Patron-avis

« Patron » : ce qui se cache derrière le vocable

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Anamosa publient Patron, du spécialiste de la sociologie historique et politique Michel Offerlé. Prenant place dans la collection « Le Mot est faible », l’opuscule se penche sur la représentation des patrons dans la culture française, sur la formation des dirigeants d’entreprises et sur leur insertion politique, parmi d’autres choses. 

Oscillant entre stéréotypes négatifs et images d’Épinal, les patrons ont de tous temps investi les médias, la littérature et le cinéma, des caricatures anciennes aux dénonciations plus récentes de François Ruffin (Merci Patron) ou Stéphane Brizé (La Loi du marché, En Guerre, etc.). Parce que la vie économique s’article souvent autour de lui, le chef d’entreprise a toujours fait l’objet d’une attention particulière, par exemple à travers les figures d’exploiteurs ou d’hommes paternalistes.

Le concept de patron a évolué au fil du temps, s’étendant des entreprises familiales aux multinationales dirigées par des actionnaires, sans oublier les auto-entrepreneurs qui remettent en question l’image traditionnelle que l’on s’en fait. Cette diversité se reflète dans les approches entrepreneuriales, où les diplômes, le capital culturel et social, ainsi que les rémunérations varient considérablement. Michel Offerlé revient abondamment sur ces points, illustrant la complexité et les défis de l’entrepreneuriat moderne.

Les origines familiales jouent un rôle important, bien qu’ambivalent, dans la carrière entrepreneuriale. Et là encore, c’est par la diversité des expériences que Patron aborde le sujet. Si certaines entreprises restent sous gestion familiale, d’autres choisissent de s’ouvrir à des gestionnaires externes, notamment pour des raisons de compétences. Cette dualité révèle une certaine tension entre tradition et modernité, supportant une pluralité d’approches et de visions pour l’entreprise.

Autre point essentiel et très commenté : malgré une progression lente, la féminisation des postes de direction commence à changer le paysage entrepreneurial. Les femmes patronnes, bien qu’encore minoritaires, gagnent en visibilité et en influence. Cette évolution, lente et incomplète, est cependant cruciale pour remettre en question les stéréotypes de genre et promouvoir une plus grande égalité dans le monde de l’entreprise. 

Michel Offerlé évoque aussi l’internationalisation des profils et des carrières, ainsi que les porosités entre les mondes économique et politique. Il épingle le déclin des patrons d’Etat, issus des cabinets ministériels ou de l’ENA, en faveur des candidats issus des écoles de commerce. On comprend en tout cas à la lecture de son ouvrage, plus dense qu’il n’y paraît, que la figure du patron, en France, est le reflet d’une tension entre stigmatisation culturelle et reconnaissance de la complexité de l’entrepreneuriat. 

Patron, Michel Offerlé
Anamosa, mars 2024, 112 pages

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