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Les Demoiselles de Rochefort, ou la poésie colorée d’une oeuvre intemporelle

Avec Les Demoiselles de Rochefort, Jacques Demy signe un classique de la comédie musicale qui a inspiré les plus grands, notamment Damien Chazelle et son incontournable La La land. Retour sur un film qui a changé la dimension du cinéma français.

Solange et Delphine sont sœurs jumelles. Elles habitent dans la ville portuaire de Rochefort, où règne la joie du chant et de la danse. Alors qu’elles rêvent de rejoindre Paris, les destins se rencontrent au croisement des attentes amoureuses et des espoirs de la jeunesse.

Une séquence d’ouverture mythique

Le long-métrage commence sur une longue séquence de danse sur un pont, ce qui donne directement le ton du film. Les mouvements des danseurs sont légers, presque hors du temps, rythmés par la musique grandiose de Michel Legrand, l’éternel acolyte de Jacques Demy. Le ciel est bleu, les visages sont jeunes et joyeux, prêts à embrasser la vie. Durant tout le film, le réalisateur met en avant une jeunesse habitée par l’espoir face à une génération qui a déjà vécu et semble, à première vue, dénuée de désirs. 

Le renouveau des acteurs

Delphine et Solange sont jouées par deux sœurs à la ville, Catherine Deneuve et son aînée Françoise Dorléac. Dans le film, les deux sœurs se complètent : l’une est professeure de danse, l’autre est professeure de solfège ; l’une est vêtue de rose, l’autre de jaune. Alors que Delphine résiste à un amant possessif, Solange compose l’un des plus beaux concertos du cinéma français, sous l’oreille attentive d’un Simon Dame aux ambitions romanesques.

Puis il y a Maxence, à la fois marin, peintre et poète. Il est recouvert de blanc, comme si son costume de marin reflétait la pureté de ses aspirations sentimentales. Toujours pressé entre deux missions militaires, il divague, espère, recherche son idéal féminin. Il est peut-être le personnage le plus romantisé du film, à la fois rêveur, naïf et touchant, à la lueur du regard profondément mélancolique de Jacques Perrin.

Ce film est aussi le renouveau de Gene Kelly. La gloire passée de l’acteur ne lui fait plus aucun cadeau à partir du milieu des années 50. Acteur déchu, Les Demoiselles de Rochefort lui permet de renouer avec le succès et de retrouver en temps soit peu sa popularité d’antan. Son personnage, Andrew Miller, lui permet quelques pas de danse, dont les plus beaux s’harmonisent aux côtés d’une Solange rayonnante dans la boutique de Monsieur Dame.

Les couleurs au service des sentiments

Comment poétiser la vie des personnages habités par le romantisme et le rêve d’une vie rythmée par le bonheur ? Jacques Demy ne cherche pas le réalisme : il crée la fantaisie. Que ce soit par les danses, le ton saccadé des acteurs ou même par des séquences rimées, le réalisateur emporte le spectateur dans une féérie enchantée. Le choix des couleurs y joue pour beaucoup ; on retrouve en effet des teintes criardes, allant du rose au jaune poussin, comme si la figure des jumelles survolait la ville. Les couleurs sont saturées, prêtes à exploser pour sortir de l’écran et atteindre le spectateur. Il est impossible de rester indifférent face à un tel feu d’artifice ! On souhaiterait secrètement que le film se transporte dans la réalité pour y répandre ses couleurs éclatantes. 

Bande-annonce : Les Demoiselles de Rochefort

Fiche technique et synopsis du film Les Demoiselles de Rochefort

Réalisateur : Jacques Demy, assisté d’Alain Franchet et Claude Miller
Scénario et dialogues : Jacques Demy
Avec Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Anne Germain
Décors : Bernard Evein
Costumes : Jacqueline Moreau, Marie-Claude Fouquet
Photographie : Ghislain Cloquet
Son : Jacques Maumont
Montage : Jean Hamon
Paroles : Jacques Demy
Musique : Michel Legrand
Année : 1967
Pays d’origine : France
Durée : 2 h 05 min
Date de sortie (France) : 8 mars 1967
Producteurs : Mag Bodard, Gilbert de Goldschmidt
Distributeurs : Ciné Tamaris, Comacico, MK2 Diffusion

Synopsis : Solange et Delphine sont jumelles et vivent à Rochefort-sur-Mer. L’une est rousse et enseigne le solfège, l’autre est blonde et donne des cours de danse. Toutes deux attendent patiemment l’amour. Leur mère, madame Yvonne, tient un café-restaurant et élève un petit garçon, Boubou, tout aussi illégitime que ses demi-soeurs. Simon Dame, un marchand de musique, regrette la femme qu’il a jadis aimée et qui n’est autre qu’Yvonne, amoureuse elle aussi mais outrée à l’idée d’épouser un monsieur Dame. Maxence, un marin, peintre à ses moments perdus, cherche la femme idéale que le destin lui a promise. Andy Miller, un danseur américain, rêve de celle qui partagerait ses goûts. Lors de la grande foire commerciale organisée à Rochefort, les chemins de tous ces êtres en souffrance vont se croiser…