Festival Lumière : Jetons, répliquants et sortie d’usine

Festival Lumière Jour 3 : Désert, Règlements de compte et Jésus

C’est un temps gris et froid qui enveloppe Lyon en ce mercredi matin. Le parfait moyen de se réveiller efficacement d’une courte nuit en somme. Car, à peine remis des événements de la veille qui m’auront fait côtoyer un anti-héros taciturne du volant (Drive) et un boxeur machiste et autodestructeur (Raging Bull), que me voilà déjà à battre du pavé pour rejoindre le Pathé Bellecour ; un cinéma du centre-ville ; à la découverte d’un autre personnage de cinéma, entre leadership et fêlures: Robert De Niro. L’acteur qu’on ne présente plus est en effet l’atout majeur du film présenté, à savoir Casino de Martin Scorsese. Débarquant dans une salle comble et curieusement peuplée de beaucoup de jeunes, je me mets donc rapidement à la recherche d’un fauteuil, jusqu’à ce que finalement, les lumières s’éteignent et laissent une salle pour moitié ignorante du film qui va se jouer, devant le travail d’orfèvre de Saul Bass. Peu connu du grand public, Bass est pourtant un taulier dans l’industrie puisque ayant habillé nombre de générique ou d’affiches de film par son style coloré et punchy. Il suffit d’ailleurs de voir son travail sur le générique (l’un de ses derniers, ne faisant que conforter l’image mélancolique, quasi spectrale attaché au film), pour comprendre toute l’envergure du projet. Couleurs chatoyantes, enchaînement de noms prestigieux, et la musique de Bach en fond donne irrémédiablement l’impression d’assister à un manège voyant tous les acteurs étant engoncés dans un système voué à la disparition. Un cortège funèbre en somme. L’amour et l’argent étant pleuré à chaudes larmes dans un opéra destructeur ou De Niro, Joe Pesci et Sharon Stones seront les instigateurs de leurs propres pertes, dévorés chacun à leur manière par le vice de cette ville pourrie jusque à la moelle. Et un peu moins de 3h après, le constat est sans appel : le film est d’un ravissement à tomber par terre. Interprétation soignée, décors sublimes et costumes parfait, le film joue à la perfection son étiquette de carte postale 70’s d’un monde aujourd’hui utopique, ou le casino était véritablement une institution, avant de succomber à l’essor de la mondialisation et de l’arrivée massive des joueurs du dimanche. Un vrai film culte quoi ! Mais sitôt cette escapade aux pays des jetons et de la violence terminée, que se profile déjà une mauvaise nouvelle : l’annulation de mes autres séances de la journée. Vie étudiante oblige, me voilà donc contraint de vendre à l’arrachée mes places pour La Forteresse Cachée d’Akira Kurosawa, œuvre qui m’attirait autant pour son réalisateur, que pour son histoire qui aurait inspiré George Lucas pour sa mythique trilogie spatiale Star Wars ; et La Dernière Tentation du Christ qui avait valu un déchaînement de passion envers Scorsese, ayant pris à bras le corps sur ce film, sa fascination pour la religion. Qu’importe, puisque le lendemain est prévue une tout autre séance, à laquelle je ne prévois pas de faire faux-bond, tant l’œuvre, récemment revenue sur le devant de la scène, demeure un pilier du genre de la SF, j’ai nommé Blade Runner.

Jour 4 : Licornes et Répliquants

Fort d’une journée ou les devoirs et les cours auxquels je ne pouvais me dérober étaient légions, je ne peux libérer ma soirée que pour un film. Et pas des moindres. Evènement de la programmation du Festival, la diffusion de Blade Runner coïncide d’ailleurs avec la ressortie exceptionnelle du film, 33 ans après sa sortie. L’occasion pour le Festival de rallier ses wagons avec l’actualité (Blade Runner 2 étant le nouveau projet du réalisateur canadien Denis Villeneuve) tout en sacralisant une œuvre ayant inspiré moult longs-métrages ou autres jeux vidéo. Il faut dire que le film fut une révolution  à l’époque. Adapté du romancier visionnaire Phillip K Dick (Minority Report), le film qui narre la chasse d’un policier membre d’une unité – les Blade Runner-, chargé d’éliminer des cyborgs à l’apparence humaine – des répliquants- demeure toujours 30 ans après sa sortie, un véritable choc esthétique. File d’attente monstre, salle archi pleine, le public semble au rendez-vous face à ce film hybride. Se faisant côtoyer le thriller, la SF, le film romantique, tout en questionnant le spectateur sur son propre degré de conscience et d’humanité, le film fait plus que sa mission initiale, qui devait résider dans la tenue d’un film d’action futuriste. Raison de la discorde entre Scott et les producteurs, le film accouchera d’une version aujourd’hui quasi introuvable – celle des producteurs-, pour finalement jouir d’une ressortie en 2007 chapeauté par Scott en personne, qui délivrera une fin instaurant toute l’ambiguïté de l’intrigue, tout en donnant à voir sa version du film. Une version paradoxalement plus énigmatique, nous confrontant au fait accompli et nous incitant à prendre part à l’interrogation qui infusera tout le film : Deckard, joué par Harrison Ford est-il un répliquant ? Magnifiée par une bande originale de Vangélis et une image obtenue par Jordan Cronenweth, Blade Runner peut alors imposer son message sans fioritures et conquérir une salle, entièrement dévouée aux pérégrinations d’un Harrison Ford intériorisant son interprétation pour semer continuellement le doute quant à sa réelle nature. Homme ou machine ? Le film ne prendra pas la peine de répondre, Scott préférant se voir l’instigateur d’une ambiance futuriste édifiante, plutôt que de ternir la réputation de son film en donnant une banale fin.

Jour 5 : RAS

Faute de places et de programmation s’adaptant à mon emploi du temps, la journée du vendredi sera du coup bien vide. L’occasion de me voir ronger mon frein en pensant à la Master Class tenue par le maestro Martin Scorsese au Centre des Congrès de Lyon, ou ce dernier a pu se confier sur la genèse particulièrement difficile de Taxi Driver, tout comme sa joie immense de voir son travail récompensé, dans la ville « ou tout a commencé ».

Rédacteur LeMagduCiné