ABC… ART
Cet abécédaire vous parlera de :
Art en général, peinture, arts graphiques, sculpture, gravure, littérature, poésie, musique, cinéma, Histoire, gastronomie, traditions, arts vivants, théâtre, opéra, philosophie, etc.
Rendez-vous un jeudi par mois pour une chronique d’art illustrée où vous découvrirez 5 définitions artistiques issues de lettres de l’alphabet choisies aléatoirement.
PS : L’Abécédaire artistique est fier de fêter déjà +30 numéros et une moyenne de 20 000 lectures par mois !
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Cosse-de-pois
catégorie : style décoratif, gravure, orfèvrerie, nom masculin.
Le style cosse-de-pois (nommé en anglais « pea pod ») est un style décoratif apparu au début du XVIIème siècle, période correspondant à la fin du maniérisme. C’est un style marginal, très axé sur l’ornementation. Il ne fait pas long feu et on comptabilise un petit nombre de productions et études le mettant en œuvre.
Ce nom surprenant lui vient très directement de son inspiration : la cosse de pois. Ainsi, en gravure, on représente des accumulations complexes de petits pois, accompagnés de leur cosse, leur tige et leurs feuilles, à grands renforts de courbes et d’arabesques. Ces modèles sont ensuite réutilisés comme inspiration en orfèvrerie et en joaillerie.
Bien sûr, les pois et leur cosse ne sont qu’un prétexte : les œuvres issues de ce style sont réalisées pour l’esthétique. Les cosses, ouvertes, donnent à voir des pois dont la rondeur répond aux volutes aériennes de ces tiges et feuillages qui s’épanouissent dans les airs, en spirales qui se croisent et se recroisent. Le végétal, c’est la nature, mais aussi l’alimentation. Les pois offerts au monde par ces cosses presque déshabillées sont symboles d’abondance, et rappellent étrangement l’immense haricot magique de Jacques, montant dans les airs… Les gravures cosse-de-pois sont tout en contrastes de vides et de pleins, de noir et de blanc. A découvrir, juste pour l’insolite !
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Hybris
catégorie : culture et religion antiques, Grèce antique, nom masculin, du grec.
L’hybris (prononcé hubris et parfois également orthographié de la sorte), est un concept psychologique et religieux venu de Grèce antique. L’hybris, c’est une exaltation de l’humeur jugée disproportionnée et causée par l’orgueil et l’égo. On le traduit souvent par le terme « démesure », car l’hybris peut entraîner une perte de contrôle, liée par exemple, à un excès (ou un abus) de pouvoir. L’hybris peut typiquement être ce dont souffrirait un grand artiste que le succès rendrait fou et précipiterait à sa perte. En termes religieux, un personnage se livre à l’hybris lorsqu’il se croit l’égal des dieux.
La mythologie grecque nous conte l’histoire de Bellerophon, prince et héros célébré pour avoir tué la Chimère, monstre doté d’une queue constituée d’un serpent, attachée au corps d’une chèvre, l’ensemble gouverné par une tête de lion.
En plus d’avoir défait la Chimère, le prince, fils de Glaucos, roi de Corinthe (alors connue comme Ephyre), combattit non seulement les Amazones et les pirates Cariens, il affronta aussi les Solymes pour le compte du roi Iobatès de Lycie, perdant au cours de cette guerre son fils Isandros et sa fille Laodamie – les Cariens, les Solymes et les Lyciens sont des peuples d’Asie mineure et on place parfois également les Amazones dans cette région. Bellerophon réussit ces exploits grâce à son cheval ailé, Pégase, don du dieu de la mer, Poséidon. Pégase, animal magique, est l’enfant de Poséidon et de Méduse ; il vient au monde lorsque le sang de la Gorgone, que Persée vient de décapiter, tombe dans l’eau de mer, faisant jaillir le cheval volant.
Mais qu’a à voir cette histoire avec l’hybris ? Bellerophon, de prince devient héros, et de héros, devient fou. Sur le dos de son cheval ailé, après avoir affronté non seulement un monstre mais aussi remporté des batailles, il s’imagine être désormais devenu l’égal d’un dieu. Il décide alors de s’élancer toujours plus haut dans les airs, chevauchant Pégase, pour atteindre le mont Olympe et siéger avec ceux qu’il imagine désormais ses pairs. Les dieux grecs, vexés, décident alors de remettre l’impudent mortel à sa place : ils envoient un taon piquer le cheval qui rue dans les airs. Bellerophon, éjecté de l’animal, est précipité dans le vide. Selon la clémence des versions, la chute le tue ou le laisse infirme pour le restant de ses jours… L’ancien héros, victime de l’hybris, est bien puni.
Certaines qualités ou défauts sautant parfois une génération, il est intéressant de noter que Bellerophon n’est autre que le petit-fils de Sisyphe, roi de Corinthe qui fit prisonnier Thanatos, dieu de la mort, puis se joua d’Hadès, dieu des Enfers, pour échapper à sa punition. Il fut finalement rattrapé par les dieux qui le condamnèrent à pousser éternellement un rocher au sommet d’une colline du Tartare, de laquelle il retomberait encore et encore. Tel grand-père, tel petit-fils.
Dans la mythologie grecque, les exemples de personnages faisant preuve d’hybris sont légion, servant à la fois de divertissement et d’avertissement. Bien sûr, le concept existe dans les mythes d’autres cultures : rendez-vous en lettre Z de ce numéro de l’Abécédaire artistique.
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Opérette
catégorie : opéra, théâtre, musique, comédie, spectacle vivant, nom féminin, version francisée de l’italien « operette » (petites oeuvres).
Une opérette est un opéra ouvertement comique, dont les thèmes sont pensés pour le rire, le comique, la satire. L’opérette est née de l’opéra buffa ou opéra comique (voir l’entrée « opéra buffa et opéra seria », Abécédaire Artistique n°17) qui peut cependant traiter de sujets sérieux malgré le rire, alors que l’opérette n’a rien de sérieux.
Le nom opérette et son suffixe réducteur donnent à tort l’impression qu’il s’agit d’une œuvre plus courte ou minime. Il s’agit, en fait, de la francisation du mot italien « operette » soit « petites œuvres », le genre ayant été à ses débuts moqué par ses détracteurs. Et pourtant, l’opérette, spécialité française, trouve ses lettres de noblesse au XIXème siècle dans notre beau pays. Peut-être parce que les Français sont typiquement contestataires, l’opérette, nourrie de satire, prend autant son essor que le vaudeville au théâtre, parodiant parfois l’opéra pour n’en être que plus délectable.
Les décors de ce genre au nom amusant font notamment son charme (pays de Cocagne, parodie, satire militaire et sociale, univers mythique ou mythologique…), mais c’est surtout pour sa capacité à contourner la censure et à se départir des codes bourgeois que l’opérette plaît : fini l’élitisme, le divertissement est pour tous et il peut rester grandiose, même lorsqu’il est comique. C’est d’ailleurs à cause de ce côté comique poussé vers un extrême frisant le ridicule que qualifier quelque chose ou quelqu’un « d’opérette », c’est le juger risible et impossible à prendre au sérieux.
Cette sorte de théâtre chanté s’exporte bientôt à Vienne. La capitale, à l’image du reste de l’empire austro-hongrois, est alors en essor culturel, et ce grâce à des fondations économiques stables. A Vienne, l’opérette est un succès : on danse, on rit, on chante (mais on critique un peu moins le pouvoir en place qu’on ne le fait en France…). L’exportation en Autriche donne naissance à des pièces majeures du registre telles les créations d’Offenbach (entre une cinquantaine et une centaine d’œuvres !).
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Watsonian et Doylist
catégorie : œuvres de fiction, littérature, télévision, cinéma, etc., noms masculins respectivement de Watson et Doyle.
Les adjectifs watsonian et doylist désignent la provenance d’un commentaire ou d’une information à propos d’une œuvre de fiction. Une information « watsonian » (watsonienne) nous est donnée directement via l’univers fictionnel, tandis qu’un commentaire « doylist » (doyliste) est fourni par une personne issue du monde réel, bien souvent le créateur de la fiction en question. Les noms proviennent de Sherlock Holmes, dont les aventures sont traditionnellement narrées par son acolyte, le docteur John Watson, qui fournit donc des informations « watsonian » tandis que l’auteur, Sir Arthur Conan Doyle fournit des précisions et des opinions sur l’oeuvre extérieures à l’univers de celles-ci, qui peuvent être ignorées des personnages, et dites « doylist ».
Un exemple pourrait être la mort fictive de Sherlock Holmes, dans les Chutes du Reichenbach. Dans les nouvelles postérieures à l’accident, une explication watsonienne (celle de l’histoire) est que Sherlock a simulé sa mort pour échapper à ses ennemis. Cependant, l’explication doyliste est que Sir Arthur Conan Doyle, l’auteur, en a eu assez pendant un temps de son héros, qu’il a souhaité faire mourir, avant de se raviser, voyant comme celui-ci était aimé par son public.
Le watsonian et le doylist ne se limitent, bien sûr, pas à l’univers de Sherlock Holmes. Ce sont deux types d’explications qui permettent d’analyser les œuvres en général. Par exemple, dans les séries actuelles, les scénaristes prennent souvent des décisions liées à l’audimat concernant certains personnages (décisions relevant du doylist). Pour la crédibilité de l’histoire, il est alors nécessaire de fournir aussi une explication watsonienne, liée, par exemple, aux choix de vie du personnage en question.
Ainsi, le watsonian est intradiégétique (contenu dans l’histoire, la fiction, la narration) tandis que le doylist est extradiégétique (extérieur à l’histoire et totalement ignoré des personnages). Au cinéma, la musique intradiégétique est entendue par les personnages, tandis que la bande-son extradiégétique est simplement là pour donner une ambiance au film.
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Ziggourat
catégorie : architecture et religion mésopotamiennes, Antiquité, nom féminin issu des langues mésopotamiennes (akkadien, sumérien) « haute ».
Une ziggourat (également orthographiée ziggurat) est un temple mésopotamien caractérisé par son aspect plus ou moins pyramidal. Techniquement, la ziggourat n’a de pyramidal que sa forme, il ne s’agit pas à proprement parler d’une pyramide, mais d’un ensemble constitué d’un temple reposant au sommet d’une superposition de terrasses à degrés. On parle de ziggourat dès lors que l’édifice à vocation religieuse est surélevé par au moins trois terrasses et son étymologie « haute, élevée » témoigne de sa caractérisation dans la hauteur.
L’architecture à degrés est caractéristique de la Mésopotamie. Souvenons-nous de Babylone et de ses fameux jardins suspendus, qui auraient en fait été des jardins situés en hauteur sur les terrasses de la ville. Cependant, comme la pyramide égyptienne ou méso-américaine, la ziggourat devrait aussi sa forme à un désir d’élever l’édifice vers les cieux et les dieux, ainsi que d’imiter la forme oblique des rayons du soleil.
On considère d’ailleurs que c’est une ziggourat de Babylone dédiée au dieu Mardouk, l’Etemenanki, qui serait à l’origine du mythe de la tour de Babel. Cette tour mythique, nous dit la Bible, n’aurait jamais pu être achevée : ses bâtisseurs, cherchant à atteindre les cieux et pêchant par hybris, n’auraient pas pu finir la construction, Dieu les ayant puni en les empêchant de se comprendre, donnant ainsi naissance aux langues étrangères… Le nom Babylone vient d’ailleurs de Babel, dont l’étymologie nous apprend qu’il signifie « Porte des dieux ».
Aujourd’hui, il reste peu de ziggourats et elles ont toutes été retrouvées à l’état de ruines, pour la plupart situées dans l’actuel Irak. Il faut dire que les plus vieilles ont quatre mille ans : on date, en effet, leur construction au IIème et Ier millénaires (soit respectivement les années -2000 à -1001 et -1000 à -1). Après la chute de Babylone, elles furent peu à peu délaissées, mais demeurent, même en ruines, d’impressionnants complexes.
Rendez-vous à la rentrée pour 5 nouvelles définitions artistiques. Pour vous proposer un contenu toujours aussi passionnant, l’Abécédaire Artistique est mis en ligne aussi souvent que possible, toujours le jeudi, et il prend actuellement quelques vacances d’été.
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