X-Men Dark Phoenix ou le timide chant du cygne des mutants

Antoine Delassus Rédacteur LeMagduCiné
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Après le douloureux X-Men Apocalypse en 2016, on aurait pu croire que la saga des célèbres mutants initiée sous la houlette de Bryan Singer en 2000 était finie et prête à se faire avaler par la récente fusion entre la Fox et Disney. C’était sans compter sur la tête pensante de la saga, Simon Kinberg, qui livre avec X-Men Dark Phoenix, un opus sensé clore officiellement l’aventure de nos mutants préférés. Une gageure qu’il ne réussit que timidement voire pas du tout (c’est selon…), la faute à un désintérêt majeur du casting et de l’histoire mise en scène. 

Car cette fois-ci, point de nemesis ultime à abattre, pas de Oscar Isaac grimé en bleu ou de Tyrion Lannister avec une pornstache des 70’s, mais bien un ennemi au sein même de la fratrie des X-Men : Jean Grey. Soit tout le credo du tant décrié X-Men 3 sorti en 2006, non ? Tout juste. La mutante rouquine est en effet de tous les plans dans ce Dark Phoenix qui entend montrer comment la télépathe, jeune protégée de Charles-Xavier, va passer de mutante un brin bizarre à l’une des entités les plus puissantes de l’univers. Un glow-up totalement assumé par le film, qui à l’instar de ses pairs super-héroïques va malheureusement peu dévier du cahier des charges : avec la constance d’un horloger suisse, on assistera ainsi à la naissance de la menace, la division de notre famille mutante et enfin un gros climax gonflé aux CGI confrontant ces mêmes mutants à ladite menace. Là où on pourra néanmoins trouver un intérêt, c’est dans sa propension à embrasser pleinement le postulat dramatique de son histoire tout en confiant le gros de l’écran à une « espèce » souvent reléguée au second plan dès lors qu’on parle de blockbuster : les femmes. 

Future is Female. 

Car à l’image de sa « méchante » campée par la talentueuse Jessica Chastain, et de ses héroïnes Jean Grey (Sophie Turner), Mystique (Jennifer Lawrence) ou même Tornade (Alexandra Shipp), Dark Phoenix brille ou tout du moins surprend par la place qu’il accorde à ses femmes. Alors bien sûr, rien de bien nouveau sous le soleil et pas de quoi attendre un puissant plaidoyer féministe mâtiné de relents super-héroïque. Non, tout juste pourra-t-on s’attendre à voir les personnages féminins prendre toute la couverture et notamment Jean Grey dont le combat interne a vite fait de fasciner le néo-réalisateur Simon Kinberg. En ce sens, prioriser les sentiments exacerbés de la jeune femme, montrer de plain-pied son incompréhension, ses dilemmes moraux, sa résistance (futile) à la chimère qui la dévore de l’intérieur est quelque peu inédit. On multiplie ainsi les gros plans, les scènes posées, les silences et on se surprend, au milieu de la soupe qu’est d’habitude un divertissement super-héroïque, à guetter les scènes où la fine équipe des mutants réfléchit davantage qu’elle n’agit. Et c’est un peu ça que le film cherche à dépeindre. Après déjà 3 opus ayant vite fait de montrer la puissance de feu de nos mutants, il est ainsi plaisant de les voir mesurer le poids de leurs actions ; entre l’uber optimisme d’un Charles Xavier qui n’hésite pas à jeter son équipe en pâture aux humains, une Mystique consciente des risques et qui désapprouve les desseins mêmes du groupe auquel elle appartient ou un Fauve qui a accepté son statut de membre au point de sacrifier sa propre personne. Cela donne à l’ensemble un certain gravitas, plutôt bienvenue d’ailleurs puisqu’il a le mérite de pleinement justifier les rares scènes d’actions du métrage, entre une intro spatiale plutôt bien fichue et un climax ferroviaire qui brille par son intensité. Mais derrière le concert de louanges que l’on adresse volontiers au ton déployé par le métrage, on pourra pas nier qu’il y a un hic. Et pas des moindres. 

Une conclusion plutôt désincarnée.

Ce hic, c’est le massif désintérêt véhiculé par l’histoire. Déjà contée en 2006 par l’infâme X-Men 3, l’avènement du Phoenix n’a ainsi plus rien dans ses manches pour emporter l’adhésion si ce n’est son ton dramatique qu’il use parfois ad nauseam. Ainsi, on a beau greffer une antagoniste campée par la non moins recommandable Jessica Chastain, on sait éperdument que ça ne sera qu’une vulgaire péripétie et non un point de scénario majeur. De la même façon, les interactions entre certains personnages semblent tellement forcées qu’on a l’impression de voir des comédiens devant respecter un juteux contrat hollywoodien et pas des personnages mus par une volonté de sauver la planète. C’est d’ailleurs ce côté forcé ou anti-spontané qui nuit le plus au film puisque couplé à la prévisibilité de ce qu’il met en scène, le spectateur a vite fait de ne plus se sentir investi émotionnellement parlant. On assiste ainsi à une série de scènes, au demeurant bien troussées mais qui parfois manquent de tension, d’investissement, de malice, de noblesse pourra-t-on même dire, lesquelles une fois compilées donnent cette chose. Et à la longue, on se surprend à voir une oeuvre dénuée d’enjeux propres et surtout de vision. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit de la première mouture du réalisateur Simon Kinberg qui a peut-être été animé par la volonté de clore l’histoire de ses personnages plutôt que d’imposer son travail comme une réflexion sur la différence, telle que l’avait fait en son temps Bryan Singer avec son X-Men des années 2000. Une volonté honorable loin s’en faut, mais qui appose sur le film une impression d’opus intermédiaire et pas de conclusion finale à l’ensemble, tant en plus d’être expédié, son final illustre toutes les incohérences de cette quadrilogie bâtie en marge de celle d’il y a 20 ans. Dès lors, entre les incohérences narratives, visuelles et celles inhérentes à la saga, ce Dark Phoenix s’assume comme un divertissement peut-être bien troussé oui, mais dont l’ajout à la saga a vite fait de plonger celle-ci dans les limbes du bon goût d’Hollywood. Si bien qu’à la fin, passée la déception de se dire que l’on verra plus la paire Fassbender/McAvoy, on est presque soulagé de se dire que cette saga si bien partie ne pourra plus, ou tout du moins jusqu’à un énième reboot, être perturbée par les désiratas des studios soucieux d’exploiter le filon jusqu’à la dernière goutte. Vous l’aurez compris, pour l’originalité, on repassera. Pour l’investissement personnel, autant faire une croix dessus également. Mais pour ce qui est du divertissement, ça serait être de mauvaise foi de ne pas concéder que ce Dark Phoenix, aussi pétri de mauvaises intentions soit-il, réussit à assumer son postulat récréatif le temps de quelques scènes bien sympa. Mais bon, pour un opus sensé clore une saga matricielle du divertissement des années 2000, c’est peu. Bien trop peu…

Autant dramatique qu’il n’est désincarné, autant bien troussé qu’il est dispensable, X-Men Dark Phoenix semble être constamment entre deux feux, tiraillé entre une histoire et une volonté de conclure. Cela a vite fait de donner à l’ensemble un coté étrange, qui malheureusement le restera, la faute à un manque d’investissement et de vision transformant le tout en banal récréation super-héroique. So long les X-Men…

Bande-annonce : X-Men Dark Phoenix

Synopsis : Dans cet ultime volet, les X-Men affrontent leur ennemi le plus puissant, Jean Grey, l’une des leurs. Au cours d’une mission de sauvetage dans l’espace, Jean Grey frôle la mort, frappée par une mystérieuse force cosmique. De retour sur Terre, cette force la rend non seulement infiniment plus puissante, mais aussi beaucoup plus instable. En lutte contre elle-même, Jean Grey déchaîne ses pouvoirs, incapable de les comprendre ou de les maîtriser. Devenue incontrôlable et dangereuse pour ses proches, elle défait peu à peu les liens qui unissent les X-Men.

X-Men Dark Phoenix : Fiche Technique

Titre original : Dark Phoenix
Réalisation : Simon Kinberg
Casting : James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Sophie Turner, Jessica Chastain, Tye Sheridan, Evan Peters, Nicholas Hoult, Alexandra Shipp, Kodi Smit-McPhee,
Scénario : Simon Kinberg,
Direction artistique : Michele Laliberte
Costumes : Daniel Orlandi
Décors : Claude Paré
Photographie : Mauro Fiore
Montage : Lee Smith
Musique : Hans Zimmer
Production : Simon Kinberg, Hutch Parker, Lauren Shuler Donner et Bryan Singer
Producteurs associés : Daniel Auclair et Kathleen McGill
Producteurs délégués : Todd Hallowell, Stan Lee et Josh McLaglen
Sociétés de production : 20th Century Fox, TSG Entertainment, Bad Hat Harry Productions, Marvel et The Donners’ Company
Société de distribution : Walt Disney Studios Distribution
Durée : 114 minutes

Etats-Unis – 2019

Rédacteur LeMagduCiné