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Black Hole : Charles Burns décortique le mal-être adolescent

Flora Sarrey Redactrice LeMagduCiné
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Le célèbre auteur américain de bandes dessinées Charles Burns, tout au long de sa carrière, a su créer une oeuvre particulière touchant toujours au mal-être adolescent. Avec l’intégrale de Black Hole, regroupant les six tomes de sa série entamée en 1998, il atteint un sommet artistique mêlant noirceur et onirisme.

L’histoire suit les aventures de deux adolescents dans une petite bourgade des Etats-Unis. Le tout se situe dans les années 70, à l’heure où une mystérieuse maladie appelée « la crève » sévit chez les jeunes. Elle s’attrape au contact de la salive ou lors d’un rapport sexuel et a pour conséquence de transformer les corps, mais chaque transformation est unique, et l’on ne peut jamais prévoir comment elle sera. Elle peut très bien vous faire perdre vos cheveux, vous donner des pustules sur le visage ou pire… C’est avec cette histoire peu banale que Charles Burns signe Black Hole, où la narration est découpée en plusieurs couches : on retrouve des flashbacks, des séquences de rêves, ainsi que les deux points de vue des personnages en alternance.

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Crédits : Delcourt.

L’intériorité des protagonistes est profondément explorée, car Burns réussit à les rendre réalistes en leur faisant utiliser leur propre langage pour exprimer l’angoisse et le mal-être qui les rongent. On se retrouve plongés dans leurs pensées, on suit leurs premiers émois, leurs premières relations sexuelles (placées sous la menace de la crève). Avec beaucoup de lucidité, l’auteur concilie onirisme et ténèbres avec des dessins magnifiques, notamment lors des séquences de rêves, mais également dans les thèmes explorés. Celui du mal-être, de la part sombre qui existe en chaque être humain, qu’il en ait l’apparence ou non ; de l’ostracisation par ses pairs, au nom d’une maladie ou d’un manque de conformisme. En lisant cette bande dessinée, une question s’impose dès lors : qu’est-ce qui caractérise un monstre ? Ici, la réponse que semble donner Charles Burns, est que tout ce qui nous semble différent de nous nous semble monstrueux. Ce que subissent certains personnages est aussi la marque d’une monstruosité humaine, trop humaine. Ce qui arrive à Rob entre autres, ou bien l’histoire tragique d’Eliza.

Keith et Chris, les deux personnages principaux vont être confrontés à des changements radicaux dans leur vie, aussi bien physiologiques qu’émotionnels. Cela va bien sûr les bouleverser, et nous avec. Une vraie poésie, bien que très sombre, se dégage de ces six tomes. Le tome 4 particulièrement explore, avec des dessins très suggestifs, la sexualité de ces protagonistes et la découverte du corps de l’autre. Bien sûr, le premier amour est également un autre thème très important de cette oeuvre, mais il est ici meurtri, blessé. Il est teinté de sang. Les sentiments, si forts à cette période, se mêlent parfois au désespoir, et la fin nous rappelle cette triste réalité.

Black Hole initie une plongée dans l’âme humaine, et plus particulièrement le spleen adolescent, avec ses difficultés, ses premières relations, et le changement des corps (à cause de la maladie, métaphore des bouleversement hormonaux propres à cet âge). Et c’est fascinant.

Black Hole (intégrale), Charles Burns
Delcourt, novembre 2006, 300 pages