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5 Pink Films : le « pinku eiga » à (re)découvrir en cinq films chez Carlotta

Benjamin Deneuféglise Reporter/Rédacteur LeMagduCiné

Retour sur le coffret Blu-ray 5 Pink Films édité par Carlotta Films fin septembre. L’occasion de (re)découvrir le pinku eiga, soit le cinéma érotique japonais conçu en des temps records et avec un budget ridiculement bas, à travers cinq grands titres de la société de production indépendante Kokuei Company.

FIVE PINK FILMS

Il y a un an, Elephant Films sortait son coffret Roman Porno (1971-2016), consacré à la production de films pink par l’une des majors japonaises, la Nikkatsu. Cette année, Carlotta Films revient aux bases du pinku eiga avec la sortie de son coffret Five Pink Films qui nous amène à (re)découvrir le genre dans son essence : un cinéma érotique tourné en quelques jours, conçu avec des budgets drastiquement faibles et ouvert à toutes les expérimentations dans des circuits de production indépendants, et ce, avant (puis pendant) que les majors ne s’exercent à l’exploitation du genre.

Comme l’explique formidablement Dimitri Ianni dans l’ouvrage dédié au genre et aux métrages présentés dans le coffret, 5 PINK FILMS Brève histoire du cinéma érotique japonais en cinq films, la Kokuei Company, société de production indépendante japonaise, permit sous l’égide de Keiko Sato (au doux et amusant nom de plume de Daisuke Asakura – soit Aimer dès le matin en français) de concevoir du film pink en laissant toute leur liberté à ses cinéastes déjà bien tenus par de nombreuses contraintes. Naissent alors des œuvres singulières et expérimentales qui, à partir d’un cahier des charges à la représentation coïtale déjà codifiée, s’interrogent sur les frontières de l’érotisme via le polar paranoïaque dans Une poupée gonflable dans le désert (1967), et exploitent le néo-réalisme et son ambiguïté fiction/réalité pour traiter le présent d’une jeunesse japonaise perdue dans Prière d’extase (1971). Une famille dévoyée (1984) s’amuse à respectueusement pasticher Ozu pour mieux le détourner à coup de semonces érotiques. Enfin, Chanson pour l’enfer d’une femme (1970) passionne par l’érotisme dans les genres du jidai-geki ainsi que du yakuza eiga, tandis que Deux femmes dans l’enfer du vice s’épanouit en couleur dans un érotisme psychédélique tout en proposant un revenge movie qui parlera certainement aux fans de la Femme scorpion (1972-1977, en comprenant les deux volets de New Female Scorpion).

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Une famille dévoyée, ou l’hommage érotico-humoristique à Ozu.
Crédits : KOKUEI.

CARLOTTA FILMS PRÉSENTE

Le coffret signé Carlotta Films est susceptible de diviser en termes de présentation des films. En effet, les cinq films nous sont livrés en trois Blu-ray (2 x 50 et 1 x 25 go surtout dédiés aux films correctement encodés), à partir de masters 4K conçus en 2018 et ayant pour origine les meilleures (et rares) copies 35 mm qui ont été conservées. Il est aussi expliqué que l’équipe de restauration a décidé de ne pas retoucher l’image afin de proposer une expérience audiovisuelle au plus proche de celle des spectateurs de l’époque. On pourrait très bien remettre en question cette dernière idée compte tenu que les premières copies tirées pour la projection étaient forcément de bonne facture, sans poussières, griffes et défauts colorimétriques. Toutefois, on peut comprendre la volonté d’éviter de retoucher ces images afin de proposer une expérience proche de celle en salle après quelques semaines d’exploitation. Cela, en mettant de côté une impression de virage et un constat de manque de panache en termes de couleur et de contraste sur certains films, comme l’a aussi constaté le testeur de retro-hd.com (dont on vous conseille de lire le test exhaustif). Une question est à poser ici : est-ce que les choix (ou non-choix) de restauration mettent à mal l’expérience filmique ? Oui et non.

Les masters 4K sont détaillés et précis même si des différences subsistent bien sûr entre les films qui sont plus ou moins marqués par leurs différentes modalités de conservation. Si un nettoyage minimal a été appliqué sur les copies, des poussières et griffes ainsi que des problèmes de stabilité peuvent être constatés dans les cinq films, à des niveaux différents pour chacun d’entre eux, proposant des présentations plus ou moins satisfaisantes. La colorimétrie dans Deux femmes dans l’enfer du vice manque hélas de tenue, même si on peut être satisfait du rendu. Cependant, dans l’ensemble, les rendus sont organiques et vivaces, sans traces d’utilisation d’outils numériques foireux (cc. DNR). De plus, la cadence de l’image et les formats sont respectés. Plus on avance dans le temps, plus les rendus sont perfectionnés.  Même les présentations les plus abîmées impressionnent par rapport à de nombreux remasters récents. Alors oui, on aurait pu en attendre un peu plus en termes de restauration, mais l’équipe en charge pouvait-elle réellement se le permettre au risque de dégrader davantage l’image qui, avec des artefacts en moins et d’autres toujours présents, ainsi que l’utilisation d’outils digitaux, aurait pu devenir un capharnaüm d’artifices vidéo ?

five-5-pink-films-visuel-coffret-blu-ray-carlotta-filmsDu côté des compléments, l’éditeur nous régale avec cinq préfaces, de Dimitri Ianni pour trois films, puis Stéphane du Mesnildot (intervenant déjà dans le coffret Roman Porno) et Pascal Alex-Vincent, chacun occupé par une œuvre. Mention spéciale à Dimitri Ianni et à son didactisme aérien qu’on retrouve par ailleurs dans son ouvrage consacré au genre, à son histoire et aux cinq films concernés, le temps d’une lecture d’une cinquantaine de pages passionnantes qui ont d’ailleurs permis à certains et certaines de s’exprimer sur le sujet sans pour autant justement s’y référer…  On note qu’un livret de 24 pages écrit par le même auteur accompagne les films. N’y ayant pas eu accès, on ne saurait dire s’il reprend ou non des parties du livre. Notons toutefois que ce dernier est offert par Carlotta lors de tout achat dans leur boutique, ce qui devrait compléter la partie bonus un peu légère par rapport aux très riches compléments du coffret Elephant Films qui comprenaient des entretiens avec des intervenants historiques.

Le coffret 5 Pink Films est ainsi une nouvelle réussite vidéo signée Carlotta Films, même si l’on aurait apprécié davantage de compléments vidéo.

Bande-annonce – Une famille dévoyée de Masayuki Suo (1984)

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray

3 BD – MASTERS HAUTE DÉFINITION – 1080/23.98p – ENCODAGE AVC – Version Originale DTS-HD Master Audio 1.0 – Sous-titres français – Formats 2.35 et 1.85 respectés – N&B et Couleur – Pinku eiga – Japon – Durée totale des films : 376 min.

COMPLÉMENTS

5 Préfaces (HD)

Inclus un livret (24 pages) inédit

(5 Pink Films « Brève histoire du cinéma érotique japonais en cinq films » offert sur Carlotta Films – La Boutique : https//laboutique.carlottafilms.com/ et lors d’événements en salles)

Sortie le 30 septembre 2020 en Blu-ray & DVD – Prix de lancement : 40€