effet, disons-le franchement : il ne se passe pas grand-chose dans House of the Dragon et seuls les deux derniers épisodes sont excellents. Avec pour seule intrigue la succession au trône, la série tourne et retourne en rond. Au début, on se demande si Rhaenyra sera reine, et à la fin, on se demande toujours si Rhaenyra sera reine… Et il y a comme une amertume à constater que la succession a été mise en péril pour aucune raison valable : dès les premiers épisodes, les spectateurs l’avaient tous compris, pour assurer à Rhaenyra une légitimité, il suffisait de la marier au prince Daemon. Le roi Viserys a refusé, il a préféré engendré deux garçons aussi odieux que possible, — qu’est-ce qui, dans leur éducation, a mené à un tel comportement ? — qui servent, semble-t-il, de nouveaux Joffrey Baratheon (ou Lannister). Et finalement, que se passe-t-il par la suite ? Rhaenyra et Daemon se sont quand même mariés, mais entre-temps, la guerre de succession s’est mise en place de manière totalement gratuite et artificielle. Viserys se révèle un bien piètre monarque.

C’est à peu près tout ce qui se passe dans cette série dont le nom interroge encore : où sont-ils ces dragons qu’on avait presque oubliés ? On les voit très peu et ils ont rarement une grande utilité dans l’existence de leurs dragonniers, sauf en début et fin de saison, bien sûr. Et la fantasy, à part dans les dragons, dans quoi s’incarne-t-elle ? Quand Game of Thrones avait pour scène d’ouverture une séquence glaçante qui nous dévoilait les Marcheurs Blancs, House of the Dragon ressemble beaucoup à une série politique médiévale, sans aucun fantastique ou merveilleux. Quel dommage, quand on sait les histoires de magie qui accompagnent les dragons du temps de Valyria ! Par exemple les cors magiques permettant de dompter les dragons. Rien de tout cela ne nous est montré ici, hélas.
Heureusement, si le scénario est très inégal, dans l’ensemble de la saison mais aussi dans certains épisodes – on pense par exemple à l’épisode 6, dont toute la première moitié, soporifique, est complètement retournée par une tension qui ne retombe pas en seconde partie – le script, lui, est très bon. Les dialogues sont percutants, autant que les manigances. On voudrait juste qu’il se passe un peu plus de choses, un peu plus d’intrigues, un peu plus de personnages, un peu plus de lieux et surtout, des morts qui tombent à point nommé – quand des personnages qu’on a à peine vus un épisode sont tués, l’impact n’est clairement pas le même que quand Ned, Robb ou Catelyn Stark disparaissent.
Ainsi, cette mollesse dans le scénario est assez décevante, mais elle a pourtant toujours existé dans Game of Thrones. Qui ne se souvient pas des interminables non-histoires de Daenerys à Meereen ? (Tout cela pour rien, au final). Pendant qu’à Westeros, des actions bien plus complexes et intéressantes se déroulaient.
Si ce côté mou pose problème dans House of the Dragon, c’est parce qu’il n’est justement pas contrebalancé par d’autres histoires. Il est temps que les showrunners comprennent qu’une chevelure blond platine et la possession de dragons (ainsi qu’une arrogance apparemment génétique) ne constituent pas une intrigue en soi. House of the Dragon tombe dans le même écueil que sa grande sœur lorsqu’elle suivait Daenerys en Essos : croire que parce qu’un personnage est un Targaryen, qu’il gravite autour d’un titre de roi et qu’il chevauche un dragon, il est suffisant pour nous intéresser même quand il ne se passe pas grand-chose. Comme si Game of Thrones ne nous avait pas plu pour ses personnages qui rusaient, guerroyaient, complotaient, aux seuls moyens de leur esprit, leurs armes et leur honneur. Où sont les Stark, les Tully, les Baratheon, ou quels que soient leurs noms à l’époque du roi Viserys ? Bref, où est le reste du royaume ?
Ce n’est qu’en toute fin de saison, dans le dernier épisode, que l’on comprend que ces familles vont enfin rejoindre l’échiquier de House of the Dragon, il était temps !

Il y a pourtant une explication au fait que cette première saison de House of the Dragon ne soit pas aussi intéressante : il s’agit tout simplement d’une introduction. D’une très longue introduction de dix épisodes (raison des nombreuses ellipses) aux véritables événements qui vont suivre, la guerre de succession. Ainsi, même si cette saison est un peu moyenne et n’a pas comblé les attentes qu’on en avait, nous allons tout de même continuer à regarder House of the Dragon car le meilleur est à venir, comme en témoignent les deux derniers épisodes, indéniablement bons, mais surtout bien meilleurs par rapport au reste de la saison. En termes d’intrigues, de dragons, d’émotion, de costumes, de décors et d’effets spéciaux, les épisodes 9 et 10 de cette saison n’ont rien à voir avec les précédents. Après une saison un peu molle, ils annoncent enfin le démarrage de cette série, le House of the Dragon qu’on attendait !

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Le Seigneur des anneaux, les Anneaux de pouvoir : une série qui commence mal mais qui se rattrape 

L’autre série attendue était évidemment Le Seigneur des anneaux… qui a très mal commencé. Sans se mentir, les premiers épisodes nous ont donné à voir des personnages sans charisme, au jeu mécanique, des scènes lentes et longues, et l’on a été très déçu. Heureusement, à mesure qu’on comprend ce qu’il se passe, qu’on apprend à connaître les personnages et les lieux, les Anneaux de pouvoir s’améliore et surtout, nous dévoile ce qu’elle est : pas une série d’action, mais au contraire, une série plutôt contemplative. 

Dès le premier épisode des Anneaux de pouvoir, les fans de Tolkien ont tremblé : Galadriel (Morfydd Clark) nous a semblé au début bien peu charismatique, un rien donneuse de leçon, tandis qu’on a pu s’inquiéter de la mono-expression grave sur le visage de l’elfe Arondir (Ismael Cruz Córdova)… sans être capable de déterminer si le problème venait des interprétations, de la direction d’acteurs ou de l’écriture des personnages.
De même, les séquences avec les Harfoots nous ont paru lentes, et l’on a mis du temps à comprendre l’état des choses entre Elrond et Durin. Et sans répit, nous voilà à Númenor où il faut comprendre qui est qui et ce qu’il se passe. On le comprend donc, les Anneaux de pouvoir commence de manière un peu complexe.

Pourtant, une fois que l’on a pris ses marques, cette richesse d’intrigues, de lieux, de personnages est ce qui fait du bien dans cette série dont on peine à deviner la suite – l’utilisation du mithril, par exemple, est une belle surprise. Et puis, comment rendre hommage à la richesse et l’étendue de l’univers de Tolkien en laissant de côté certains de ses peuples ? Le défaut qui en résulte malheureusement est une inégalité d’intérêt et donc de rythme. Certains épisodes vont davantage s’attarder sur des personnages avançant moins vite que d’autres et vont paralyser d’autres séquences. Pourtant, au fil de la saison, les intrigues s’équilibrent. On prend plaisir à naviguer d’une partie à l’autre de la Terre du Milieu et surtout, l’on s’habitue aux personnages, autant que leurs interprètes, qui gagnent en aisance. Galadriel et Arondir, par exemple, évoluent avec les circonstances. Il faut toutefois rendre à César ce qui est à César : certains acteurs étaient convaincants dès le début, en particulier Joseph Mawle dans le rôle d’Adar, mais on a aussi apprécié Robert Aramayo en Elrond ou Owain Arthur et Sophia Nomvete dans le rôle du couple princier Durin-Disa.

Au-delà du jeu d’acteur, et malgré des intrigues inégales, il se passe beaucoup de choses dans les Anneaux de pouvoir, et si l’on ne sait pas toujours où l’on va, la fin est, elle, est assez claire et même surprenante. Cette première saison est une introduction vers plus de péripéties et d’action. Malgré tout, la série est beaucoup moins orientée « action » que ce à quoi l’on a été habitué, avec des séries comme House of the Dragon par exemple, et si beaucoup de spectateurs se sont parfois ennuyés, c’est parce qu’ils n’ont manifestement pas pris conscience de l’importante part contemplative des Anneaux de pouvoir.
Décors, costumes, réflexions, dialogues : Le Seigneur des anneaux flirte indéniablement avec une forme de poésie. Et pourquoi s’en étonner, quand les livres de Tolkien ont toujours été marqués par les chansons, le merveilleux et la fable, tout en demeurant épiques ? Il s’agit là des atouts majeurs de ces images très soignées : les décors sont beaux, et l’on nous montre de vrais paysages ! On sent un véritable soin dans les plans, la végétation, les tons, les formes sont toujours réfléchis. Les scènes extérieures vont tant que possible faire figurer en arrière-plan une cascade, un arbre, une lumière naturelle. Les costumes sont délicats, les ambiances et la photographie tout autant. On pénètre par moments dans le conte ou dans la fantasmagorie (notamment dans la tour du roi, à Númenor).

Malheureusement, la frontière entre merveilleux et kitsch est ténue, et c’est ainsi qu’un côté un peu too much, un peu criard transparaît hélas parfois dans certaines scènes. Le dosage est encore à travailler, notamment pour quelques costumes un peu trop colorés sur l’île de Númenor, quand le procédé est un succès dans l’univers bucolique des Harfoots et même dans celui sombre des Nains de la Moria.
Et cette poésie, qui donne son esthétique à la série, peut aussi la desservir face à des spectateurs restant de marbre devant les feuilles qui ornent les coiffures de Nori et sa famille, ou la lumière dorée et le calme ambiant au royaume des Elfes. Le style adopté par les Anneaux de pouvoir est donc à double tranchant, mais pour autant pas en opposition avec l’univers de Tolkien, comme on peut l’entendre.

Un point sur la diversité dans le casting : sans se contenter d’inviter un ou deux acteurs noirs ou Afro-américains à rejoindre sa distribution en oubliant les autres personnes non blanches, les Anneaux de pouvoir met en avant des personnes de couleur de différentes origines. Ainsi, Ismael Cruz Córdova dans le rôle d’Arondir est, selon les termes de l’acteur : « noir, latino et puerto-ricain », Tyroe Muhafidin (Theo) est australien d’origine indonésienne, Nazanin Boniadi, l’interprète de Bronwyn, est britannique née en Iran (et détentrice de la double nationalité). Plusieurs acteurs noirs ou afro-descendants sont aussi au casting, comme Sophia Nomvete (Disa), Sara Zwangobani (Marigold), Lenny Henry (Sadoc) ou encore Cynthia Addai-Robinson, dans le rôle de la reine-régente Míriel.

Aussi, lorsqu’on comprend le parti pris de la série et qu’on a pris ses marques dans les nombreuses intrigues, on apprécie la douceur qui peut émaner de cet univers complexe, qu’on se plaît à redécouvrir, malgré une certaine grandiloquence à la fois dans les dialogues et dans la réalisation, et dont on espère qu’elle s’estompera.

Comparaison : 

  • Meilleurs personnages : House of the Dragon 
  • Meilleurs dialogues : House of the Dragon 
  • Meilleurs décors : Les Anneaux de pouvoir
  • Meilleurs effets spéciaux : Les Anneaux de pouvoir
  • Meilleures intrigues : Les Anneaux de pouvoir
  • Meilleure réalisation : House of the Dragon 
  • Meilleure photographie : Les Anneaux de pouvoir
  • Meilleure tension : House of the Dragon 

House of the Dragon est diffusée en France sur OCS, et HBO aux Etats-Unis.
Le Seigneur des anneaux, les Anneaux de pouvoir est diffusée sur Prime video (Amazon).
Les deux séries ont été renouvelées pour une seconde saison.

Bande-annonce : House of the Dragon

Bande-annonce : Le Seigneur des anneaux, les Anneaux de pouvoir