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« Dark Vador, à feu et à sang » : exégèse d’un personnage mythique

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Avec Dark Vador, à feu et à sang, Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic enrichissent la collection « La Fabrique des héros » des Impressions Nouvelles. Ils livrent une analyse panoptique consacrée au personnage le plus emblématique de la saga Star Wars, en se reposant surtout sur la triple trilogie, mais aussi, dans une moindre mesure, sur ses multiples extensions.

Les perceptions liées au personnage de Dark Vador se réduisent souvent à quelques traits constitutifs : le rôle de grand méchant, l’hybridation entre la chair et la technologie, des apparitions iconiques ou le fameux « Je suis ton père… ». La première chose à retenir de Dark Vador, à feu et à sang est la dimension matricielle et ambivalente du personnage, qui invite à dépasser une grille de lecture spontanée mais insatisfaisante.

Anakin Skywalker/Dark Vador plane comme une ombre sur toute la saga. Surtout, comme l’expliquent très bien Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic, il se caractérise par une formation tardive et contrariée, une incapacité à dialoguer, une histoire d’amour avortée ou encore l’usage immodéré de la force (la diplomatie et le dialogue lui apparaissent comme superfétatoires). Décrit par les auteurs comme un hyper-combattant, une hyper-machine et un hyper-méchant pourvu d’une hyper-théâtralité, Vador voit se porter sur lui tous les superlatifs. Et pour cause : ses apparitions s’accompagnent d’un apparat musical et pyrotechnique mémorable, tandis que sa dichotomie humain/robot semble se répercuter sur toute la saga.

Les auteurs se montrent généreux dans leur radiographie de Dark Vador et, par extension, de Star Wars. Ils reviennent tour à tour sur les rimes visuelles de la saga (les amputations, par exemple), les allusions sexuelles (l’impuissance, les sabres en représentations phalliques), le sound design, le renouvellement du mythe de Prométhée (ou de Frankenstein), la Force comme seule figure tutélaire, la préfiguration d’un futur cybernétique (Anakin répare des choses, devient pilote, etc.), les rapports complexes et changeants avec Luke ou Obi-Wan. L’analyse se porte aussi sur des aspects visuels tels que les couleurs : « Les épisodes IV, V et VI, sans surprise, jouent la carte du contraste franc, opposant aux couleurs froides de l’Empire (le noir métallique de l’armure de Vador ou des TIE Fighter, le blanc luisant des armures des Stormtroopers, le gris terne des bases militaires et des Destroyers) les tonalités plus naturelles et organiques, à défaut d’être toujours chaleureuses, des paysages associés aux aventures des Rebelles (à commencer par les dégradés beiges des déserts de Tatooine, les marécages verdâtres de Dagobah, les ciels azurés de Bespin, ou les forêts émeraudes d’Endor). »

Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic s’intéressent aussi aux familles dysfonctionnelles qui irriguent la saga Star Wars. « L’héritage du sang et les liens familiaux sont au cœur de la triple trilogie. À aucun moment cependant, le modèle standard familial du couple avec enfant(s) n’est représenté. Shmi n’a pas de mari pour concevoir Anakin. Anakin et Padmé sont en couple mais doivent se cacher ; quand leurs enfants naissent, l’un ne les découvre que dix-neuf ans plus tard et l’autre meurt en couches. Leia forme un couple avec Han Solo, mais outre les jeux de drague auxquels ils se livrent dans les épisodes IV, V et VI, on ne sait rien de la manière dont ils ont vécu ensemble et dont ils ont élevé Ben. » Ces cellules familiales ébréchées expliquent pour partie ce qui fait l’étoffe de Dark Vador : les douleurs (intérieures et physiques), la solitude, l’incommunicabilité, les filiations contrariées, une humanité diminuée… Dark Vador, à feu et à sang donne du relief à la psychologie du personnage, qu’il fait en outre entrer en résonance avec la mise en scène ou les motifs des différents films.

S’appuyant surtout sur la saga initiée par George Lucas, mais s’autorisant aussi, par exemple, des détours par la bande dessinée, l’opuscule de Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic n’est pas seulement destiné aux aficionados de Star Wars. Qu’il s’agisse de construction dramatique, d’auto-citations ou de récurrences formelles, l’ouvrage témoigne amplement de la manière dont un personnage peut devenir programmatique et influencer durablement une œuvre, fût-elle plurielle, étendue et trans-médiatique.

Dark Vador, à feu et à sang, Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic
Les Impressions Nouvelles, octobre 2021, 144 pages

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