En 1961, Une aussi longue absence reçoit la Palme d’or, ex aequo avec Virdiana de Luis Buñuel. Henri Colpi, monteur des films de Charlie Chaplin, Alain Resnais ou Henri-Georges Clouzot, réalisait alors son premier long métrage sur un scénario signé Marguerite Duras. Une singulière histoire d’amour et d’amnésie portée par deux grands interprètes : Alida Valli et Georges Wilson.
La France des années 60
Thérèse Langlois est la patronne très appréciée du Café de la vieille église à Puteaux. Un bistrot ouvrier à l’ancienne, où l’on vient boire son petit blanc, jouer aux cartes ou au flipper et parler des derniers potins. Le décor extérieur est celui des berges de la Seine, à peine urbanisées à l’époque. Les usines Renault, installées tout près, sur l’île Seguin, apportent au café une clientèle de travailleurs. L’un d’eux courtise Thérèse quelque temps, lui proposant même de quitter Puteaux pour entamer une nouvelle vie. Mais en ce début du mois d’août, l’attention de Thérèse se porte sur un SDF nouvellement apparu dans le quartier. Un clochard qui fredonne des airs d’opéra et qui ressemble étrangement à Albert, son ancien mari. Problème, Albert Langlois, arrêté par la Gestapo en 45 est considéré comme mort depuis plus de 15 ans.
Personnages durassiens
Alors que Thérèse se persuade qu’il s’agit de son mari disparu, ce dernier, qui a perdu la mémoire, ne se souvient de rien. Le scénario de Duras joue subtilement de cette ambiguïté. L’homme est-il réellement Albert Langlois ou Thérèse essaie-t-elle de s’en convaincre pour reprendre sa vie d’avant et refuser les avances de son prétendant ? Le spectateur s’interroge d’autant plus que des membres de la famille, qui eux aussi ont connu Albert, doutent de son identité et opposent à Thérèse des arguments fort peu romantiques : qu’est-ce que ce pauvre type, qu’il s’agisse d’Albert Langlois ou non, pourrait-il bien apporter à Thérèse dans l’état où il se trouve ? De fait, l’ancien héros de la Résistance réduit à la mendicité est devenu un fou chantonnant pathétiquement déphasé.
Trois petites notes de musique
La bande sonore joue un rôle important tant dans l’histoire que dans la mise en scène. C’est par le fredonnement que le vagabond se fait remarquer, c’est grâce à des morceaux d’opéra diffusés sur le juke-box que Thérèse essaie de réactiver la mémoire de l’inconnu. De même, c’est sur la chanson Trois petites notes de musique, dont les paroles ont été écrites par Colpi lui-même, que se nouent les moments de complicité les plus forts.
« Trois petites notes de musique ont plié boutique au creux du souvenir
C’en est fini de leur tapage, elles tournent la page et vont s’endormir
Mais un jour sans crier gare
Elles vous reviennent en mémoire… »
Dans un final très fort, alors que Thérèse semble avoir apprivoisé l’inconnu, celui-ci est rattrapé par les réminiscences de son passé : un bruit anodin qui évoque les wagons plombés et voici l’homme qui perd sa contenance pour redevenir l’animal traqué qu’il était. Superbe scène.
Une Palme d’or à redécouvrir.
Bande annonce :
Fiche technique :
- Titre original : Une aussi longue absence
- Titre italien : L’inverno ti farà tornare
- Réalisation : Henri Colpi
- Scénario : Henri Colpi, Marguerite Duras, Gérard Jarlot
- Dialogues : Marguerite Duras, Gérard Jarlot
- Décors : Marcel Colasson
- Photographie : Marcel Weiss
- Son : René Breteau, Séverin, Jean-Claude Marchetti
- Montage : Jasmine Chasney, Jacqueline Meppiel
- Musique : George Delerue
- Direction de production : Jacques Nahum
- Production : Claude Jaeger, Alberto Barsanti
- Sociétés de production : Procinex (France), Société Cinématographique Lyre (France), Galatea Film (Italie), Spa Cinematografica (Italie)
- Sociétés de distribution : Cocinor (Comptoir cinématographique du nord, France), Théâtre du Temple (France), Cinémathèque française
- Pays d’origine : France, Italie
- Langue originale : français
- Format : 35 mm – noir et blanc – 2.35:1 Dyaliscope — monophonique
- Genre : drame
- Durée : 90′
- Dates de sortie : France 17 mai 1961
- Palme d’Or à Cannes en 1961
- Prix Louis-Delluc 1961