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Notre Dame de Valérie Donzelli ou comment « être soi-même » loin des clichés

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné
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Donzelli est une fantasque parmi les fantasques, type de réalisateur assez rare, notamment en France, pour être revendiqué ici. On peut lui associer notamment une Sophie Fillières et ses films comme Arrête ou je continue. C’est d’ailleurs un peu le leitmotiv de Notre Dame, une sorte de pépite burlesque où chacun continue plus loin que l’autre tant qu’aucun n’a bien déterminé son périmètre identitaire.

De nous à elle

Dans Notre Dame, les personnages ne sont jamais totalement eux-mêmes et notamment Maud Crayon qui est au centre de toutes les attentions au point de se confondre presque ironiquement avec le monument dont elle s’empare « Notre Dame ». Valérie Donzelli le faisait très justement remarquer en expliquant les origines de son titre : Notre Dame est tout autant le monument que Maud Crayon elle-même dont chacun s’empare pour la modeler à l’image qu’il désire. Si l’œuvre échappe au créateur, Donzelli dit également que le créateur échappe à lui-même une fois lancé dans un défi d’une telle portée. Car oui, et d’autant plus désormais qu’elle a été au centre de toutes les attentions en 2019 lors de son incendie, Notre Dame est un objet collectif, un symbole. Donzelli profite de ce symbole pour fustiger tout en douceur mais avec beaucoup de piquant tout de même une société en pleine décrépitude qui se trouve des divertissements pour ne pas se regarder en face. A l’image de cette fausse nouvelle d’attaque chimique qui se répand comme une traînée de poudre et crée la panique. A ce stade le simulacre de procès dans lequel Maud Crayon (là encore ironie du sort que ce nom) se trouve embarquée malgré elle. Car dès lors qu’elle s’envole littéralement loin d’elle son œuvre « de cœur et de couleur » lui échappe, elle devient un symbole phallique, de rébellion et aussi de déconstruction mais ce n’est pas vraiment ce à quoi Maud avait pensé au départ. N’oublions pas que tout ça n’est qu’une histoire d’aire de jeux pour elle.

Morcelée

Maud est présentée d’emblée comme un personnage fictif avec le recours à la voix off qui est une habitude dans le cinéma de Valérie Donzelli. Ainsi elle y est décrite d’une certaine manière mais peut échapper à cette caractérisation. Cela fait en effet écho au dernier né de Noah Baumbach, Marriage Story, dans lequel les deux protagonistes du couple en plein divorce sont décrits tour à tour par le partenaire. Une partie du film et de ses péripéties viendra décrédibiliser ou renforcer cette description première. Au final comme dans le portrait d’abord fait d’Héloïse par Marianne dans Portrait de la jeune fille en feu, la première vision, première idée est souvent la moins bonne. En effet, Orelsan le dit mieux que moi  « ouais, méfie-toi des apparences  (basique) ». Cependant cette idée si simple et si basique est oubliée par beaucoup tant les films enferment bien souvent des personnages sans grande perspective d’évolution et à ce petit jeu de massacre psychologique-là, la comédie française est une grande championne. Ainsi Maud Crayon n’est pas qu’une simple gourde que tout le monde guide car elle serait incapable de prendre une décision. Il lui faut simplement tout une heure et demi et un peu plus de 6 mois dans la vraie vie pour enfin se retrouver entière à elle-même. Etre soi-même n’est pas ici un mantra mais une nécessité et devrait-on plutôt dire « être à soi-même ».

Hybride 

En matière de cinéma, Donzelli aussi n’est pas qu’une ligne toute tracée, son film empruntant à des formes multiples pour se renouveler sans cesse de plans en plans avec beaucoup de fantaisie. C’est un petit amas de réussites inventives qui évitent de faire ronronner le film. Quant aux personnages ils en sont réellement, c’est-à-dire des êtres inexistants car construits pour la fiction, irréels presque mais qui dessinent chacun une silhouette humaine en pleine construction. Déjà de sa propre vie autrefois Donzelli avait tiré une pure fiction avec La guerre est déclarée. Il s’agit alors comme pour Jeunet avec sa Audrey Tautou dans Un long dimanche de fiançailles d’observer avec une caméra pleine de trouvailles tous les petits détails du quotidien qui feront basculer celui de l’héroïne. Ainsi Mathilde voyait dans tous ces moments autant de signe que Manech n’était pas vraiment mort. Quant à Maud Crayon, elle voit dans les péripéties qui arrivent sans qu’elle ait vraiment prise sur elles, la nécessité qu’elle reprenne sa destiné en main et devienne non plus notre Dame mais une femme libérée, avec une légèreté somme toute très aérienne à en croire le dernier plan du film.

Notre Dame : Bande annonce

Notre Dame : Fiche technique

Synopsis : Maud Crayon est née dans les Vosges mais vit à Paris. Elle est architecte, mère de deux enfants, et remporte sur un énorme malentendu le grand concours lancé par la mairie de Paris pour réaménager le parvis de Notre-Dame…
Entre cette nouvelle responsabilité, un amour de jeunesse qui resurgit subitement et le père de ses enfants qu’elle n’arrive pas à quitter complètement, Maud Crayon va vivre une tempête. Une tempête, qu’elle devra affronter pour s’affirmer et se libérer.

Réalisation : Valérie Donzelli
Scénario : Valérie Donzelli, Benjamin Charbit
Interprètes : Valérie Donzelli, Philippe Katerine, Virginie Ledoyen
Images : Lazare Pedron
Montage: Pauline Gaillard
Producteurs: Alice Girard, Edouard Weil
Sociétés de production: Rectangle Productions, Scope Pictures
Distributeur :Ad Vitam
Date de sortie : 18 décembre 2019
Genre : Comédie

Durée : 89 minutes
France – 2019

Reporter LeMagduCiné