En mai 2017, Stéphane Bénaïm publiait aux éditions LettMotif Les Extraterrestres au cinéma. Dans cet essai, l’auteur, docteur en esthétique et technologie des arts, revient sur la place de ces entités venues d’ailleurs dans le septième art, entre sous-textes sociopolitiques, détournements de genre ou encore dimension horrifique.
Quel est le point commun entre Alien, le huitième passager, Avatar, Star Wars, E.T., Starship Troopers, Paul et Premier Contact ? Si ces œuvres investissent des genres aussi différents que le film fantastique, la comédie, le space opera ou le blockbuster familial à grand spectacle, ils sont liés par la mise en scène d’extraterrestres sans qui ils perdraient toute raison d’être. Stéphane Bénaïm ne s’y trompe d’ailleurs pas en accordant à ces entités non terriennes une analyse étayée : c’est à travers elles que Ridley Scott a redéfini le film de monstre, que George Lucas a bâti une franchise au succès retentissant, que Paul Verhoeven a livré un discours antimilitariste acerbe, que James Cameron a interrogé l’écocide et les crises énergétiques et que Denis Villeneuve a poussé à son paroxysme l’hypothèse linguistique de Sapir-Whorf. Et si la présence d’extraterrestres au cinéma remonte aux Sélénites de Georges Méliès, repoussant plus loin encore l’exotisme recherché dans son jeune âge par Gaumont, Pathé ou les frères Lumière, elle s’est depuis étendue, diversifiée, au point d’être porteuse ou promotrice de toutes sortes de messages et de procédés techniques.
Dans son essai, Stéphane Bénaïm établit une ligne de démarcation en désignant The War of the Worlds et Forbidden Planet comme des œuvres si pas fondatrices, au moins novatrices. Les deux films apportent en effet leur lot d’effets spéciaux, visuels et sonores, sans compter que Forbidden Planet prend pour cadre une planète lointaine et fourmille de gadgets visionnaires comme de décors mirifiques. Plus tard, Predator et Alien installeront les extraterrestres en menaces mortelles et cauchemardesques, avant que Tim Burton et Edgar Wright ne les tournent en dérision ou que d’autres y voient la marque du super-héroïsme – de Superman à Thor – ou s’en emparent pour interroger l’intégration et le racisme –District 9 – ou la dualité – du complot de X-Files aux natures dissimulées de The Thing ou Invasion of the Body Snatchers. Même le cinéma d’animation y va de ses propositions, entre Toy Story et Le Géant de fer. Ainsi, du récit horrifique à la fable politique, de l’inventivité débridée au minimalisme d’un Under The Skin, ces entités personnifiant mieux que quiconque l’altérité et l’allogène sont à l’origine d’une production féconde qui va profondément changer la face du cinéma.
Sans démonstration empesée, en demeurant accessible, Stéphane Bénaïm se livre à un examen minutieux et passionné des extraterrestres au cinéma. Il en dévoile le caractère protéiforme et métaphorique, des invasions hostiles aux fables humanistes, et témoigne de la manière dont ils ont été employés pour traiter de thèmes aussi divers que l’incommunicabilité, la religion, la transition vers l’âge adulte, la violence ou encore la guerre froide. Spectaculaires, familiaux ou intimistes, les films mettant en scène des créatures extraterrestres continuent de fasciner, à tel point que leur nombre ne cesse de croître année après année. Stéphane Bénaïm l’explique de différentes façons, puisqu’au-delà d’une « adaptabilité exceptionnelle » et d’un « champ infini de possibilités », ils se distinguent par leurs « mystères » et leur « fantasmagorie ».
Les Extraterrestres au cinéma, Stéphane Bénaïm
LettMotif, mai 2017, 236 pages