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Star Wars VIII : à la vitesse lumière, vers de nouveaux horizons

A rebours du Réveil de la Force tourné vers la nostalgie du passé, Star Wars épisode VIII regarde vers l’avenir. Les derniers Jedi marque ainsi la fin définitive d’une génération et l’essor d’une nouvelle, désormais prête à prendre ses propres responsabilités. Le pari était risqué et audacieux, mais permet de donner une pleine ampleur aux personnages principaux.

Avertissement : cet article expose les événements qui se sont déroulés dans l’épisode VIII.

La complexité de la transmission générationnelle au centre des enjeux

La trame générale de Star Wars VIII n’a certes rien de très original. Alors que les membres de la Résistance tentent d’échapper au Premier Ordre, Rey cherche à convaincre Luke de renoncer à sa retraite et de l’initier à la formation des Jedi. L’histoire est bien sûr riche en rebondissements, mais sert surtout à aborder le thème de la transmission à travers le personnage de Luke. Deux questions se posent pour l’ancien maître Jedi.

Tout d’abord, faut-il ou non transmettre, en prenant le risque de faire renaître l’obscurité ? Bien que le célèbre Yoda le lui ait expressément demandé dans l’épisode VI, Luke vit désormais seul sur une planète éloignée. La cause de son isolement et de son refus d’enseigner, ambiguë dans l’épisode VII, est clairement révélée dans Star Wars VIII. Non seulement Luke a échoué à maintenir Kylo Ren dans la lumière, mais on apprend qu’il est aussi directement à l’origine du « monstre » qu’est devenu son neveu. En effet, la tentation de tuer son padawan par pure peur du côté obscur qui grandissait en lui a précipité le basculement de Kylo Ren. Ce sont donc les craintes et les angoisses existentielles de Luke qui ont constitué le déclencheur tragique de la renaissance du côté obscur. Pourquoi alors continuer à transmettre à des apprentis dont la puissance l’effraie au point de l’inciter au meurtre ? Le maître Jedi, rongé par son erreur, se montre logiquement tout aussi terrorisé lorsqu’il découvre la force brutale de Rey.

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Ainsi, pour Luke, l’ordre Jedi qu’il représente, parfois trop confiant, trop arrogant, ne permet plus de sauvegarder l’équilibre de la Force, mais favorise au contraire le chaos. Fort symbole de sa volonté d’en finir avec l’héritage des Jedi, Luke brûlera avec l’aide de Yoda, dans une scène étonnamment comique, les livres anciens des Jedi conservés dans le temple comme de véritables reliques. Cependant, face à la détermination de Rey, à la mort de son ami Han Solo, et surtout en réponse à l’appel de sa sœur Leia, Luke se laisse finalement fléchir.

Ensuite, que faut-il transmettre ? C’est ici que la sagesse de maître Yoda fait œuvre de leçon de vie. Les héros peuvent échouer et l’échec, plus que toute autre chose, y compris le savoir, doit être transmis. Cette vérité acquise, si Luke sait qu’il est impossible de ramener Kylo Ren, il retrouvera partiellement sa foi en les Jedi, en finissant par désigner Rey comme l’une d’entre eux. Pourtant, Rey n’apprendra de Luke que des rudiments sur la nature de la Force. Pas de code des Jedi, ni même de valeurs morales spécifiques ayant mené l’Ordre à sa perte. Tout ceci devant disparaître, ou être refondé, il reviendra donc à Rey de trouver elle-même sa propre voie.

Le changement générationnel au cœur d’un épisode charnière

Au delà de la transmission, Star Wars VIII fait progressivement place entière à la jeune génération, alors que celle de la trilogie originale disparaît ou s’efface. La disparition inattendue et touchante de Luke, avec le passage de relais à Rey en qualité de dernière Jedi, en reste la preuve principale mais est loin d’être la seule.

La princesse Leia, calme et réfléchie, qui s’opposait à l’impulsif pilote Poe, finit par demander aux membres de la Résistance de suivre celui-ci. Poe Dameron deviendra-t-il le prochain chef des Rebelles ? On pourrait l’envisager, d’autant plus que le décès de Carrie Fischer interroge sur la présence du personnage de Leia dans l’épisode IX.

Kylo Ren s’émancipe également de son ancien maître, Snoke, pour devenir le nouveau Suprême leader du Premier Ordre. Il renoue alors pleinement avec les désirs de son modèle Dark Vador, en proposant à Rey de créer ensemble un Ordre à leur image, comme Anakin l’avait fait lors de l’épisode III à Padmé. En plus, de même que son grand-père, il assassinera le seigneur noir qui le manipule, mais avec une différence de taille. Pour Kylo Ren, il ne s’agit pas de sauver quelqu’un mais de prendre le pouvoir. Toutefois, le personnage (remarquablement interprété par Adam Driver) est rendu plus humain, moins manichéen, depuis que l’on connaît la vérité sur le geste malheureux de Luke. Ben Solo s’est alors senti trahi, ce qui nourrit sa haine, y compris contre lui même. Révulsé par les Jedi, il cherche une autre voie auprès de Snoke, avant de se rendre compte qu’il est manipulé et de prendre la place du Leader Suprême.

En outre, le développement de la relation entre Kylo Ren et Rey est plutôt intéressant. Bien que cette dernière ait refusé de se joindre à lui, les deux personnages sont étroitement connectés et leur maîtrise de la Force s’équilibre parfaitement, au point de séparer un sabre laser en deux parties égales. On attend donc impatiemment de voir l’évolution de leur lien dans l’épisode IX…

Mentionnons finalement le rôle joué par Finn et Rose, nouveau duo amoureux, dans la stratégie comme dans le combat permettant aux résistants d’échapper au Premier Ordre. Dans Star Wars VIII, la jeunesse prend donc la relève. Elle est forte, déterminée, pleine de rêves et d’ambitions, et nous promet d’assurer une fin de trilogie particulièrement épique.

Un spectacle visuel étourdissant et novateur, enrichi d’une bonne dose d’humour

Les derniers Jedi tient parfaitement ses promesses en termes de réalisation, de mise en scène et d’esthétique visuelle. En outre, sa durée temporelle resserrée, totalement inédite, parvient à instaurer une atmosphère d’urgence tendue avec un certain suspense.

De plus, contrairement à ce qu’on pouvait craindre, le récit ne constitue pas un Empire contre Attaque bis, à l’image du Réveil de la Force, trop similaire à un Nouvel espoir. Star Wars 8 parvient parfaitement à trouver son propre chemin, sans tomber dans des facilités scénaristiques. On pouvait s’attendre par exemple à ce que Ben Solo bascule du côté clair, mais le réalisateur a choisi une voie bien opposée, moins prévisible et plutôt bien pensée. Quant à la révélation des parents de Rey, simples ferrailleurs anonymes, non dotés de pouvoir spécifique, elle rejoint la mythologie de Dark Vador et fait de Rey une élue de la Force. Rian Johnson ne s’est donc pas engouffré tête baissée dans la brèche ouverte par pléthore de théories plus ou moins plausibles. Cette solution simple est finalement la plus cohérente et satisfaisante.

Rian Johnson recourt davantage à l’humour que J.J. Abrams. Ainsi, les « laveuses » de la planète d’Achth-To, les Porg, Chewbacca, et bien sûr le très débrouillard droïde BB-8 savent toujours nous faire sourire, même au beau milieu de l’action. Cependant, la première scène d’entraînement entre Luke et Rey en fait peut-être un peu trop…

Les créatures, notamment les Porg, drôles et adorables, et les magnifiques chiens de glace, sont très réussies. La planète « casino » fournit également un univers assez riche, coupé entre des joueurs nantis et des serviteurs soutenant secrètement la Résistance.

Mais le plus impressionnant dans la saga demeure les scènes de bataille. Sur ce point, on ne peut qu’être admiratif de ce Star Wars VIII qui nous propose, en deux heures trente, tous les types de combat que l’on apprécie : qu’il s’agisse de l’incontournable sabre laser ou des somptueux ballets aériens introductifs au dessus des cuirassés du Premier Ordre. On retient également une surprenante séquence dans laquelle la Résistance fait front contre un canon laser au moyen d’engins de fortune, laissant derrière eux un sillon de sel rouge.

Des faiblesses narratives affaiblissant « la Force » du récit

Malgré son lot bienvenu de surprises et ses scènes d’actions impressionnantes, Star Wars 8 reste un peu décevant sur quelques points narratifs.

Il est en premier lieu regrettable que certains personnages secondaires méritant des développements plus approfondis disparaissent trop soudainement. Snoke, un méchant au fort potentiel tout à fait intrigant dans l’épisode 7, est ainsi réduit dans le film à deux courtes scènes avant d’être tué « à distance » par son apprenti. On aurait pu espérer, en effet, un peu plus d’informations à son égard, ou au moins, un affrontement digne de ce nom avec Kylo Ren et Rey. La capitaine Phasma, commandante des stormstroopers, est tout autant délaissée et vite éliminée. Dommage qu’une confrontation un peu plus intense avec Finn n’ait pas été exploitée.

En second lieu, le début d’une histoire d’amour entre Rose et Finn ne paraît pas trop crédible. Depuis l’épisode 7, Finn s’est surtout attaché à Rey, et c’est d’ailleurs à sa protection qu’il pense en priorité tout au long des Derniers Jedi. Cette relation n’apporte en outre pas grand chose d’utile au récit.

En définitive, si Les Derniers Jedi est bien une suite au Réveil de la Force, les partis pris de Rian Johnson ne s’inscrivent pas dans la continuité de l’approche de J. J. Abrams. Fini la nostalgie du passé, les emprunts à la trilogie originale, le « fan service », le mythe sacré d’un ordre Jedi perdu et idéalisé. Place à la novation, à l’avenir, à la génération suivante, déterminée et indépendante, qui devra, sans maîtres, sans codes, et sans limites, trouver sa propre place dans les étoiles.

Star Wars, Les derniers Jedi – Bande Annonce

Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi – Fiche Technique

Titre original : Star Wars: Episode VIII – The Last Jedi
Réalisation : Rian Johnson
Scénario : Rian Johnson, d’après les personnages et l’univers créés par George Lucas
Direction artistique : Andrew Bennett, Neal Callow, Todd Cherniawsky, John Dexter, Jason Knox-Johnston et Oli van der Vijver
Décors : Rick Heinrichs
Costumes : Michael Kaplan
Photographie : Steve Yedlin
Son : Matthew Wood
Montage : Bob Ducsay
Musique : John Williams
Production : Kathleen Kennedy, Ram Bergman
Coproduction : Pippa Anderson
Production déléguée : J. J. Abrams, Jason McGatlin et Tom Karnowski
Sociétés de production : Walt Disney Studios Motion Pictures, Lucasfilm, Bad Robot Productions
Société de distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures International
Pays d’origine :  États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur – 35 mm – 2,35:1
Genre : science-fiction, space opera, action
Durée : 152 minutes

Etats-Unis 2017

Redacteur LeMagduCiné