Film d’ouverture au festival de Cannes 2023, retour de Johnny Depp au cinéma dans un rôle entièrement joué en français, Jeanne du Barry suscite la curiosité. Réalisé et coécrit par Maïwenn, plus connue par le large public pour ses divers scandales que par sa filmographie (pourtant de belle qualité dans l’ensemble), le film sort dans un contexte particulier. Mais que vaut-il ?
Amour franc
Maïwenn, dans ses grands moments, c’est une grande subtilité d’écriture, une direction d’acteurs époustouflante et des messages souvent justes et percutants. Polisse en est le meilleur exemple. Toutefois, là ou la réalisatrice pêche, c’est dans sa faculté à raconter une histoire. Et, paradoxalement, Polisse en est également une illustration, le film multipliant les intrigues secondaires et tertiaires (non résolues pour 80% d’entre elles), à tel point qu’il nous était difficile d’identifier l’intrigue principale. Jeanne du Barry ne s’encombre pas d’intrigues. Il se concentre sur Jeanne, uniquement sur Jeanne. Pourtant, les deux projets possèdent un point commun. Tous deux se rapprochent davantage du film-documentaire que d’un vrai long-métrage.
Le spectateur qui se rendra en salles pour découvrir la vie et le destin de cette femme sera aux anges. Le film atteint son objectif. De l’enfance à l’adolescence, des premières amours au grand amour, de la victoire à la défaite, l’histoire de cette femme à la beauté inégalée tient en halène deux heures durant. Porté par un casting de très haute tenue (à une exception près dont on reparlera), Jeanne du Barry nous plonge assez efficacement dans cette histoire d’amour entre un roi et une courtisane, non sans dispenser de nombreux messages ou critiques sur notre société. On n’échappe malheureusement pas à quelques grosses maladresses d’écriture et incohérences, mais rien de bien grave.
C’est pas Versailles, ici !
Malheureusement, Jeanne du Barry aurait été une bien meilleure œuvre sans son actrice principale : Maïwenn. La comédienne peine à transmettre les bonnes émotions et, si rien n’est désolant (loin de là), le résultat n’est pas à la hauteur. Une fois encore, sa volonté absolue d’apparaitre à l’écran sabote plus son œuvre qu’autre chose, d’autant plus que le manque d’intrigues secondaires fait que l’on ne voit qu’elle. C’est d’autant plus frappant face à Johnny Depp, dont le charisme et la force du regard crèvent l’écran. Oui, l’acteur américain propose une version convaincante de Louis XV, malgré un léger accent dont il n’a pas pu se débarrasser. Ça amusera autant que ça agacera. Pour le reste, tous les acteurs livrent une excellente performance. On regrette que Maïwenn, si parfaite dans la direction de ses acteurs, soit incapable de s’imposer la même rigueur et le même recul, quand bien même il s’agit là d’un exercice extrêmement difficile.
Mais le plus gros défaut du film, c’est son impression désagréable de n’être qu’un téléfilm à (très) gros budget. Telle Jeanne à la cour de Versailles, Maïwenn ne semble maitriser aucun des codes essentiels du cinéma pour mettre en scène son histoire. Commençons par un défaut qui frappe dès les premiers instants : le narrateur. Le show don’t tell, l’une des plus grandes règles de la mise en scène cinématographique, semble avoir été guillotinée sur la place publique. Ses interventions sont inutiles et ne font qu’accentuer cet effet documentaire. Pourquoi mettre une voix off, quand on peut faire parler la mise en scène, ou même les personnages ? Les premières minutes du film en sont un parfait exemple, le récit nous présentant brièvement Jeanne, enfant et adolescente. Elle ne vit rien d’extraordinaire, rien qui mérite d’apparaitre à l’écran. En revanche, ce que l’on voit, on aurait pu l’apprendre de plein d’autres façons. Telle est la lame qui transperce Jeanne du Barry, son manque absolu de mise en scène, de vision et de folie. Les décors somptueux et les costumes d’époques ne parviennent pas à combler ce sentiment de « trop peu ». Dommage ! On espérait que Jeanne du Barry devienne la favorite du spectateur, elle ne sera pour nous qu’un sympathique divertissement français, dont on ne retiendra que la prestance de Johnny Depp.
Bande-annonce : Jeanne du Barry
Fiche technique : Jeanne du Barry
Réalisation : Maïwenn
Scénario : Maïwenn / Teddy Lussi-Modeste / Nicolas Livecchi
Musique : Stephen Warbeck
Genre : Drame historique
Casting : Maïwenn / Johnny Depp / Pierre Richard / Benjamin Lavernhe / Mervil Poupaud
Production : Why Not Productions
Durée : 116 minutes
sortie : 16 mai 2023 en salles
Distributeur : Le Pacte