Pendant cette période de confinement, la rédaction du Magduciné vous conseille une petite liste de films à (re)voir. Allant du film catastrophe La Guerre des mondes de Steven Spielberg au venimeux L’Emmurée vivante de Lucio Fulci.
La Communion de Jan Komasa (2020)
Parfois les moments confinés permettent des rencontres inatendues : celle avec Daniel, jeune délinquant qui rencontre la foi, est de celles-là. La Communion de Jan Komasa est une merveille de transformisme, de modification d’une réalité, qui devient la quête d’un respect mutuel, du désir d’être soi autrement. Une petite beauté qui sait aussi regarder le monde en face avec sa violence sous-jacente. Tout est regard, gestes et paroles dans ce film où la tolérance n’est pas toujours du côté où l’on croit la trouver. Et quel acteur qui se met littéralement à nu, comme son personnage.
Chloé Margueritte
L’Emmurée vivante de Lucio Fulci (1981)
Une femme nouvellement mariée et dotée de capacités médiumniques décide de retaper une des propriétés de son époux. Victime de visions, elle découvre un cadavre dans un des murs de la maison. Ces visions dont la jeune femme est victime serviront de canevas au film : c’est autour d’elles que l’action va se déployer. Si le nom de Lucio Fulci est devenu une référence dans le domaine de l’horreur, L’Emmurée vivante est plutôt un thriller. C’est donc plus du suspense que du dégoût qu’il faut chercher ici. Le scénario, plus malin, embrouille le spectateur en mélangeant des visions du passé et du futur : comme la protagoniste, nous ne savons plus si les visions renvoient à des événements déjà passés ou à l’avenir. Ainsi, le danger est-il vraiment là où on le suppose ? Le but, totalement atteint, est de semer le trouble chez les spectateurs. La réalisation joue avec beaucoup de finesse et de précision sur les couleurs : Fulci instaure une unité esthétique à son film en créant tout un réseau autour de la couleur rouge, que ce soit dans le décor ou dans l’action elle-même. Le rythme est impeccable : L’Emmurée vivante est un film dont on ne décroche pas.
Hervé Aubert
La Guerre des mondes de Steven Spielberg (2005)
Lorsque Steven Spielberg s’attaque au genre très cloisonné qu’est le « film catastrophe », il donne naissance à La Guerre des mondes, qui s’avère être une merveille de mise en scène. Le cinéaste qui n’est jamais avare en scènes spectaculaires ou en moments de bravoure (Il faut sauver le soldat Ryan ou Minority Report) démontre cette fois-ci tout son talent pour faire naître le frisson et la terreur. Pourtant, malgré son envie de grandiose et son bestiaire gargantuesque, l’œuvre se place toujours à hauteur d’hommes et ne perd jamais de vue de porter un regard assidu sur la société et sa survie : entre paranoïa, force militarisée, patriotisme aveuglé, conspirationnisme, peur de l’inconnu, La Guerre des mondes est un diagnostic tranché au scalpel sur la société américaine post 11 septembre. Flirtant délicieusement avec les genres, allant du survival au film d’horreur, de l’anticipation au huis-clos, c’est donc un divertissement haut de gamme qui nous écarquille les rétines.
Sébastien Guilhermet
Vif-argent de Stéphane Batut et L’angle mort de Patrick Mario Bernard et Pierre Trividic (2019)
L’invisible est le maître mot du moment, quand nos visages disparaissent sous des masques et que nous ne nous voyons plus. Les deux films Vif-argent et L’angle mort abordent ce sujet avec des angles clairement poétiques. Si Vif-argent sort clairement du lot avec des mots d’une magnifique poésie sur la rencontre presque irréelle entre les vivants et les morts, L’angle mort aborde le regard, le fantastique et la mort à travers ce don d’invisibilité qui devient la quête d’une vie quand il vient à disparaître. Ces deux films sont en tout cas la preuve exacte que les films de genre français n’ont à rougir de rien malgré les nombreux reproches que l’on peut leur faire à charge bien souvent. Une scène où le visible devient invisible dans un Paris fantomatique, où les voitures roulent sans chauffeur et les vélos pédalent sans jambe pour donner l’impulsion, vaut à elle seule toutes les images. Elle nous est offerte par Vif-argent de Stéphane Battut. Chez Patrick Mario-Bernard et Pierre Trividic, c’est à travers un regard échangé entre un personnage nu, invisible et une femme aveugle que se joue toute la nuance d’un monde où nos regards se portent enfin sur ce qui compte vraiment. Dans tous les cas, c’est à la limite entre réel et fantastique, cet instant où tout peut basculer que ce cinéma sensible et humaniste, s’intéresse avec brio !
Chloé Margueritte
Mystery Train de Jim Jarmusch (1989)
Mystery Train, hommage à tout un pan de la musique rock’n’roll avec notamment la présence remarquée de Joe Strummer, est un peu comme une ballade jazz au souffle court et à la respiration lancinante, nous racontant le destin à la fois jovial et triste d’individus lambdas. On suit leurs conversations, leurs confessions sur l’amour, sur leur vie, ou leurs sentiments. Avec une réalisation simple mais élégante, aux jeux de couleurs qui rappellent doucement Wong Kar-wai notamment dans sa première partie, Mystery Train dégage un parfum touchant, qui nous attrape pour nous emmener dans cet univers écrivant la chronique de loosers magnifiques dans les ruelles vides de Memphis.
Sébastien Guilhermet