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Westworld, une série de Jonathan Nolan et Lisa Joy : critique du pilote et épisode 2

Le projet est annoncé depuis plus de deux ans et l’attente s’est faite sentir. Tous les médias en parlent comme « le Game of Throne SF ? » et annoncé comme le plus gros succès d’HBO, Westworld a su déchaîner les passions.

Synopsis: Westworld est un parc d’attractions futuriste peuplé d’androïdes permettant aux visiteurs de se plonger dans l’univers de l’Ouest américain. Un jour, les robots commencent à se poser des questions sur l’humanité.

“L’humanité devra mettre un terme à la guerre, ou la guerre mettra un terme à l’humanité.” De John Fitzgerald Kennedy / Discours aux Nations Unies le 25 septembre 1961

Adapté du film du même nom, vendu en France sous le nom de Mondwest, du défunt Michael Crichton (grand écrivain d’anticipation à qui l’on doit le roman « Jurassik Park » en 1990 et la série médicale Urgences notamment), le drama est présenté comme « une odyssée sombre sur l’aube de la conscience artificielle et l’avenir du péché ». Après Real Human, Almost Human, et Mr. Robot – aucun rapport direct -, questionnant l’impact des nouvelles technologies, Westworld reprend la thématique passée de plus de 40 ans pour la mettre au goût du jour. Et pour une fois, le rafraîchissement est plaisant, en serait presque captivant si la discursivité ne piétinait pas tant sur l’empathie. Mais ce pilote de plus d’une heure apparaît bien court pour apprécier pleinement la richesse de cette nouvelle série aux accents mythologiques qui, à défaut de révolutionner le petit écran, remportera de nombreux prochains prix et à coup sûr un Emmy pour Hopkins…

Dolores Abernathy, jeune femme de campagne et Teddy Flood, nouvel arrivant en ville, semblent se connaître de longue date. La première, jouée par Eva Rachel Wood (The Wrestler, Whatever Works), se réveille dans un far west époustouflant de réalisme*, que l’on imagine pourtant artificiel. Le deuxième, incarné par James Marsden (alias Scott Summers / Cyclope dans X-Men), s’éveille dans un train amenant les « guests » dans ce village ensoleillé. Le personnage central de Yul Brynner, robot cherchant à s’émanciper du contrôle des humains, est représenté sous l’habit noir du vieillissant Ed Harris, impitoyable Men in black, c’est du moins ce que le regard cinéphile nous incite à croire! Est-il un humanoïde coincé depuis plus de 30 ans ? Nouvelle journée dans ce village SF, la même qui se répète, indéfiniment. Le scénario du soi-disant parc d’attraction est soigneusement bouclé, et pourtant le souvenir chez ces êtres humanisant est une donnée chiffrée. Plus que de simples disques durs, les « hôtes » (ceux qui reçoivent, accueillent) sont taillés en 3D dans une matière laiteuse, proche de l’ivoire, par des machines d’usinages à la « pointe » technologique. Tout le premier épisode tourne autour de l’éveil de conscience de la jeune Dolores et l’envers du décors. A tel point que les dialogues sont trop instructifs. Sir Anthony Hopkins nous est présenté comme l’un des premiers créateurs designers, Dr. Robert Ford, retrouvé à boire un verre avec sa première création. On apprendra par la suite qu’il a créé Westworld. La figure qu’il représente s’approche de « dieu-le père » aimant, nostalgique et consciencieux. Sidse Babett Knudsen (Borgen) semble être la directrice des opérations de cette gargantuesque entreprise, Theresa Cullen. Elle reprend parfaitement les traits d’une femme de pouvoir à l’instar d’une Sharon Stone ou Robin Wright. Jeffrey Wright (Broken Flowers, Hunger Games), Bernard Lowe, le directeur de la division programmation du parc, avec le sang-froid d’un Gil Grissom, la sympathie en moins, Luke Hemsworth (frère de Chris et Liam) est en charge de la sécurité du parc, un véritable Action Man qui manque cependant de relief… Le reproche peut se faire sur toute l’équipe, surtout sur Lee Sizemore (l’inconnu Simon Quarterman apparu dans The Devil Inside) en tête de la narration, despotique et maniéré. Armée de savants, théâtrale et cinématographique, les humains sont des ombres-ouvriers, perçus comme des petites mains à la tête de l’industrie, qui aussitôt la journée terminée, endosse la peau de police scientifique pour tout nettoyer et remettre en ordre. A croire que leurs vies sont plus automatiques que les différents scénarios proposés aux « hôtes ».

Beaucoup de clés nous sont données dès ce pilote, mais le visionnage du deuxième épisode est nécessaire pour être plus objectif. Quel historique/passif pour ces robots ? Le spectateur décrypte progressivement ce qu’il voit, tel un conte moderne, par couches successives et voix off annonciatrice. Couplée aux derniers dialogues du pilote, la redite sur-pédagogique agace. Le deuxième épisode se concentre sur l’arrivée de deux hommes dans ce parc de loisir, Jimmi Simpson (24 heures chrono, House of Cards, Person of Interestet Ben Barnes (Le Monde de Narnia, Le Portrait de Dorian Grey). Deux opposés pourtant rapidement copains comme cochon – on se demande pourquoi et pour quelle étrange raison -, l’un timide et aidant son prochain symbolisé par un chapeau blanc et le deuxième bad guy égocentrique et bisexuel (ce n’est qu’un détail et pourtant le clin d’oeil est amusant) par un chapeau noir. Puis les écarts de conscience, mus par des souvenirs étranges sont vécus par Thandie Newton (Mission Impossible III, A la recherche du bonheur), Maeve, la maquerelle du saloon. Dans cette deuxième heure, toujours captivante, l’attention est portée sur les conditions de ce parc de loisir grandeur nature tout en suivant du coin de l’œil, Dolores / Evan et Teddy / James. Ce qui fait de cette nouvelle série, une riche et relativement passionnante fable 5.0, est le soin apporté au détail scénaristique, aux imbrications scénarisée, car ce parc d’attraction est un également un terrain d’expérimentation. Rien ne semble laissé au hasard, même si nous ne comprenons pas directement le dessein sur cette attention au premier coup d’oeil**, ni au second, mais il est certain que la mythologie est impressionnante et intrigante. Nous pourrons compter sur plus de 15 personnages principaux et une vingtaine de secondaires. Et avec plus de 100 millions de budget (Vinyl a aligné autant de zéro), la série dépasse haut la main tout blockbuster télévisé.

Le film de Crichton s’évertuait à critiquer la soif insatiable de l’entertainment et ces dérives, sans parler d’une métaphysique du cinéma dans le cinéma pour souligner le rapport du public à celui-ci. La série de Nolan et Joy produite par J.J. Abrams et Bryan Burk (Star Trek 2009, 20132016, les deux derniers Mission impossible, Star Wars VIIcible l’incompatibilité entre deux proches parents voire jumeaux. Humanoïdes vs Êtres humains entre qui on sent que rapidement une guerre va éclater. Le réveil de Maeve sur cette table d’opération aseptisée est criante de vérité. La prise de position est évidente, le spectateur s’émeut devant ces êtres reconstitués, car les programmateurs ne dégagent que peu d’humanité, et c’est en ce sens qu’Anthony Hopkins est le premier héros et intermédiaire diégétique. Trois desseins différents: s’accomplir pour les nouveaux arrivants, ceux des actionnaires et de la direction restent encore floue. Dernière allusion au long métrage d’origine, le compositeur Fred Karlin signait une partition qui oscillait entre jazz et musique acousmatique avec quelques accords de guitare à la limite de la country pour le thème principal. Ici Ramin Djawadi (dont le nom est rattaché à … Game of Thrones) a été chargé d’habiller la série d’HBO. Il nous offre des mélodies symphoniques colorées teintée de spleen. Taillée dans un diamant, la bande originale épouse de manière très précise le découpage de l’action et nous voilà à chantonner “Paint it Black” des Stones et “Black Hole Sun” de Soundgarden. A la photographie, trop propre et lisse, on retrouve Paul Cameron qui a tenu la caméra avec Michael Mann sur Collatéral en 2004 et sera crédité sur le dernier Pirate des Caraïbes en 2017. Citons un autre nom prestigieux ayant travaillé avec l’aîné Nolan, Nathan Crowley qui a été nommé 2 fois aux Oscars pour meilleurs décors pour Le Prestige et The Dark Knight

On sent bien que les scénaristes (les deux showrunners ont déjà dessiné/écrit la trame sur 5 saisons!) gardent le pied sur le frein en évitant le coup de théâtre explosif – à venir – et en installant une mythologie par strates et parallèles. Westworld ne peut donc que plaire à tous les amateurs de western, de SF, de drames historiques, de séries politiques, horreur… y compris aux plus réticents du genre. Malgré une portée philosophique trop didactique, l’étonnante construction de ce nouveau show ne pourra que pousser à l’addiction. 

*  tourné au parc d’État de Dead Horse Point, dans l’Utah.

** passage à la grange et revolver caché sous la terre…

Westworld : Bande Annonce

Westworld : Fiche Technique

Créateurs : Jonathan Nolan et Lisa Joy Nolan
Réalisation : Jonathan Nolan
Scénario : Jonathan Nolan et Lisa Joy Nolan (d’après le film de Michael Crichton)
Interprétation : Anthony Hopkins (Dr Robert Ford), Evan Rachel Wood (Dolores Abernathy), James Marsden (Teddy Flood), Ed Harris (L’homme en noir), Jeffrey Wright (Bernard Lowe), Rodrigo Santoro (Hector Escaton), Thandie Newton (Maeve Millay), Jimmi Simpson (William), Sidse Babett Knudsen (Theresa Cullen), Luke Hemsworth (Ashley Stubbs)…
Direction artistique : Jonathan Carlos, Dennis Bradford, Naaman Marshall
Image : Brendan Galvin, Robert McLachlan, Paul Cameron
Musique : Ramin Djawadi
Production : J. J. Abrams, Bryan Burk, Lisa Joy, Jonathan Nolan, Jerry Weintraub – Cherylanne Martin et Athena Wickham, avec Susan Ekins
Sociétés de production : Bad Robot Productions, Jerry Weintraub Productions et Kilter Films en association avec Warner Bros. Television
Genre : western, SF, thriller, drame
Format : 10 x 52 minutes
Chaine d’origine : HBO
Diffusion aux USA : Depuis le 02 octobre – en US+24 sur OCS City

Etats-Unis – 2016