Diamantino de Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt : une ode à l’innocence

En prenant le football et la politique comme sources d’inspiration, Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt, signent avec Diamantino, une oeuvre hybrique, baroque et satirique qui voit un footballeur, ersatz de CR7, confronter son innocence et sa candeur face aux maux du monde.

Crampons aux pieds, maillot sur le torse, chevelure à la CR7, posture divine, Diamantino est selon les dires de son père, un nouveau Michel Ange, qui voit un brouillard rose et des caniches géants à ses cotés lorsqu’il est à l’approche de marquer un but. Les nouveaux dieux, ceux qui éblouissent, ceux qui font naître des passions, sont les footballeurs. Des dieux du stade, qui font vibrer la terre entière avec un simple crochet ou une frappe en pleine lucarne. Ce n’est plus le toit de chapelle Sixtine que l’on observe, mais ce sont les contours lumineux d’architectures sportives florissantes. Et ce n’est pas nous, français, qui allons dire le contraire, alors que nous venons de décrocher notre deuxième étoile. Mais en un rien de temps, leur aura peut passer du stade de la starification ultime à celle de l’humiliation nationale.

A cause d’un pénalty raté en finale de coupe du monde, Diamantino est devenu la honte de son pays. Diamantino n’est pas un documentaire sur la célébrité des footeux, non, c’est une ouvre ovni prenant la tangente parodique de nombreux sujets politiques et contemporains pour donner naissance à un film aussi burlesque que baroque. Burlesque, car le film ne lésine pas sur le grossissement des traits s’accommodant d’un visuel aussi cheap qu’orgasmique: Diamantino est un footballeur béat, un imbécile heureux, doté d’une compassion incommensurable et qui se voit escroqué par ses sœurs. Lui vit dans un palace immense, en mangeant tous les jours des crêpes au Nutella et du jus Bongo.

Empruntant à la culture pop et à ses clichés, Diamantino est une relecture satirique de la star du football Cristiano Ronaldo, en inversant avec drôlerie son rapport au masculinisme. Ces journées se limitent à rester torse nu ou à dormir sur des oreillers à son effigie, à se faire insulter par ses sœurs, jusqu’au jour où le ministère décida de tout faire pour le faire cloner, au travers d’une action secrète, visant à faire de l’équipe nationale une équipe entièrement composée de Diamantino afin de gagner toutes les compétitions pour enchanter et laver le cerveau des citoyens, refaire de Diamantino une star et ainsi, faire passer le parti nationaliste au pouvoir. Alors qu’il était sur son bateau, en train de rêvasser, il fit la rencontre d’un bateau de réfugiés. Il se mit dans la tête d’adopter un réfugié, pour aider son prochain et faire profiter les autres de toute sa richesse. Sauf que le réfugié en question, s’est révélé une espionne essayant de débusquer ses comptes offshore sans qu’il ne le sache.

Il n’a pas vu que c’était une femme car il est trop candide. Et c’est aussi toute la beauté du film. Sur fond de complot politique, de déviance au travers de l’eugénisme, de regard sur les réfugiés, de candeur face à la haine du peuple, de l’instrumentalisation des stars à des fins racistes, Diamantino est avant tout une œuvre où le lyrisme devient roi. Malgré l’avalanche d’archétypes, cette sensation de surenchère perpétuelle, cette profusion de bêtise niaise, ce magma de sucrerie cinématographique font tout le charme hybride et transgenre du film. On pourrait vite bailler devant une intrigue un peu farfelue mais assez balisée dans sa construction, on pourrait rapidement rester hermétique devant l’humour décalé de Diamantino, on pourrait vite s’offusquer de son esthétisme sans réelle cohérence et ses égarements politiques simplistes mais réalistes, mais il n’en est rien.

Diamantino nous emporte, nous charme, car la sincérité de son personnage est aussi celle d’un film dont l’imagerie est unique, dont l’inventivité est incessante et nous inonde de poésie. Comme l’atteste la plus belle scène du film, et peut être l’une des plus belles scènes de l’année 2018: celle du premier baiser entre Aisha et Diamantino, avec cette nuit d’amour et cette découverte de deux corps alors inconnus de chacun. C’est à travers cette interrogation sur la virilité, de ce questionnement sur la sexualité, sur l’innocence et ce que cela introduit dans notre imaginaire que Diamantino puise toute sa force. Avec cette allure de conte pop moderne, Diamantino fait plaisir à voir car il combat toute forme de cynisme, toute forme de discrimination, et avec son caractère fauché, montre que le cinéma peut se jouer des genres avec roublardise et générosité. 

Synopsis: Magnifique, candide et attachant, Diamantino est l’icône planétaire du football, un héros flamboyant touché par la grâce. Quand soudain, en pleine Coupe du Monde, son génie s’envole dans les vapeurs roses de ses visions magiques, sa carrière est stoppée net. Problème : il ne connaît rien d’autre.

Bande Annonce – Diamantino

Fiche technique – Diamantino

Réalisateur : Gabriel Abrantes, Daniel Schmidt
Scénariste : Gabriel Abrantes, Daniel Schmidt
Acteurs : Carloto Cotta, Cleo Tavares
Photographie : Charles Ackley Anderson
Distributeurs (France) : UFO Distribution
Genre : Satire
Durée : 1h32mn
Date de sortie : 28 novembre 2018

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3.5