cercle-des-poetes-disparus-cinema-ecole-robin-williams-peter-weir

Lieux et cinéma : que raconte le 7ème art sur l’école ?

Roberto Garçon Redacteur sur le MagduCiné

Lieu universel de transition, l’école peut nous mener de l’épanouissement au cauchemar. Caractérisée autant comme un lieu d’émancipation que comme un espace de formatage inégalitaire, l’école se retrouve représentée dans la diversité de ses conceptions sur le grand écran. Du social au fantastique, de Poudlard au M.I.T, que raconte le cinéma sur l’école en tant que lieu et institution ?  Dans le cadre de notre cycle Lieux et cinéma, le Mag du ciné s’interroge.

Celui qui ouvre une porte d’école, ferme une prison clamait Victor Hugo. Lieu universel de transition, l’école forme un espace où nous sommes tous passés pour plus ou moins longtemps. Parfois pour y rester le moins possible, parfois pour y consacrer sa vie, et souvent comme une étape obligatoire de notre enfance au monde d’adulte. C’est ici qu’on se confronte pour la première fois à l’autre. A la violence, à l’amour, à l’amitié. Mais alors comment ce lieu commun presque indiscernable des trajectoires humaines se retranscrit une fois à l’écran ? D’abord dans une quasi-paraphrase, l’école est racontée via le prisme du cinéma social. Dans Entre les murs, François Bégaudeau raconte l’école dans l’école. Adapté d’abord de son oeuvre littéraire, il aborde la notion d’inégalités, d’échec scolaire et de difficultés face à l’apprentissage. Dans un second temps, il dresse aussi un portrait du métier du professeur et de son rôle dans l’espace qu’est celui de l’école.  En 2014, Les Héritiers de Marie-Castille Mention Schaar part d’une histoire vraie pour conter l’histoire d’élèves d’une banlieue difficile pour travailler sur la Shoah. L’école est alors contextualisé dans son environnement social et politique. Elle est ici lieu d’apprentissage et d’évolution où les réalisateurs en pointeront les difficultés d’accès et de réussite. Mais cela sans jamais oublier le caractère à priori essentiel du scolaire. En enfonçant une porte ouverte (ou le portail du collège), on peut dire que les films d’école sont avant tout des films sur l’école. Sur ce qu’elle représente de par sa nature nécessaire et formatrice. Cependant, cette représentation dépend avant tout du point de vue qu’on porte sur l’école en tant qu’institution et modèle. Dans Le cercle des poètes disparus, long-métrage emblématique sur la relation professeur-élève, Peter Weir développe une approche plus critique de l’école. Dans le long-métrage, Todd Anderson, un jeune timide se retrouve dans une académie américaine réputée pour son austérité et sa fermeté. Ce n’est sans compter sur le professeur Keating, interprété par le fantastique et regretté Robin Williams qui va venir chambouler la vie de ces étudiants. Au sein même de l’école, il va leur apprendre à lutter contre à travers la formule « Carpe Diem ». Comment vivre au jour le jour dans un lieu qui nous apprend à se préparer sur le long ? Ce que Le Cercle des poètes disparus nous apprend,  c’est que l’école peut être un lieu d’apprentissage et d’épanouissement mais seulement dans sa subversion. L’école n’est plus un lieu d’émancipation mais un lieu dont on s’émancipe.

La superficialité du savoir

Toujours avec Robin Williams, Will Hunting positionne l’école de manière intéressante. Le film de 1997 raconte le parcours de Will, un adolescent surdoué, qui travaille en tant que balayeur au M.I.T. Tout un axe narratif du film est celui de ce garçon qui évite à tout prix d’étudier et de mettre les pieds dans une salle de classe malgré son génie. Pourtant Sean, son psy avec qu’il se noue d’amitié au long du métrage, lui rétorque qu’il n’a pas choisi ce lieu au hasard pour passer son balai. Qu’importe la nature de l’intelligence, elle ne serait pas exploitée sans devoir passer par le système. Mais ce n’est pas une sacralisation de l’université que fait Will Hunting. Ce que raconte le film,c ‘est la nécessité imposé de passer par l’école pour avoir un rôle dans la société. Même si celle-ci amène à une superficialité de la conception de la réalité malgré l’accumulation des savoirs. Le film critique moralement cette idée. Un dialogue entre Sean et Will éclaire cette notion : « Mais toi tu présumes que tu sais tout de moi parce que tu as vu une toile que j’ai peinte, et ça, ça te permet de disséquer ma vie. Tu es orphelin n’est ce pas ? Tu crois que je sais quelque chose des difficultés que tu as rencontré dans la vie, de ce que tu ressens, de ce que tu es, sous prétexte que j’ai lu Oliver Twist ? Est-ce que ça suffit à te résumer ? Personnellement, j’en ai vraiment rien à foutre de tout ça, parce que je vais te dire, je n’ai rien à apprendre de toi que je ne lirais pas dans n’importe quel bouquin. On peut comparer cette vision à celle présentée par Le Cercle des poètes disparus : pour l’étudiant, l’école c’est avant tout ce qu’on décide d’en faire. La comédie n’en est jamais loin. Le nouveau de Rudi Rosenberg racontait avec malice l’arrivée d’un jeune collégien dans une nouvelle école. Les premiers flirts, les premières soirées, les premiers amis, ainsi que les ennemis.. Non sans humour, Neuilly sa mère de Gabriel Julien-Lafferrière mettait en image l’arrivée de Sami Benboudaoud, un gamin de cité qui débarquait à Neuilly-sur-seine. Du point de vue de l’enfant, l’école devient alors ce microcosme du monde terrible des adultes où l’on doit se frayer un chemin en apprenant qui on est.

Nous l’avons vu, l’école est avant tout contée via un cinéma qui se qualifie par son approche du réel. Cependant, si on était amené à citer les écoles les plus connus du 7ème art, nous ferions appel au registre fantastique. Et notamment une saga qui concerne un petit sorcier aux lunettes rondes qui étudie à Poudlard.  Immense château surréaliste, Poudlard représente l’école où nous avons toujours rêvé d’un jour étudier la magie et les forces occultes. Un lieu si populaire qu’il a dépassé la frontière de la fiction et où les gens du monde entier se déplacent pour en visiter les studios en Angleterre. La saga Harry Potter est l’une des rares séries de films à entièrement se dérouler dans un espace scolaire. Escaliers qui se déplacent par magie, statues et gargouilles, cerbère qui se cache à l’étage, troll massif dans les toilettes, Poudlard épouse totalement son statut d’académie fantastique. Mais au delà de l’imaginaire qu’elle développe, elle représente une certaine notion de l’école pour une raison précise : les élèves de Poudlard ne sont pas des élèves comme les autres. Ce sont des sorciers dans un monde non-sorcier, des jeunes magiciens dans un univers parfois hostile et empreint de magie noire. Poudlard est alors un refuge pour une catégorie de la population, inadaptée au reste du monde. D’ailleurs, les romans de J.K Rowling expliquent que pour un simple moldu l’école n’apparaîtrait que comme un vieux bâtiment vide et délabré. On retrouve cette même-idée du côté des super-héros avec l’institut Xavier dans l’univers X-Men. Crée par le mutant télépathe Charles Xavier, il s’agit d’un immense manoir adapté aux jeunes mutants, souvent reclus de la société. En plus d’apprendre à se servir de ses pouvoirs et à développer des connaissances scolaires classiques, l’institut Xavier est surtout un internat et un abri pour les jeunes individus en perte de repères. A l’instar de Poudlard, l’Institut Xavier est un rempart contre le monde extérieur, un lieu pour les êtres différents mais qui ne se suffit pas à lui-même. Dans la trilogie originale, Charles Xavier sera d’ailleurs critiqué pour cloisonner ses étudiants loin du monde réel. Un autre point majeur : plusieurs des étudiants de l’Institut Xavier finiront par devenir membres des X-Men, une force spéciale indépendante constituée de super-héros. Sous couvert de refuge, l’école formate aussi ses propres soldats. Une autre vision de l’école plus politique plus remise en question que dans Harry Potter.

Ecole ou prison ?

Jamais très loin du fantastique, l’horreur. Nouvelle porte ouverte : les écoles sont avant tout constituées d’enfants. Mais si on décale le prisme de vue, alors cette masse de jeunes garçons et jeunes filles peut vite frôler avec le terrifiant. Dans l’Heure de la Sortie, Laurent Lafitte intègre en tant que professeur remplaçant un lycée très prestigieux. Les élèves de sa classe ont un comportement étrange, discutent comme des adultes, et quittent l’école pour effectuer de lunatiques rituels. Les couloirs du lycée, la salle de classe, et la cour de récré vide deviennent soudainement de grands espaces où le mystère et l’inquiétude finissent par primer. Parce qu’il y a aussi dans l’école, la rencontre entre différents individus en pleine évolution. Et avec ces évolutions, l’instauration de nouvelles pratiques qui peuvent vite décontenancer les plus âgés. Car l’école est avant tout un lieu du rupture entre plusieurs générations qui vont se transmettre mutuellement du savoir. Et c’est quand la verticalité du professeur à l’élève se rompt, que l’horreur se permet de s’immiscer. Dans L’Heure de la sortie, ce sont rapidement les élèves pourtant brillants qui prennent l’ascendant et qui vont retourner tout ce système contre eux. Entre les élèves et les enseignants, c’est un perpétuel rapport de force qui se maintient. L’issue de ce rapport de force déterminera souvent la nature du message du film. Une ode à l’épanouissement et à la liberté dans Le Cercle des Poètes Disparus, ou une critique de l’autoritarisme dans La Vague. Et si l’école est aussi capable de se substituer à tous les genres cinématographiques ou d’apparaître comme un lieu de refuge ou de cauchemar, c’est car sa représentation est mouvante. Non seulement au cinéma, mais définitivement dans la vraie vie. Interrogeons les expériences scolaires autour de nous, certains auront vécu Poudlard tandis que d’autres auront du faire face à la réalité d’Entre les murs. A la fois lieu d’émancipation et espace de formatage, nos souvenirs d’école empruntent à nos cauchemars, nos rêves etc.  Et c’est seulement dans la multiplicité de la représentation de ce lieu au cinéma qu’on en retrouve la diversité des expériences.  Pour certains, l’école est cette prison qui devrait fermer selon Victor Hugo. Pour d’autres, elle est ce lieu où tout est devenu possible. Et entre les deux, l’écran de cinéma qui fait office de maître de classe plutôt convaincant.