La bibliothèque où vous pouvez lire dans deux pays à la fois

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La frontière entre les États-Unis et le Canada traverse la Bibliothèque et salle d’opéra Haskell, construite il y a plus de 100 ans dans les municipalités de Stanstead (Québec) et de Derby Line (Vermont). De l’extérieur, la Bibliothèque et salle d’opéra Haskell ressemble à n’importe quel autre bâtiment de style victorien du début du XXe siècle, avec ses vitraux, sa façade grandiose et son toit en ardoise. Mais une fois à l’intérieur, il ne faut pas longtemps pour voir que le Haskell n’est pas comme les autres. En effet, la frontière entre les États-Unis et le Canada divise le bâtiment en deux, laissant certains lecteurs et spectateurs dans un pays, et les autres dans un autre.

La plupart des livres de la bibliothèque – principalement des ouvrages en anglais et en français, ainsi que certains en espagnol – sont canadiens. Dans l’opéra attenant, la majorité des 500 sièges en bois, répartis sur deux étages, sont américains. Mais la scène – qui a accueilli sa première représentation en 1904 sous un plafond en dôme, un lustre et des motifs muraux peints – est au Canada, le pays où opère notre casino en ligne.

La frontière invisible de la bibliothèque Haskell

Le bâtiment a également deux adresses – l’une canadienne, l’autre américaine – mais une seule entrée du côté américain de la frontière. Une ligne de ruban adhésif noir traverse le hall d’entrée principal de la bibliothèque et la salle de lecture pour enfants, délimitant cette ligne de démarcation. Un lieu qui chevauche une frontière internationale et attire des touristes ainsi que des résidents de deux pays voisins.

Alors que les frontières sont de plus en plus militarisées dans le monde et qu’elles symbolisent les divisions imposées entre les communautés, la bibliothèque Haskell est le témoin d’une époque où les gens circulaient librement dans cette région rurale, entre la province canadienne du Québec et l’État américain du Vermont.

Du XXe siècle…

Ouverte pour la première fois en 1905, un an après l’opéra, la bibliothèque est l’œuvre d’une riche femme de la région, Martha Haskell, qui l’a construite à dessein entre les États-Unis et le Canada, dans un élan de solidarité entre les habitants de la région frontalière, alors poreuse.

Pendant des décennies, les citoyens canadiens et américains ont fréquemment traversé la frontière de l’autre pays pour aller à l’école, aller à l’église et même se marier. L’objectif de Haskell était de tromper la frontière !

Pendant de nombreuses années, la ligne de démarcation réelle est devenue une sorte de curiosité, soulevant des questions sur le point de départ du Canada et la fin des États-Unis, et vice-versa. La petite ville du côté canadien – Stanstead, Québec – a également des racines américaines puisqu’elle a été fondée par des pionniers de la Nouvelle-Angleterre dans les années 1790. Englobant les villages historiques de Beebe Plain, Stanstead Plain et Rock Island, Stanstead était autrefois un refuge pour les contrebandiers. Mais la situation s’est améliorée avec l’établissement d’un poste de douane en 1821, le premier dans la région des Cantons de l’Est.

…à la Bibliothèque de nos jours

De retour au Haskell aujourd’hui, la réalité d’être dans deux pays à la fois apporte ses propres défis. La ligne de ruban adhésif sur le sol a été ajoutée pour marquer la frontière exacte après qu’un incendie, il y a plusieurs décennies, a déclenché une bataille entre les compagnies d’assurance pour savoir qui devait payer les dommages.

Sa situation à la frontière signifie également que, malgré le désir du personnel d’éviter la politique, cela est devenu de plus en plus difficile ces dernières années.

Sur un panneau frontalier du gouvernement du Canada qui fait face au Vermont, il y a écrit Stop, avertissant les candidats au passage de la frontière que tout le monde n’est pas éligible pour faire une demande d’asile au Canada : il s’agit d’une claire référence à l’augmentation des arrivées de demandeurs d’asile en provenance des États-Unis ces dernières années. Un autre panneau d’avertissement, traduit en plusieurs langues dont le russe, le roumain et le créole haïtien, demande aux gens de ne pas traîner à la frontière.

Plus qu’une bibliothèque aux yeux de la scène locale

L’emplacement stratégique de la bibliothèque l’a également conduit à être le cadre involontaire d’un système criminel qui a vu un homme canadien condamné à 51 mois de prison en 2018 pour avoir fait passer plus de 100 armes de poing du Vermont au Québec. Certaines des armes étaient cachées dans de petits sacs à dos dans un bac de la salle de bain de Haskell, ont indiqué les autorités américaines, avant d’être récupérées et introduites au Canada.

Si la frontière terrestre entre les États-Unis et le Canada compte de nombreux points de passage officiels très surveillés – dont l’un se trouve juste à côté de la bibliothèque et de l’opéra -, de longs tronçons de cette frontière de 6 416 km (3 987 miles) sont en grande partie sans personnel.

Pour entrer dans le bâtiment, les Canadiens peuvent traverser la frontière à pied et se diriger vers la porte d’entrée du côté américain. Les passeports ne sont pas nécessaires – il n’y a pas de passage officiel ici, après tout – mais la bibliothèque demande aux visiteurs de s’attendre à ce que leurs mouvements soient surveillés – et d’avoir une pièce d’identité, au cas où.

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