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Aquaman, un plongeon kitsch et spectaculaire

Roberto Garçon Redacteur sur le MagduCiné

Pour tenter de sauver son univers cinématographique, DC sort Aquaman du fond des océans pour le meilleur et pour le pire. D’un côté, James Wan signe une épopée de fantasy terriblement ambitieuse et impressionnante. De l’autre, Aquaman nage dans un océan de ringardise et de kitsch dont seules les abysses ont le secret. Exploration sous marine d’un long-métrage entre deux eaux.

Qui aurait cru que dans le même mois de cinéma se côtoieraient les aventures inter-dimensionnelles de Spiderman et le récit océanique d’Aquaman ? Nous sommes aujourd’hui dans l’âge d’or des films de super-héros, et c’est ce qui amène la Warner à s’attaquer au héros DC le plus moqué : Aquaman donc. Derrière l’énième aventure super-héroïque de l’année, mais l’unique de DC, les défis  sont nombreux et bien plus grands pour le studio qu’il n’y paraît. Un an auparavant sortait Justice League, frankeinstein filmique réalisé en deux temps par deux artistes complètements différents (Zack Snyder et Joss Whedon) et chapeauté par un studio qui ira massacrer jusqu’aux dernières onces d’originalité et de fulgurance. Après des premiers films audacieux et clivants (Batman V Superman, Man of Steel), un succès consensuel (Wonder Woman) et un autre bâtard cinématographique (Suicide Squad), l’univers DC n’a pas réussi à convaincre et cherche encore sa formule gagnante. Aquaman arrive et doit se poser comme un film solide, loin des anciennes productions catastrophiques. Les enjeux sont de taille : seules les aventures de Wonder Woman sont reconduites, des potentiels films Batman et Superman étaient encore incertains. Si Aquaman réussit, cela pourrait les pousser à consacrer une aventure pour ces personnages, plutôt que de partir dans une direction complètement différente et de rebooter leur univers après Wonder Woman 1984.Aujourd’hui, les films de super-héros restent relativement formatés selon les studios. A chaque studio, sa recette et son ton. Du côté de Disney, on opte pour une emballage fun et humoristique. Tandis que chez DC  on propose des divertissements plus matures et sérieux. Derrière des conduites artistiques bien huilées,le long-métrage Sony  Spider-man : New Generation est venu bousculer le tout avec une énergie dingue. A côté, Aquaman de James Wan sorti une semaine plus tard offre un résultat très mitigé. D’un côté, le film emprunte le style de Snyder qui a totalement influencé les films DC, de l’autre il emprunte le ton décomplexé et comique des films Marvel. C’est un pas de plus vers le formatage qu’impose le quasi-monopole de Marvel, qu’on peut décrier tant DC restait le seul dernier studio à offrir des œuvres sérieuses et fortes sur les super-héros. Derrière ce changement de ton, on ne peut faire qu’un constat triste : après presque 20 ans de films de super-héros, ils ne semblent toujours pas être prix au sérieux. Comme si les aventures de ces héros de la mythologie moderne ne pouvaient être traités avec maturité. En dehors de ces considérations contextuelles, un autre challenge est venu affronter le film : Aquaman a toujours été considéré comme un personnage ridicule, avec pour seul pouvoir celui de parler au poisson. Dans le film Justice League, première fois où il fait une véritable apparition, Bruce Wayne se moquait brièvement de cette faculté. Parmi les grands héros célèbres, Aquaman alias Arthur Curry n’a jamais su obtenir la popularité des ses compères masqués. Alors que vaut ce long-métrage ? Il est à l’image de son personnage, entre deux eaux. Capable d’alterner entre le spectaculaire et le ridicule, le kitsch et le moderne.

Au fin fond du ringard

Le récit se focalise sur Arthur Curry, sorte de demi-dieu né de l’union entre une atlante et un gardien de phare. Sans vraiment le vouloir, il va se retrouver propulsé dans les océans et au-delà à la recherche d’un trident pour amener la paix entre les royaumes. C’est sans compter sur son demi-frère marin Orm pour mettre le feu au poudres, lui qui veut devenir maître de l’océan à tout prix. Cela sonne comme du déjà vu ? C’est normal. C’est une ultime ré-édition du mythe shakespearien, déjà traité dans Black Panther ou encore Thor. Malheureusement pour le long-métrage, ce sont toutes les touches sérieuses qui offriront les moments les plus ridicules du film. Comme ennuyé par celles-ci, James Wan ne fait aucun effort sur les dialogues et la dimension dramatique de son récit. Les répliques d’Aquaman version Momoa ont l’air d’être sorties d’un film d’action basique des années 90 où le héros pouvait encore se permettre d’être une figure macho ringarde et intouchable. La palme étant facilement délivrée à tous les instants de romance entre Mera et Arthur qui frôlent la fan-fiction douteuse. Et que dire face à une reprise de Toto par Pitbull lorsque que les héros sortent de l’eau au ralenti ? Autour de cela, il est drôle de s’intéresser à la direction artistique totalement bipolaire. Dans une grande majorité des moments, James Wan emprunte à Lovecraft et même à Jules Verne pour créer des civilisations et des créatures époustouflantes dans un élan retro-futuriste inspiré des aventures eighties à la Flash Gordon. Dans un second temps, il est capable de produire des costumes atroces comme l’immonde tenue de cosplay de Nicole Kidman en reine atlante.

Un univers mythologique fort

Pourtant ces soucis n’empêchent pas James Wan de développer un univers mythologique de fantasy fort et prometteur. De l’exploration des sept royaumes au bestiaire impressionnant, Wan tire le meilleur des comics pour créer un monde passionnant où chaque zone et monstre mériterait d’être développé. Entre Star Wars et Avatar, James Wan dispose réellement d’un monde impressionnant et riche qui permet de souffler des paysages urbains omniprésents dans les films de super-héros. Même Thor issu de la mythologie nordique se retrouvait propulsé dans une ville de Texas, puis dans un combat final à Londres pour son deuxième opus. Un gâchis immense qui n’intéresse par le réalisateur. Car si beaucoup de productions super-héroïques restent le fruit de studios où les réalisateurs n’ont pas leur mot à dire, Aquaman est bien le film de James Wan. Il est d’abord essentiel de noter l’influence majeure de la vision artistique de Zack Snyder. C’est lui qui a façonné cette nouvelle version du personnage, s’éloignant du bel homme lisse aux cheveux courts et blonds pour une masse de muscles tatouée aux cheveux longs et noirs. C’est également Snyder qui inclut au casting de Justice League, William Dafoe dans le rôle de Vulko et Amber Heard dans celui de Mera. Malgré cela, James Wan propose bel et bien son adaptation propre et notamment sa vision des films de comics. L’ambition y est folle et la surenchère totalement assumée. Les personnages semblent tout droit sortir des pages de comics dans un festival de couleurs pouvant autant exalter que donner le tournis. Un retour aux sources excitant, tant l’inspiration du medium de comics s’est perdu dans les films de super-héros. Pour découper ses scènes d’action, James Wan pense ses plans comme des cases où la fulgurance et la virtuosité de ses personnages super-humains poussent les limites de l’adrénaline. Les séquences d’action sont véritablement spectaculaires et offrent certaines scènes mémorables et superbes, comme l’une de nuit sur un bateau où le réalisateur rappelle sa maîtrise de l’horreur. Réaliser un film presque en majorité sous l’eau relève du jamais vu et d’un défi technique incroyable : pari réussi. Le film ressemble en bien aux films de super-héros à la Sam Raimi, à une époque où on ne se perdait pas dans les références pour mieux connecter l’univers aux prochains métrages. A l’exception d’un clin d’œil à Justice League, le film se tient complètement tout seul. Avec l’habillage d’une grande épopée de fantasy, Aquaman reste bien un super-héros. Le film suit la construction classique du héros tout en soulignant à quel point les super-héros sont des protagonistes à part. D’ailleurs, lors d’une scène où Arthur va devoir accepter sa véritable nature, sa mère lui dit : tu seras plus qu’un roi..un héros. Dans la bande-annonce, la réplique est prononcée et coïncidé avec son arrivée en costume. Dans ces films, le protagoniste ne peut se contenter d’être un roi ou un dieu, il doit être un super-héros et reconnu comme tel.

Bande-annonce – Aquaman

Fiche technique – Aquaman

Réalisation : James Wan
Scénario : Will Beal, David Leslie Johnson-McGoldrick, d’après les personnages créés par Paul Norris et Mort Weisinger
Interprétation : Jason Momoa, Amber Heard, Willem Dafoe, Patrick Wilson, Nicole Kidman, Dolph Lundgren
Image: Don Burgess
Effets spéciaux : Brian Cox (IV)
Montage: Kirik M.Morri
Musique: Rupert Gregson-Williams
Décors : Bill Brzeski
Costumes  : Kym Barrett
Producteur(s): Peter Safran, Rob Cowan
Société de production: DC entertainment, Warner Bros, Panoramic Pictures, DC Comics
Distributeur: Warner Bros. France
Budget  : 160 millions $
Durée : 2h24
Genre : action, fantastique, aventure
Date de sortie : 19 décembre 2018

ETATS UNIS – 2018