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Rétrospective studio Ghibli : le château dans le ciel, enchanté pour toujours

Dans le ciel flotte un château, vestige d’un royaume légendaire : Laputa. Deux jeunes enfants, Sheeta, poursuivie par des pirates de l’air et Pazu, jeune mineur sont attirés dans une aventure qui, deux ans après Nausicaä de la vallée du vent et sept après Le Château de Cagliostro, réussit une première synthèse venue et à venir de ce qui fera les grandes heures du Studio Ghibli, tout au long de son existence : de l’action, de la féerie et une infinie tendresse qui transpire à chaque plan.

Résumé : Des pirates du ciel, la « bande de Dora », attaquent une forteresse volante ; ils recherchent une « pierre volante » appartenant à une jeune fille, Sheeta, retenue prisonnière. Cette dernière arrive à s’enfuir pour atterrir chez Pazu, un garçon de son âge. Tous deux découvrent qu’ils ont un point commun : Laputa, une île légendaire flottant dans le ciel. Le père de Pazu l’avait vue de ses propres yeux mais personne ne l’avait cru, le laissant mourir de chagrin ; mais Sheeta a cette « pierre volante » qui conduit jusqu’à l’île. Poursuivis par les pirates et le clan de Muska, l’homme voulant se servir de la jeune fille pour parvenir à régner sur ces terres, les deux enfants devront s’entraider pour y arriver avant eux…

On trouvera un résumé détaillé sur l’excellent site spécialisé buta-connection

Bienvenue chez Ghibli

Qui n’a pas rêvé de vivre dans un film d’Hayao Miyazaki ? De tendre la main vers l’écran, de jeter un œil et puis de plonger ? Le charme opère très vite, le trait des personnages s’imprègne dans les esprits, ceux-là même tendant la main vers nos enfances. Nos enfances, oui, pas seulement celles des enfants des années 80, qui avaient déjà eu la chance de croiser sur leurs petits écrans les aventures de Sherlock Holmes que le maître co-réalise avec  Kyousuke Mikuriya de 1984 à 1985, car ses œuvres regardent dans les yeux des enfants intérieurs, de génération en génération. Rare sont les œuvres ayant autant touché à celui-ci, avec autant de talent et de perspicacité.

Un château, des gosses et des méchants

Dans les années 80, tous les cinémas rêvent d’au-delà et de voler dans l’espace. On peut tisser rapidement un parallèle avec Explorers, de Joe Dante, qui avait marqué les esprits par sa folle histoire d’enfance, à la chute trop cynique pour une production d’été. Le Château dans le ciel met en scène les enfants mêmes qui prenaient le pouvoir dans Nausicaä de la vallée du vent, clairvoyants avant tout, où ces enfances qui tiraillaient les esprits de tous les protagonistes du rafraîchissant de Cagliostro. Un château, de l’écologie et des gosses : dès 1986, tous les ingrédients étaient là, et finalement Le Château dans le ciel réussit à rassembler tout ce qui, à droite et à gauche a séduit un jour ou l’autre tout spectateur d’une production Ghibli. Un premier plan iconique, Sheeta flottant dans les airs, portée par une petite amulette. Un jeune héros dépassé mais volontaire, sans rancune, pur dans ses intentions. Des personnages que nos codes occidentaux qualifieraient de Mary Sue, mais épousant à la perfection chaque plan du film. On y croit parce que c’est incroyable, terriblement désuet et en conséquence tout aussi indispensable.

On rit, on vole, on pleure

Depuis les premières années des studios au gros Totoro emblématique, on parle volontiers de fraîcheur et de poésie à tout bout de champ au sujet de cette filmographie si singulière, quand on ne sait pas toujours verbaliser ce qui ramène autant les regards vers ces madeleines de Proust animées. L’enfance, confrontée à des antagonistes plus bouffons que cruels, embarquée dans une aventure dépassant toute imagination, dans la surenchère perpétuelle de merveilleux et de surprises à tout pour décliner en des tonnes de Haïkus cette tendresse matérialisée à chaque plan à l’écran. Qu’on découvre pour la première fois ces cascades farfelues, où les personnages flottent, volent et ne tombent jamais vraiment pour de vrai, qu’un train décolle dans les airs comme un avion avant de dérailler, que nos héros soient menés dans un château flottant, tout semble parfaitement orchestré dans un cheminement hypnotique vers le merveilleux. Et cette ambition folle dès le premier film de la riche histoire de Ghibli nous permet de comprendre plus qu’un film, une philosophie dont Le Château dans le ciel restera la matrice : en route, droit vers le quatrième mur, celui qu’on rêve tous de franchir.

La potion magique

Voir et revoir les productions du studio Ghibli aujourd’hui, en particulier les premières œuvres d’Hayao Miyazaki, qu’on range de manière assez commode du côté de l’oniriste de service, en face du réaliste et regretté Takahata, a de quoi interpeller sur le dosage et la construction de ces histoires et de leur narration. Difficile d’imaginer que ces œuvres puissent découler d’un travail normé, usant et fastidieux, et pourtant les documentaires tournés au sein du très discret studio tendaient à prouver le contraire. Pourtant, dans Le Château dans le ciel comme dans les œuvres à venir, les scenarii opèrent en nourrissant avec une formidable intelligence le besoin d’enchantement. Miyazaki réemploie des dessins et des figures présentes dans Nausicaä, que nous reverrons de nouveau jusqu’au Voyage de Chihiro, à l’image de sa sorcière maléfique. Des motifs qui tournent de film en film, pas en rond, mais dans une trajectoire elliptique qui rappelle que l’enchantement de film en film, dès les premiers pas au sein du studio, tisse une véritable œuvre chorale, une Iliade et l’Odyssée onirique qui semblait connaître dès 1986 son début, son milieu et sa fin.

Hayao au pays des merveilles

Le Château dans le ciel avait ainsi tout de l’œuvre de fin de carrière d’un artiste qui la commençait tout juste pourtant, et il a réussi à porter son auteur en recherche de nouveaux territoires à enchanter, avec un souffle épique qui n’est jamais vraiment retombé. Les films d’Hayao Miyazaki ont en commun les éléments qui en font des œuvres aussi envoûtantes, et ils les ont employés en questionnant toutes les générations et les époques sur leur rapport à la technologie, à l’avenir et aux traces que nous laisseront. Ce film de 1986 a récemment obtenu un fantastique hommage numérique, avec la sortie du dernier opus de Nintendo, Zelda, Breath of the Wild, qui en est le parfait avatar, et reprend le flambeau en prolongeant l’expérience du voyage initiatique dans un univers où les codes narratifs et dramatiques échappent à toute notre usante cohérence.

Encore un écran à traverser ?

Bande-annonce : Le Château dans le ciel

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