Fun, chaotique et totalement barré, ce remake super-héroique des 12 Salopards est la preuve que DC Comics se détache de plus en plus de la concurrence proposée par Marvel. Et autant dire qu’on aime ça. Beaucoup même.
Synopsis : Face à une menace aussi énigmatique qu’invincible, l’agent secret Amanda Waller réunit une armada de crapules de la pire espèce. Armés jusqu’aux dents par le gouvernement, ces super-méchants s’embarquent alors pour une mission-suicide. Jusqu’au moment où ils comprennent qu’ils ont été sacrifiés. Vont-ils accepter leur sort ou se rebeller ?
Car oui, donner du crédit à des méchants dans un univers vouant une admiration sans borne pour les héros, les vrais, ça frisait la sortie de route assurée. Tout du moins décelait-on dans ce choix une volonté faussement subversive de jouer en profondeur l’antithèse de Marvel et donc revenir à des films dont la noirceur primait sur la niaiserie devenue caractéristique de la Maison à Idées. Et pourtant, comme souvent avec Warner, la réalité est un peu plus complexe qu’elle n’y parait. Ainsi, on se doutait qu’embaucher David Ayer, reconnu outre-Atlantique comme l’un des probables héritiers de Sam Peckinpah, n’était pas un acte isolé. Ex-sous-marinier pour le compte de la Navy, Ayer était un peu le simili Zack Snyder du projet aka la caution créative. Et un petit regard à son CV suffit de comprendre pourquoi le ricain de 48 ans s’imposait comme l’homme providentiel. Une écriture à la serpe, de la violence hard-boiled, de la camaraderie qui dégouline de l’écran et une tripotée d’histoires sentant bien bon la rédemption. Bref tout ce qu’un sujet de Suicide Squad pouvait s’enorgueillir de compter. Et comme bien d’autres, face à une campagne de promotion aussi agressive qu’enivrante, nous rappelant parfois l’alter ego maléfique de Gordon Gekko (Wall Street) nous susurrant à l’oreille « Bad is Good », on s’est mis à rêver. A fantasmer même avant sa sortie sur cette virée chez ces dingues ou frappés du bulbe (vous qui voyez), et qui, fort d’un contexte de marasme post BvS, incarnait l’espoir de DC Comics au cinéma.
Une relecture sous acide des 12 Salopards.
Mais d’emblée se posait un problème : comment susciter de la sympathie pour un ramassis de taulards pareils ? Car c’est bien gentil d’utiliser du Queen à outrance mais donner chair à un tueur à gage ou un dérangé aux boomerangs, ce n’était assurément pas une mince affaire. Heureusement, Ayer, en bon faiseur qu’il est, veille au grain. Ainsi, pas le temps de regarder sa montre que le bougre essaime déjà ses images de bon vieux hits des familles. Les Stones. The Animals. Tout respire les 70’s dans ce début, qui sujet oblige, renvoie illico au classique de Robert Aldrich, Les 12 Salopards. Et il y a de quoi. Même figure tyrannique (Amanda Waller), même équipe disparate (un fou de la gâchette, une figure du crime, un pyromane notoire, une cinglée) et même menace requérant les services de cette escouade. A la seule différence que le film saura s’appuyer sur l’un de ses (nombreux) atouts : sa lucidité. On saluera ainsi comme il se doit le travail de titan réalisé au début, permettant au film d’éviter les écueils type Gardiens de la Galaxie et d’affirmer son coté cool sans le transformer en un comique capilotracté somme toute gênant. De ce canevas, cool mais pas trop, Ayer enclenche alors la seconde. La ville est menacée par une entité que les soldats US ont, sans surprise, du mal à mater. Raison de plus pour envoyer la Task Force X, aka le joyeux nom donné à cet armada de crapules. D’équipe fantasmée, la team se mue en équipe bien réelle. L’occasion pour Ayer de faire montre de sa direction d’acteur et laisser libre cours aux frasques de Harley Quinn (impériale Margot Robbie) et Deadshot (Will Smith) qui brillent littéralement de leur présence, permettant d’oublier un moment la partition du Letoker, aka Mr.J, à la limite du risible et fanfaronnant comme jamais. A croire qu’Heath Ledger continuera de hanter longtemps les frasques pourpres du génie du crime de Gotham. Heureusement, ça sera peut-être la seule fausse note. Le reste, tel un métronome, garde le rythme. Humour graveleux, scénario retors, retournements nombreux, le film se plait à perturber son spectateur comme pour mieux lui rappeler, tel une bonne vieille mandale des familles, que méchant oblige, on n’est pas dans un délire de super-héros classiques. Non, ici quand les « héros » ont un coup de mou, ils vont au bar. Et tant pis si ça casse le rythme. Ça aura le mérite de faire crisser nombre de dentiers, mais la réalité est bel et bien là : Ayer, en vrai cinéaste qu’il est, a accouché dans la douleur d’un projet personnel. Pas question donc de le voir enfiler les vieux poncifs du genre ou le contraindre à une quelconque forme de diktat culturel. Une intention qui a au moins le mérite de faire sens au « Fuck Marvel » tenu par ses soins ; propos qui outre d’égratigner la maison à idées, illustre bien que le combat de DC se mène à rebours des attentes. Pas question donc de caresser dans le sens du poil le fan transi par l’excitation. Non ! éprouvons-le, faisons-lui affronter une nuée d’ennemis en CGI auxquels il ne se rattachera pas. Faisons lui accepter ce rythme goguenard, pédant par endroits mais sentant bien bon l’honnêteté et le travail bien fait. Une démarche suicidaire en somme. Mais pour un film de Suicide Squad, c’est normal non ?
Furibard, enlevé et carrément foutraque, Suicide Squad est la preuve que Warner est bel et bien en train de changer la donne dans le vivier super-héroique. Plus couillu que son homologue marvellien, le film est surtout l’occasion de voir les prémices d’un univers étendu où l’on se plait déjà à imaginer la suite de cet armada de crétin tueurs.
Suicide Squad : Bande-Annonce
Suicide Squad : Fiche Technique
Titre : Suicide Squad
Réalisation : David Ayer
Scénario : Justin Marks, David Ayer
Interprétation: Jared Leto (Le Joker), Margot Robbie (Dr Harleen Quinzel/Harley Quinn), Will Smith (Floyd Lawton / Deadshot), Joel Kinnaman (Rick Flagg), Viola Davis (Amanda Waller), Cara Delevingne (June Moore / L’Enchanteresse), Jai Courtney (Digger Harkness/Captain Boomerang), Adewale Akinnuoye-Agbaje (Waylon Jones/Killer Croc), Jay Hernandez (Chato Sandana/El Diablo), Karen Fukuhara (Tatsu Yamashiro/ Katana), Adam Beach (Christopher Weiss/ Slikpnot), Ben Affleck (Bruce Wayne/Batman), Ezra Miller (Barry Allen/The Flash), Scott Eastwood (Lieutenant « GQ » Edwards), Ike Barinholtz (Capitaine Griggs),
Décors : Oliver Schol
Costumes : Kate Hawley
Photographie : Roman Vasyanov
Montage : John Gilroy
Musique : Steven Price
Production : Richard Suckle, Charles Roven
Producteurs délégués : Zack Snyder, Deborah Snyder, Colin Wilson, Geoff Johns
Sociétés de production : Warner Bros., Atlas Entertainment, DC Entertainment, Dune Entertainment et Lin Pictures
Sociétés de distribution : Warner Bros. Pictures (États-Unis), Warner Bros. France (France)
Langue originale : anglais
Format : couleur
Budget : 225 000 000 $ (estimation)
Récompenses : Oscars 2017 du Meilleurs maquillages et coiffures pour Alessandro Bertolazzi, Giorgio Gregorini et Christopher Nelson
Genre : super-héros
Durée : 130 minutes
Date de sortie : 3 août 2016
Etats-Unis – 2016