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Copyright Warner Bros. Animation | Film Batman contre le fantôme masqué

Batman contre le Fantôme Masqué : l’ombre de la justice

Jérémy Chommanivong Responsable Cinéma

De toutes les adaptations du célèbre personnage créé par Bob Kane et Bill Finger, il ne fait aucun doute que Batman contre le fantôme masqué entre sans peine au panthéon de l’excellence. 30 ans plus tard, dans la lignée de Batman, la série animée et à l’occasion d’une réédition Steelbook 4K Ultra HD ce 20 septembre 2023, Warner Bros. vous propose de le découvrir chez vous, dans une version restaurée qui n’a rien perdu de sa flamme et de sa noirceur.

Synopsis : Quand Andrea Beaumont, une ancienne connaissance de Bruce Wayne, revient dans sa vie, celui-ci se demande s’il ne serait pas temps d’arrêter de défendre Gotham et de raccrocher le costume de Batman. Mais cette remise en question est de courte durée lorsqu’un des parrains de la pègre est assassiné et que Batman se retrouve accusé. Le Chevalier Noir va alors tenter de rétablir la vérité et découvrir un nouvel ennemi : le Fantôme Masqué.

Le Chevalier Noir

Revenons d’abord à l’origine du projet avant d’entrer dans le vif du sujet, car l’homme chauve-souris a toujours été au rendez-vous, depuis sa création en 1939, pour le meilleur et pour le pire. Batman est un anti-super-héros populaire de l’univers DC Comics. Et contrairement à Superman ou à d’autres membres piliers de la Ligue des Justiciers, celui-ci n’a aucun pouvoir. La fortune de son empire familial lui octroie toutefois la possibilité de faire la différence, notamment grâce à de nombreux gadgets et une imposante Batmobile qui lui permettent de mener à bien ses excursions nocturnes, au cœur de Gotham City, une ville où la criminalité bat son plein. Un fort esprit de déduction l’élève également au rang de détective de génie, là où ses compétences martiales donnent du cachet au combattant hors pair qu’il est, aussi humain et vulnérable soit-il. Combattre le crime sans soustraire la moindre vie est son credo ultime, voire le serment absolu qu’il a fait à ses défunts parents. Peut-il alors vivre sa vision de la justice, ou doit-il reprendre la vie « normale » qu’on lui a ôtée ?

La spécificité de la nature du personnage parle d’elle-même, et ses diverses adaptations n’ont pas toujours fait l’unanimité. On se rappelle de l’extra kitsch et burlesque du Batman d’Adam West dans les années 60, qui a failli enterrer tout espoir de le revoir à l’écran. Il a fallu attendre 1989 pour que Tim Burton se réapproprie l’univers gothique du justicier et qu’il devienne la figure la plus populaire de l’univers DC encore aujourd’hui. Un tel engouement a ainsi poussé la Warner, détendeur des droits, à produire Batman : La série animée au début des années 90, une initiative qui s’avère payante pour l’audimat de Fox Kids, puis dans le monde entier. Les retours sont élogieux, aussi bien sur les doublages cultes de Kevin Conroy et Mark Hamill, que dans l’écriture des personnages. On y retrouve les codes du film noir, admirablement mis en scène par une animation qui convoque astucieusement le surnaturel, notamment au détour des jeux d’ombres et de reflets. L’enthousiasme de la première saison a ainsi mis en chantier une aventure originale : Batman contre le fantôme masqué, qui marque définitivement les esprits en adoptant une audacieuse histoire d’amour.

Bas les masques

Le long-métrage fut initialement pensé comme un film de procès à l’encontre de Batman, retenu captif à l’Asile d’Arkham, par des criminels qu’il a lui-même coffrés. La séduisante idée n’a pourtant pas été retenue, car jugée trop statique par ses producteurs. Les six millions de dollars alloués pour une telle entreprise ont ainsi servi une facette inédite du héros, où Bruce Wayne tient une place importante dans la trajectoire du justicier dont on connaît bien les états de service.

Appel de détresse et outil de terreur, le Bat-Signal prévient les malfrats qu’une ombre les guette. La nuit tombée, Batman traverse Gotham avec l’intention de combattre ceux qui lui résistent. Mais qu’en est-il le jour ? L’orphelin businessman et philanthrope de l’empire Wayne pense déjà à replonger dans la prochaine mêlée nocturne. Pourtant, l’irruption d’Andrea Beaumont dans sa vie peut changer la donne. Véritable personnage d’un film noir, Andrea est une femme fatale, dont la silhouette est calquée sur la magnétique Lauren Bacall, identifiable par le regard perçant et singulier qui la révèle au grand jour dans des succès consécutifs des années 40 (Le Port de l’angoisse, Le Grand sommeil et Les Passagers de la nuit). Elle ne constitue pas un levier romantique gratuit, car l’idée de renoncer à une carrière de justicier effleure les pensées de Bruce, encore en quête identitaire. Cependant, leur rencontre au cimetière ou une demande de fiançailles (brusquement interrompue par une nuée de chauve-souris) sont les premiers symptômes d’une relation éphémère.

Un peu plus d’une heure de visionnage suffira toutefois à galvaniser tout adepte du genre super-héroïque, ainsi que tous les cinéphiles qui trouveront là une belle narration en flashback. De quoi rappeler le point fort et vital de Citizen Kane d’Orson Welles. Nous regrettons néanmoins la discrétion d’Alfred Pennyworth et du commissaire James Gordon dans l’intrigue. Autrement, Shirley Walker assure l’orchestration musicale à partir de celle de Danny Elfman. L’ouverture navigue entre les immeubles d’une ville qui semble s’engouffrer dans les ténèbres. Nous voilà immédiatement plongés dans le grand bain, à la merci des scénaristes, qui se sont astucieusement inspirés du comic Batman : Year Two, l’héritage du faucheur. Des meurtres s’enchaînent sur Gotham, où des parrains de la pègre craignent la mort plus que tout. Le Fantôme Masqué frappe aussi rapidement qu’il disparaît. Mais quels sont ses motifs et quelle est son identité ? Un jeu d’enquête se met alors en place, tandis que les fragments du passé de Bruce nous délivrent d’autres réponses autour du serment qu’il a tenu devant la tombe de ses parents.

Entre vigilantisme et vengeance, les masques tombent. Nous n’aurons jamais autant vu Bruce Wayne à l’écran dans une œuvre qui lui accorde tout le crédit nécessaire pour exister, en opposition à son rôle de justicier. C’est également le cas pour l’antithèse de Batman, à savoir le Joker, que l’on retrouve bien évidemment dans une œuvre qui use habilement de la tragédie. La naissance du héros n’en est que plus pertinente, car ce qui peut cruellement manquer dans les superproductions héroïques aujourd’hui, c’est bien l’aspect humain. L’habit ne fait pas le moine et la cape ne justifie pas toute la noirceur que dégage le héros, simplement un homme brisé. Le film contient ainsi une grande palette émotionnelle et certainement tout ce qui peut attirer les amateurs d’actions. L’animation à l’esthétique baroque y est pour beaucoup et les limites de certains effets ont été corrigées dans la dernière réédition. Et elle n’attend que vous dans sa version 4K UHD, remasterisée à partir du négatif original de 1993, respectant ainsi le grain du film de l’époque.

C’est également une occasion en or pour redécouvrir le doublage français de Richard Darbois, voix emblématique et inimitable de Batman dans la série. Pour les puristes, une toute nouvelle featurette avec Kevin Conroy, la voix originale de Batman, se trouve dans les bonus.

Un succès tardif

Tout comme Miles Morales a cristallisé la carrière de l’homme-araignée sur grand écran, Batman contre le Fantôme Masqué constitue l’une des plus grandes réussites parmi les adaptations animées. Il mérite qu’on le célèbre à nouveau et qu’on replonge dans la tragédie qu’il conte et qu’il assume jusqu’au bout de ses 76 minutes de folie.

Bien que ce chef-d’œuvre n’ait pu rentrer dans ses frais lors de son exploitation en salle, faute d’une communication adaptée pour sa sortie en pleine fête de Noël, il rencontra le succès sur le marché de la VHS, et plus tard du DVD. Christopher Nolan est également venu restaurer l’image du héros à travers sa trilogie, avant que Batman ne devienne une mascotte sans âme dans le DC Extended Universe. À présent, l’homme chauve-souris continue son chemin avec l’adaptation de The Long Halloween, récemment orchestrée par Matt Reeves dans The Batman, en attendant que le meilleur détective du monde ne vienne réaffirmer son autorité et sa palette de nuances.

Bande-annonce : Batman contre le Fantôme Masqué

Fiche technique : Batman contre le Fantôme Masqué

Titre originale : Batman – Mask of the Phantasm
Réalisation : Eric Radomski, Bruce Timm
Scénario : Alan Burnett, Martin Pasko, Paul Dini, Michale Reaves
Montage : Al Breitenbach
Musique : Shirley Walker
Production : Warner Bros. Animation
Pays de production : États-Unis
Distribution France : Warner Home Video
Durée : 1h16
Genre : Animation, Film Noir
Date de sortie : 6 septembre 2023

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Responsable Cinéma