Le Village des damnés de John Carpenter : la survie de l’espèce humaine

Dans le cadre notre rétrospective sur John Carpenter, difficile de passer à côté des grands succès du maître de l’horreur. Le village des damnés, sorti en 1995, est un film d’horreur SF, a propos d’enfants aliens semant le trouble dans un village isolé des États-Unis. Ce remake d’un film des années 60 de Wolf Rilla, devient de nos jours un film de série B, aux effets spéciaux vieillis mais qui n’en reste pas moins incontournable.

Après le succès tonitruant de The Thing, Le Village des damnés reste avant tout un film de commande et s’avère mineur dans la filmographie de Carpenter. Le réalisateur parvient tout de même y insérer sa patte, par la musique et la mise en scène, tout en respectant l’ambiance originale et la montée de l’horreur face à cette invasion d’enfants monstres.

La monstruosité à travers l’enfant

Moins gore que la plupart de ses autres films, celui-ci se focalise surtout sur l’aliénation des enfants. Dans le même esprit que La Malédiction (The Omen), toute l’horreur est personnifiée par ces petites têtes blondes dont les adultes ne soupçonnent pas tout de suite la menace. Notre héros, le Dr Alan Chaffee, est lui-même le père d’une de ces enfants spéciales, du nom de Mara. Elle est la figure du leader machiavélique – faisant penser à une Esther en blonde – car tous ne semblent s’exprimer qu’à travers sa volonté. C’est elle aussi qui dévoilera sa volonté d’asservir l’espèce humaine et provoquera la mort de quiconque menacerait elle et son groupe. Derrière leur apparence angélique, on peut y percevoir une critique de la race aryenne, qui durant la montée du nazisme, se qualifiait aussi de race supérieur.

La définition de l’humanité

Le film de Carpenter joue surtout sur ce qui différencie un humain d’un alien, à travers l’enfant David, le seul capable d’avoir de l’empathie. Son développement différent des autres enfants du groupe s’explique par son manque de partenaire – l’enfant femelle mort-né dont il semble ressentir un manque. Et c’est à travers ce sentiment de deuil et de perte, qu’il développe une humanité. De la même manière, le personnage du Dr Susan Verner – avec un ‘V’, comme elle aime tant le rappeler –, est représentatif de la scientifique folle car elle n’hésite pas à se servir du corps de l’enfant mort-né pour exécuter ses expériences. La sensibilité humaine n’est pas intrinsèque à l’humain. C’est l’une des critiques morales qui découle du film jusqu’à la fin avec le sacrifice de notre héros pour sauvegarder l’espèce humaine et détruire ces enfants.

L’aliénation est un thème récurrent dans la filmographie de Carpenter. Le Village des damnés n’a d’original que la transposition de cette horreur par le biais des enfants. Un film qui nous fera aussi fortement penser à Chromosome 3 de David Cronenberg, par cette menace de la progéniture et de la propagation du mal. Le sujet de l’avortement est aussi abordé de manière subtile. En apprenant la grossesse simultanée de ces dix femmes, le village se réunit pour débattre de la possibilité d’avorter. Mais alors que certaines considèrent l’option d’avorter, une scène de rêve bien étrange explique ce qui les en dissuade. Comme aliénées par leur embryon, ces femmes refusent alors de mettre un terme à leur grossesse. Pour l’époque, le film aborde frontalement l’avortement comme non pas un mal amoral mais une option parfois nécessaire.

Pour un film datant des années 90, la réalisation de Carpenter souffre d’un aspect très kitsch surtout dans les scènes de mise à mort parfois risibles. Comme dans la plupart de ses films, la BO reste une de ses marques de fabrique évidentes. Mais ici encore, une musique angoissante omniprésente tombe vite dans l’excès de style. La meilleure scène reste la scène finale, comme une apothéose du propos du film, avec l’explosion de la grange et la mise à mort salvatrice des enfants aliens.

Synopsis : Dans un village isolé des États-unis, toute la population se retrouve inexplicablement plongée dans un sommeil pendant une demi journée. A leur réveil, les habitants n’ont aucun souvenir de ce qui s’est passé. Les autorités et les scientifiques enquêtent mais ne trouvent aucune explication. En conséquence de cet événement isolé, 10 femmes se retrouvent enceintes, bien  qu’elles soient stériles ou vierges. Poussée par une force étrange, aucune d’elle ne veut avorter. Toutes accouchent en même temps mais seuls 9 des 10 enfants survivent à la naissance. L’un des médecins du village, le Dr Allan Chaffee (Christopher Reeve) dont la femme a aussi accouché d’un enfant miracle se met à faire des recherches sur cette portée bien étrange. En grandissant; ils deviennent tous blonds aux yeux bleus, et développent des dons exceptionnels de télépathie. Fauteurs de troubles dans le village, les adultes commencent à les craindre sérieusement, quand ils provoquent des accidents inexpliqués.

Bande-annonce : Le village des damnés

Fiche technique : Le village des damnés

Titre original complet : Village of the Damned
Réalisation : John Carpenter
Scénario : Stirling Silliphant, Wolf Rilla d’après le livre de John Wyndham
Décors : Rick Brown, Don De Fina
Musique : John Carpenter, Dave Davies
Photographie : Gary B. Kibbe
Montage : Edward A. Warschilka
Production : Andre Blay
Pays d’origine : États-Unis
Genre : Science fiction, horreur, thriller
Durée : 198 min