Après Amanda (2018), qui se confrontait à des questions de deuil et de famille, Mikhaël Hers revient avec Les Passagers de la nuit. Un film qui questionne lui aussi les liens familiaux et le deuil d’une certaine vie. Pas toujours convaincant.
Synopsis des Passagers de la nuit : Paris, années 80. Élisabeth (Charlotte Gainsbourg) vient d’être quittée par son mari et doit assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias (Quito Rayon-Richter) et Judith (Megan Northman). Elle trouve un emploi dans une émission de radio de nuit, où elle fait la connaissance de Talulah (Noée Abita), jeune fille désœuvrée qu’elle prend sous son aile. Talulah découvre la chaleur d’un foyer et Matthias la possibilité d’un premier amour, tandis qu’Élisabeth invente son chemin, pour la première fois peut-être.
Extérieur/Nuit : Paris, 1980.
Connaissez-vous ce film où une jeune femme intrigante erre dans les rues d’un Paris vintage ? Cette même jeune femme qui ne peut pas tomber amoureuse pour ne pas blesser les autres car elle a été blessée par la vie ? Sans doute, puisque ce film, c’est tous les films d’une certaine tendance d’un cinéma français encensé (et subventionné). Un cinéma qui donne l’illusion d’être à l’image de tous. Au fond, il n’est souvent que le miroir de son réalisateur (et de certaines écoles).
En quelques plans seulement, Mikhaël Hers révèle l’intégralité du triptyque des Passagers de la nuit. L’esthétique vintage, cette jeune femme intrigante, à peine esquissée, et des questionnements à n’en plus finir (certains sont tout de même nécessaires, mais enfin, passons). Le film se veut donc immersif dans ce Paris des années 1980, en mêlant prises de vues réelles et images d’archives. D’ailleurs, au prix où sont accessibles ces images, l’équipe aurait pu faire quelques économies.
Et, pour s’assurer que le spectateur comprenne qu’il s’agit bien des eighties, l’image de Sébastien Buchman semble user d’un filtre Instagram retro et granuleux. Non pas que ces choix soient déplaisants au regard mais l’effet polaroid perpétuel fatigue passé le quart d’heure. À croire que le film masque ses failles par cet univers (que les adeptes du « c’était mieux avant » trouveront évidemment émouvant et génial).
Femme(s) des années 80
Au milieu de ce rapport à la création qui effleure le formatage, il est vrai que Les Passagers de la nuit dresse des portraits de femmes attachants. Enfin, plutôt un seul, puisque Vanda Dorval (Emmanuelle Béart) et Talulah correspondent plus à des archétypes qu’à une réalité. En effet, si le parcours de Talulah, jeune SDF, relativement peu représenté dans le cinéma, nous interpelle, encore une fois, sa représentation reste plus proche d’une image romancée que de la vérité.
Le personnage d’Élisabeth, cinquantenaire, guérie d’un cancer du sein, se retrouvant du jour au lendemain divorcée, est, quant à lui, émouvant. S’il doit son épaisseur à Charlotte Gainsbourg, qui offre beaucoup d’elle-même et de sa sensibilité pour ce rôle, il semble également dire que ces rôles de femmes passée la cinquantaine, nécessaires, existent surtout pour les actrices que l’on a vues grandir à l’écran. Les propos perdent ainsi en crédibilité puisque, malgré son talent, c’est Charlotte Gainsbourg qui ressort, et non Élisabeth.
Créer pour soi, créer pour les autres
Le film en lui-même souffre de trop essayer. Essayer de répondre aux exigences d’un cinéma social et politique, mettant en avant des personnages féminins, tout en étant personnel. Essayer de proposer des histoires qui traversent les générations tout en donnant un vent de liberté et de nouveauté dans le propos. Dire que Les Passagers de la nuit est un mauvais film serait incorrect. Simplement, il s’agit d’un film qui ressemble, finalement, à beaucoup d’autres films actuels. Un film qui se veut pour les autres, mais jamais jusqu’au bout. La grande réussite du film est d’être cliché sans vraiment l’être, de frôler les clichés à chaque scène sans jamais tomber dans le ridicule pur. Dire que l’on ne passe pas un moment agréable serait mentir. Mais est-ce un moment qui nous est utile ? Un film qui mêle l’utile et l’agréable, ça, ce serait une réussite.
Bande-annonce – Les Passagers de la nuit
Fiche technique – Les Passagers de la nuit
Réalisation : Mikhaël Hers
Scénario : Mikhaël Hers et Maud Ameline
Interprétation : Elisabeth (Charlotte Gainsbourg), Mathias (Quito Rayon-Richter), Talulah (Noée Abita), Vanda Dorval (Emmanuelle Béart)
Durée : 1h51
Genre : Drame
Date de sortie : 04 mai 2022
Pays : France