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Mario Bava – Le magicien des couleurs : la transgression du désir

L’ouvrage de Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele, Mario Bava – Le magicien des couleurs, convoque autant la recherche historique et la mise en perspective contextuelle de la filmographie de Mario Bava avec son époque que l’analyse purement technique d’un genre, le giallo. Un genre iconique au possible, nébuleux, baroque, imbibé de désir et qui éclabousse la rétine par sa volonté de transgression visuelle. 

De son attrait pour le dessin, sa manière de mettre en scène les mises à mort, sa volonté de réécrire l’horreur par le biais de l’image, sa mise en lumière du corps, sa fascination pour les couleurs ou son esthétisme de l’angoisse, le style unique de Mario Bava, parfois montré du doigt par le biais de cet héritage du cinéma bis, est ausculté sous toutes ses formes. Et la magie opère. Comme le titre du livre l’indique, Le magicien des couleurs, l’iconographie de la science du réalisateur est au centre de la recherche des deux auteurs : recherche autant documentariste que presque sensorielle. Et même si le titre aura pu nous laisser penser que l’oeuvre allait uniquement introduire cet aspect important de l’art même de Mario Bava, l’ouvrage quant à lui est beaucoup plus vaste, large dans son champ d’application, enrichi par des citations évocatrices, et presque exhaustif dans sa manière d’aborder le fonctionnement technique de Mario Bava, l’un des pionniers du genre qu’est le giallo.

Premier exemple et non des moindres, Le magicien des couleurs nous explique la place du cinéma italien d’après guerre et les liaisons entretenues par l’artisanat de Mario Bava avec les productions de commande et comment le cinéaste se sert de cela pour y introduire ses thématiques de prédiction. Ce qui pourrait paraître programmatique, voire schématique, est au final un préliminaire adéquat à l’étude de cas qu’est le cinéma de Mario Bava. Avec un style fluide, un agencement narratif ludique, servant alors la grande tenue de son argumentaire et la richesse de sa note d’intention, le livre de Gérald Duchaussoy et de Romain Vandestichele a cette double casquette qu’il arrive parfaitement à exprimer : au-delà de l’hommage, de la finesse des analyses de séquence, de l’amour passionné pour le cinéma et le cinéma de genre, se tient l’explication qui entoure la technique et l’artisanat d’un cinéaste, mais aussi et surtout la compréhension d’un mécanisme de création.

Plus les pages se tournent, plus les images nous reviennent en tête : 6 femmes pour l’assassin, Les trois visages de la peur, Le corps et le fouet, etc. Ces couleurs, cette importance de la musique, cette érotisation de la mort, cette innocence perpétuellement déchue, cette réalité diluée dans un semblant de fantastique ; l’écriture de Gérald Duchassoy et Romain Vandestichele en devient mémorielle. Avec une ambition humble mais fastidieuse, les deux écrivains parlent autant au cinéphile assidu du réalisateur qui auront le plaisir de se replonger dans le magma magnétique d’images créées par les films de Mario Bava qu’au néophyte qui, à la suite de cette lecture, n’auront qu’une seule envie : se plonger dans la longue et éclectique filmographie de l’esthète italien. 

Mario Bava – Le magicien des couleurs, Gérald Duchassoy et Romain Vandestichele
Lobster Films, juin 2019, 167 pages