Chère Léa est le septième long métrage de Jérôme Bonnell. Le film s’inscrit dans la continuité d’une filmographie de l’instant suspendu, du pas de côté. Cependant, il manque cette fois un souffle à cette histoire de séparation qui ne se termine jamais vraiment.
Un petit tour et puis s’en va
Depuis Le temps de l’aventure au moins, il est certain que Jérôme Bonnell s’intéresse moins à la durée d’une histoire d’amour qu’à sa réalisation dans un temps court. Le plus récent A trois, on y va, racontait aussi ce cheminement-là, dans l’instant, qui se moque du temps à venir. Pourtant, si l’histoire de Chère Léa est contenue sur une journée, c’est bien de la fin d’une histoire qu’il s’agit. Léa donne à Jonas ses affaires dans un sac rose en papier et ce dès les premières minutes du film. S’il s’accroche au café qui fait face à l’immeuble de Léa, Jonas sait pourtant que c’est terminé. Il va aller peu à peu vers l’acceptation de la fin de son aventure. Pour filmer cela, Jérôme Bonnell fonctionne comme au théâtre : temps et lieux resserrés, entrées et sorties de personnages très caractérisés qui relancent un minimum l’intrigue. Et c’est bien là que le bât blesse, au fil des plans, l’intrigue semble un peu maigre pour une heure trente de film et la mise en scène trop plate. Chère Léa ne sait pas trop choisir, est-ce un genre de vaudeville dans un café avec ses personnages hauts en couleurs et ses chutes burlesques (on pense au passage à l’hôpital de Jonas) ? Ou une comédie plus profonde sur la séparation, le temps qui passe, et les choix que l’on fait avant de se quitter ? On ne sait pas vraiment et le fil tendu est souvent maladroit, parfois poussif, l’intrigue est sans cesse relancée de manière un peu lourde et le spectateur tourne en rond, comme Jonas qui revient toujours à son point de départ, le café.
Femmes de caractère
Sauf qu’à trop filmer dans un bistrot, on ne fait que saisir des conversations de comptoir. La rencontre entre Jonas et Mathieu est un genre de ping-pong verbal qui conforte chacun dans ses retranchements, mais rien n’avance vraiment. Comme cette lettre qui aurait pu être un point de frustration pour le spectateur, mais dont on se moque au final tant la soi-disant fragilité de Jonas, qui est en fait très imbu de lui-même, ne nous convainc pas. La destruction finale de la lettre est alors un soulagement de ne jamais voir publiée la lettre d’un frustré qui s’ignore. Heureusement que Léa est là, avec sa force, ses choix et sa liberté. Elle n’est qu’entraperçue sous les traits d’Anaïs Demoustier. Jonas voudrait en faire un objet, elle se dérobe à son regard et c’est tant mieux ! On aurait aimé qu’elle prenne plus de place, qu’elle ne soit pas qu’un prétexte à l’adoration d’une masculinité qui croit pouvoir tout excuser par une sorte de faiblesse cachée. Pourtant, Jonas n’a que de gros sabots. Et on savoure cette vendeuse de papeterie qui répond « pfffiou » à sa question « c’est une fille ou un garçon? », « vous n’êtes pas trop fatiguée? », elle aussi renvoie Jonas à ce qu’il est : un observateur fade, qui ne sait rien saisir de cette journée que lui-même. Il se trompe sur toute la ligne et toutes les femmes du film sont là pour le lui rappeler, Loubna en point d’orgue ! Seul bémol, Jérôme Bonnell a mal choisi son angle d’attaque et tout le film en souffre, il le dit lui-même (bon en fait pour dire qu’il a bien fait mais…) : « comment faire du cinéma en m’appuyant uniquement sur un type assis à un café qui écrit une lettre ?« . La réponse est encore à trouver !
Chère Léa : Bande annonce
Chère Léa : Fiche technique
Synopsis : Après une nuit arrosée, Jonas décide sur un coup de tête de rendre visite à son ancienne petite amie, Léa, dont il est toujours amoureux. Malgré leur relation encore passionnelle, Léa le rejette. Éperdu, Jonas se rend au café d’en face pour lui écrire une longue lettre, bousculant ainsi sa journée de travail, et suscitant la curiosité du patron du café. La journée ne fait que commencer…
Réalisateur : Jérôme Bonnell
Scénario : Jérôme Bonnell
Interprètes : Gregory Montel, Gregory Gadebois, Anaïs Demoustier, Léa Drucker, Nadège Beausson-Diagne
Photographie : Pascal Lagriffoul
Montage : Julie Dupré
Producteurs : Michel Saint-Jean, Anne Mathieu
Distributeur : Diaphana Distribution
Durée : 90 minutes
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 15 décembre 2021
France – 2021