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« Aurora » : la fin des temps ?

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Soleil publient le premier tome d’Aurora, intitulé « Phénomènes ». Christophe Bec et Stefano Raffaele y mettent en scène des enfants aux caractéristiques troublantes, tous nés le jour d’une étrange aurore rouge.

Si The Thing est mentionné à plusieurs reprises dans « Phénomènes », c’est toutefois un autre film de John Carpenter qui semble exercer son empreinte sur la série Aurora. Les 222 000 enfants nés le jour d’une aurore rouge ont en effet en commun avec ceux du Village des damnés un comportement peu sociable, une froideur inhabituelle et une intelligence supérieure. Dans un cas comme dans l’autre, ils semblent avoir des liens étroits et inquiétants les uns avec les autres. À tel point d’ailleurs que Jackichand, largement en avance sur son âge, se déclare futur leader d’une génération aussi nombreuse et soudée que ces corneilles « blousons noirs » réunies en escadrilles.

S’il y a une chose que Christophe Bec et Stefano Raffaele travaillent en orfèvres dans « Phénomènes », c’est l’ambiance qui porte et tapisse le récit. Dès les premières planches, une série d’événements sanglants et inattendus se déroulent aux quatre coins du monde. Ce sont ensuite, sous forme de flashbacks, des naissances survenues le jour d’une aurore boréale qui sont éventées. À chaque fois, les nouveau-nés paraissent étrangement calmes, presque passifs. Ils ne pleurent pas, ni à la naissance ni ensuite pour réclamer à manger. De toute évidence, quelque chose plane au-dessus d’eux, et cela dépasse l’entendement humain. Toute la construction dramatique d’Aurora, avec ses bonds temporels et géographiques et ses changements de points de vue, est conditionnée à ces phénomènes inexpliqués.

Pas avares en vignettes spectaculaires (les chiens réduits en charpie, les corps écrasés sur le sol, les insectes écrabouillés…), Christophe Bec et Stefano Raffaele donnent à leur récit un air crépusculaire. Calculateurs, égoïstes, indifférents aux autres, si ce n’est peut-être à leurs semblables, les enfants de l’aurore se révèlent capables de tout : passer à tabac des personnes physiquement supérieures, provoquer le suicide d’une enseignante jugée incompétente, empoisonner un subalterne indésirable… Leur comportement est tel que même leurs parents restent pantois, au point de multiplier les examens médicaux et d’enquêter sur leurs origines.

Si le travail entrepris est prometteur, il faut désormais que les auteurs s’attellent à densifier l’univers esquissé et à y apporter des enjeux palpables, de nature à conférer aux différents protagonistes une épaisseur plus importante. Car c’est précisément le piège dans lequel était tombé John Carpenter avec Le Village des damnés : construire un argument de base fort pour ensuite le développer de manière lacunaire.

Aurora, Christophe Bec et Stefano Raffaele
Soleil, janvier 2023, 68 pages

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