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« Les Antres » : les douceurs de l’au-delà

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Avec Les Antres, paru aux éditions Delcourt, le scénariste et dessinateur Éric Puybaret fait étalage d’une poésie peu commune. Celle-ci a la particularité de se projeter sur l’au-delà, exposé au gré des tâtonnements d’un jeune héros mort dans la naufrage de son voilier.

Quand l’occupant d’un voilier pousse son dernier souffle, il ne s’attend probablement pas à errer dans l’au-delà prisonnier d’un corps dépourvu de tout ancrage – car sans poids. C’est pourtant le point de départ du premier tome du triptyque Les Antres.

Le scénariste et dessinateur Éric Puybaret organise ses planches de manière ingénieuse, emploie des couleurs souvent douces, applique sa sensibilité à même le dessin et conçoit une fable qui n’est pas sans rappeler La Divine Comédie de Dante ou Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Car c’est un nouvel univers aux règles fantasques qui se dévoile au jeune héros, qui va devoir apprendre à en maîtriser les spécificités, bien aidé, il est vrai, par quelques acolytes qui viendront se greffer en cours de récit à son parcours initiatique.

Amnésique, en apesanteur, confronté à des personnages et des situations surréalistes, le jeune marin va découvrir au même rythme que le lecteur ce qui fait l’étoffe des Antres. Dans une veine rappelant à certains égards Le Petit Prince, Éric Puybaret mêle aventures et poésie, injecte des personnages réels dans son monde imaginaire (Napoléon, Chopin, Halliday, Welles…) et se délecte à soumettre son héros à des situations qui le dépassent – et qui vont, vous l’aurez compris, bien au-delà de l’entendement.

Très référencé (de Jérôme Bosch à Salvador Dali), agréable à contempler, « L’Homme sans poids » est un voyage onirique quasi indicible, au sein duquel chaque lieu et chaque protagoniste est porteur d’une polysémie qui n’a de limite que la capacité de notre imagination à vagabonder. C’est peut-être cela qui accentue la poésie de cette bande dessinée : comme le jeune marin qui y tient le haut de l’affiche, les signifiants demeurent flottants, soumis aux interprétations personnelles, ce qui n’est pas sans rappeler un autre génie du troisième art, René Magritte.

Les Antres, Éric Puybaret
Delcourt, février 2022, 56 pages

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