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Source : Potemkine

Champs Elysées Film Festival 2019 : Her Smell, l’incandescence d’une grande œuvre

Her Smell, l’effluve du succès et de ses retombées.

« Je ne veux pas abandonner, je veux juste avoir le contrôle. »

Les cigarettes n’ont pas le temps de se consumer, les guitares pas le temps de jouer, les enfants pas le temps d’être portés…

Her Smell est un film de loges. Tout s’y passe, non pas à l’abri de la scène, mais dans son ombre. Les rockstars elles-mêmes n’y font parler que leur ombre, que leurs excès. En naît un vacarme assourdissant, plus fracassant que le plus grand des hits. Plus inquiétant aussi, bien plus…

Becky se voudrait (seule) reine en son royaume. Becky hurle sa peur profonde en invoquant des chamans imaginaires. Becky gesticule, s’attaque à ceux qui osent se trouver sur sa route et habille ses joues de paillettes pour ne jamais avoir affaire à son propre reflet. Celui d’une épave, triste à pleurer et seule… Si seule. Seule de ne jamais « vouloir » se raccrocher à personne, seule de chanter pour elle-même, seule de privilégier le conflit facile et artificiel, au dialogue profond et rassérénant.

Le long métrage est si grand, si intense, qu’il fait partie de ceux où l’idée de quitter la salle traverse l’esprit tant la rétine et les tympans sont sollicités, tant on se dit qu’on est trop petits pour en absorber la grandeur en un shot.

La caméra de Ross Perry danse au milieu du chaos, alternant plans longs et montage survitaminé, dans un trip coloré, ultra Rock et toujours minutieusement chorégraphié. On sent une véritable envie de théâtre filmé, de répétition hallucinée où les paillettes camouflent l’obscurité des coulisses, l’obscurité de l’âme artistique à la fois torturée et tortionnaire.

La folie furieuse déployée par l’auteur tient en une poignée de séquences (5 ?), elle-même divisible en deux actes que l’on pourrait ainsi nommer : « La Chute » et « Un début de Renaissance ». Si l’un est un cauchemar éprouvant, l’autre développe le pourquoi et expulse les émotions d’un être en perdition qui n’a jamais appris à se sauver lui-même. Si cette seconde réflexion se révèle moins novatrice, on ne peut nier qu’elle était nécessaire et infiniment complémentaire à la première. En ressort une hétérogénéité qui a la richesse et la patience d’interroger la durée plutôt que de livrer une « simple » expérience organique.

Parler du génie du film ne peut se faire sans parler du génie d’une interprète qui devient monstre de talent à la première vision. Un monstre dont la voix oscille entre fêlures intimes et cris de façade. Il suffit, au détour d’une première séquence, de voir les attitudes soigneusement choisies et décortiquées par Moss pour comprendre la véracité qui se joue là. Il suffit de l’entendre fredonner pour croire instantanément, à la fois en Becky Something, et au don d’actrice d’une femme qui sait qu’elle n’a que deux heures pour briller cette fois-là, et qu’elle n’en gaspillera aucune seconde.

Her Smell est un concert qui se vit au premier rang de la fosse pleine à craquer, au plus près de la sueur, de la voix, de l’odeur et des failles extraverties de son héroïne. Si les enceintes vous font peur, c’est que vous n’avez pas encore goûté à la guitare saturée de Ross Perry et de son inoubliable Becky.

Synopsis : Becky Something est une superstar du rock des années 90 qui a rempli des stades avec son girls band : Something She. Quand ses excès font dérailler la tournée nationale du groupe, Becky est obligée de compter avec son passé tout en recherchant l’inspiration qui les a conduites au succès.

Her Smell : Bande Annonce

Her Smell, un film de Alex Ross Perry
Avec Elisabeth Moss, Cara Delevingne, Dan Stevens, Amber Heard
Genre : Drame
Durée : 2h15
Distribution : Potemkine Films
ETATS UNIS