Pour ce mois de septembre 2019, nous avons sélectionné des séries estampillées Netflix : The Politician, une satire au vitriol du monde politique avec Jessica Lange, Ben Platt, Bette Midler, Gwyneth Paltrow ; Criminal, un polar en huis-clos, filmé dans quatre pays européens ; Unbelievable, grâce auquel le mastodonte du streaming s’attaque à la culture du viol ; enfin, la production dystopique The I-Land, un Lost 2.0 brouillon et sans saveur.
The Politician, tous les coups sont permis
Eh oui, encore une série de lycéens produite par Netflix. On pourrait commencer à se lasser, pourtant la plateforme de streaming est parvenue une fois de plus à se renouveler dans un registre qui, de prime abord pourrait paraître restreint. En effet la nouvelle série de Ryan Murphy, à qui l’on doit principalement Glee et American Horror Story, aborde certaines thématiques peu habituelles lorsqu’il s’agit de parler d’adolescence.
Payton Hobart, étudie dans un lycée huppé de Santa Barbara. Ambitieux, il aspire à une carrière politique, voire présidentielle depuis l’âge de 7 ans. Et pour entamer cette carrière, il est primordial de se faire élire à la tête de la Présidence du Bureau des Élèves de son établissement, pour ensuite être admis à Harvard. Mais dans la course à l’élection, Payton a un rival de taille et qu’il connaît très bien.
Dans ce pilote, notre protagoniste cherche un partenaire de campagne qui lui permettrait d’améliorer son image et attirer un nouvel électorat parmi les lycéens. Il se tourne rapidement vers Infinity Jackson, une lycéenne atteinte de leucémie et interprétée par Zoey Deutch. Car pour gagner, tous les coups, même ubuesques, sont permis.
Dans cette satire de la corruption du système politique, on reconnaît très facilement la patte de Ryan Murphy. Entre le soap et l’humour déjanté, The Politician est une comédie politique, presque noire par moment, tout en restant une feel-good série. Bien qu’elle ne possède pas la virtuosité de Glee, elle s’avère réellement plaisante à regarder, pour son univers proche, pourtant décalé du nôtre. En témoignent ces ados clientélistes aux stratégies de campagne rondement menées.
Thomas Gallon
Criminal, la série judiciaire version Netflix UK
Le concept de la série Criminal est pour le moins original : faire une série européenne où la même action (en l’occurrence la police interrogeant un suspect) est déclinée selon des pays différents. Nous avons donc quatre lots de trois épisodes, se déroulant au Royaume-Uni, en France, en Espagne et en Allemagne.
Nous parlerons ici du premier épisode de la version britannique, avec un David Tennant toujours aussi subtil. Le dispositif narratif est réduit au maximum : une salle d’interrogatoire, un suspect, son avocate, deux policiers qui mènent l’interrogatoire et deux autres, derrière un miroir sans tain qui en commentent le déroulement. Ici nous avons affaire à un médecin, le Docteur Edgar Fallon, suspecté d’avoir tué sa belle-fille. La série met en avant les diverses stratégies employées par les policiers pour faire plier le suspect, mais aussi le suspense sur la culpabilité ou l’innocence de Fallon. C’est subtilement écrit, réalisé et interprété, mais on est finalement déçu de voir qu’il s’agit uniquement d’une affaire par épisode là où on aurait préféré suivre le cas sur plusieurs heures. Sobre et efficace, ce pilote va droit à l’essentiel.
Hervé Aubert
Unbelievable, une série sur le viol avec un female gaze
Marie, jeune adolescente au passé trouble, porte plainte après s’être fait violer chez elle par un inconnu. Les détails de son récit sont troubles, tant elle est sous le choc. Ayant connu des traumatismes durant son enfance en famille d’accueil, la police et son entourage se mettent alors à douter de la véracité de ses paroles allant jusqu’à lui faire nier les faits. La série de Netflix revient sur cette histoire vraie, datant de 2008, pour dépeindre avec horreur la banalité de ces affaires et comment parfois la police échoue lamentablement dans la prise au sérieux des victimes de viols, essentiellement car ce sont des jeunes femmes.
Le premier épisode se concentre sur “l’après”. De manière très chirurgicale, comment la victime doit témoigner et passer des tests médicaux, sans une réelle prise en charge émotionnelle de la part des forces de l’ordre. Une mise en scène similaire à celle du premier épisode de la saison 3 de Broadchurch, mais cette fois avec une insistance sur la mécanique déshumanisante de l’épreuve.
Marie est l’objet du viol. Elle parle peu, semble quelque peu désorientée, mais agit normalement. Peut être trop normalement pour certains. Des flashbacks du viol s’imposent à notre vision mais sous la forme de chimères. En tant que spectateur, on remet aussi en question la possibilité qu’elle ait juste fantasmé ce viol. On adhère aussi aux agents de polices, blasés, qui trouvent des incohérences à son récit et réclament des preuves concrètes impossibles.
Mais l’histoire prend réellement forme par la suite, avec l’arrivée de deux femmes détectives, Grace Rasmussen (Toni Colette) et Karen Duvall (Meritt Wever), en charge d’autres affaires de viol curieusement similaires. Ces deux femmes vont devoir réparer les erreurs de leurs collègues masculins et redonner la parole et la légitimité à ces femmes pour enfin coffrer l’animal coupable de telles horreurs.
Avec un récit qui prend le point de vue féminin, du côté de Marie mais aussi des deux inspectrices, la série se révèle plus authentique que tout autre pour aborder un sujet comme le viol. Pour la précéder, Top of The Lake et Sweet/Vicious avaient déjà commencé ce travail de représentation du viol du point de vue exclusif des victimes et s’intéressant plus au traumatisme qu’à l’acte en soi. Mais la réalisation de Susannah Grant s’attache à l’intime et la vérité, avec une mise en scène très feutrée, rappelant l’ambiance de Mindhunter.
En seulement 8 épisodes, cette mini série au sujet délicat s’avère indispensable à voir pour ceux et celles désabusés par le traitement du viol dans les médias actuels.
Céline Lacroix
The I-Land, l’île mi-sérieuse
Dix personnages se réveillent sur un plage. Ils sont tous amnésiques et ignorent aussi bien la raison de leur présence ici que leur nom. Ils n’ont aucune blessure. Il n’y a aucun débris qui ferait penser à un crash d’avion ou un naufrage de bateau. Ils sont tous habillés de la même façon. Et auprès de chacun d’eux est placé un objet.
Voilà le point de départ de The I-land, série écrite et réalisée par Neil LaBute, réalisateur des films Nurse Betty ou Wicker Man. Et, à ce stade, il est impossible de ne pas penser à la série culte Lost.
De fait, comme dans la série de J. J. Abrams, c’est le mystère qui constitue l’attrait principal ici. Ce pilote regorge de questions, et chaque scène en apporte de nouvelles, jusqu’au plan final. En cela, il est possible de dire que c’est plutôt bien écrit et que ce pilote aurait tendance à inciter à aller voir la suite.
Mais, hélas, il y a tout le reste. A commencer par les personnages, très fades et complètement stéréotypés. Dès la deuxième scène, à moins de cinq minutes du début, nous avons un premier face à face entre deux personnages qui sont caractérisés d’un trait de plume. Chacun va rentrer dans une case et, en quelques minutes, le spectateur peut prévoir quelles seront les réactions futures des protagonistes. De plus, les dialogues sont creux. Enfin,, l’ensemble est servi par de piètres acteurs.
Du coup, le pilote perd beaucoup de son intérêt : si le mystère de la situation est prenant, les personnages sont tellement inconsistants que l’on se moque un peu de ce qui peut leur arriver.
En bref, c’est un sentiment mitigé, partagé, qui se dégage de ce pilote, qui incite assez peu à continuer.
Hervé Aubert