Dans un film habité et glamour, Maïwenn réussit le tour de force de rendre fluide, ardent et désirable le genre du film d’époque. Jeanne du Barry, le nouvel opus de Maïwenn retraçant l’ascension d’une femme de la plèbe en favorite de Louis XV, irradie de souffle romantique et de liberté sauvage.
La beauté et la force du film émanent de son lyrisme, de son désir puissant d’impulser du romanesque, de la langueur fébrile et de la dignité amoureuse partout – dans l’animosité des classes, dans la bêtise des nobles, d’innerver de manière élégante une mise en scène toujours vibrante : déclaration d’amour au cinéma, aux acteurs.
Entre la roturière Jeanne et le roi, les conventions volent en éclats ou sont l’occasion de leurs rires complices. Maïwenn filme l’enchantement d’une vraie rencontre entre deux êtres que tout oppose, l’émerveillement de faire dériver en duo tendre et connivences des usages surannés.
Il faut voir l’érotisme et l’émotion qui affleurent de partout dans la très belle première rencontre entre Louis XV et Jeanne découvrant et touchant avec ravissement les traits d’une statue du visage du roi enfant, la voix de Johnny Depp alors lui demandant de défaire ses cheveux et les mêmes gestes d’infinie délicatesse après de Jeanne sur le visage du roi.
Il faut ressentir l’émotion palpable, la noblesse d’âme et la tristesse diaphane de Jeanne bravant la contagion de la vérole et veillant son Roi.
Il faut goûter les liens tout en retenue alliée, courtoisie affine et pudeur entre Jeanne et le valet de Louis XV interprété avec toute la subtilité idoine par Benjamin Lavernhe.
Le casting fait cohabiter toutes les familles de cinéma : avec Marianne Basler, la mère de Jeanne, c’est le cinéma de Paul Vecchiali qui revient hanter ici les dorures de Versailles de son impertinence et sa franchise de ton ; avec Pascal Greggory, c’est Patrice Chéreau et ses exaltations lucides qui entrent dans le plan ; avec Melvil Poupaud, c’est Raul Ruiz, plus toute une enfance du cinéma, qui traverse Jeanne ; avec Pierre Richard, c’est un certain sens du cinéma populaire ; avec Benjamin Lavernhe, c’est la comédie française ; avec India Hair et Raphael Quenard en plan d’une minute du grand chambellan, c’est toute la relève et le renouveau du cinéma français. Voilà aussi la beauté du geste de Maïwen, elle qui se reconnaît dans ce personnage de la du Barry-fille partie de rien pour arriver aux cimes, elle qui n’a guère été épargnée par les quolibets et sarcasmes du milieu, elle offre ici une aspiration idéaliste à la réconciliation de tous les milieux du cinéma. Sa Jeanne du Barry lui ressemble : digne, droite, sensible, séduisante, franche, haute, habitée et éprise d’un désir valeureux. Un film à l’émotion verticale.
Bande-annonce : Jeanne du Barry