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Sugar man : A ghost story

Serge Théloma Rédacteur LeMagduCiné

En 2012, le réalisateur suédois Malik Bendjelloull réalise avec peu de moyens et un logiciel de montage basique ce qui va être un des documentaires les plus marquants de la décennie : Searching for Sugar Man.

De l’anonymat au mythe

L’histoire que raconte ce film est à la fois simple et incroyable : Sixto Rodriguez, un chanteur américain totalement inconnu aux États-Unis connaît un succès populaire en Afrique du Sud dans les années d’Apartheid. Son disque Cold Facts sorti incognito en 1960 se vend sous le manteau au point que le chanteur devient une sorte de mythe. Car en dehors de cette notoriété locale, Sixto Rodriguez a totalement disparu des radars. Qui est ce Bob Dylan oublié du star system ? Qu’est-il devenu ? C’est à cette enquête captivante que va s’employer le réalisateur.

Documentaire génial ou documenteur partiel ?

Du point de vue de la narration, le film est malin ou manipulateur selon qu’on lui porte un regard bienveillant ou suspicieux. De fait, Searching for Sugar Man est une sorte de puzzle qui associerait de façon quelque peu forcée les pièces de deux jeux différents. Des images d’archives – extraits de journaux, bouts de films amateurs datant des années 90 viennent alimenter l’enquête de terrain que Bendjelloul mène deux ans durant de 2010 à 2012, au Cap puis à Détroit, la ville d’origine du chanteur. Il en résulte un montage chronologique complexe qui passe d’une période à une autre tout en en éclipsant certaines. Le film entretient ainsi habilement le suspense quant à l’existence réelle ou non du chanteur. Mais c’est aussi cette approche partielle que d’aucuns lui reprocheront, le fait d’avoir quelque peu tordu le cou à la temporalité des faits pour mieux servir son propos.

Destins croisés

Il n’empêche que, si le conte est joli, c’est d’abord parce que la vie réelle de Sixto Rodriguez est complètement romanesque. Un véritable héros à la Flaubert que le destin n’a semble-t-il pas voulu gâter, du moins dans la première partie de sa vie. Mais comme ces héros romantiques du temps passé, Sixto Rodriguez, lorsqu’il apparaît enfin dans le champ du film, s’avère être un personnage atemporel que les considérations modernes – la reconnaissance, l’argent, la notoriété, ne semblent pas le moins du monde concerner. Ce personnage, sa simplicité, son sourire suscitent une sympathie communicative. D’autant qu’on ne perçoit, pour le coup, nulle imposture, nul simulacre dans la sincérité brute de ce chanteur devenu maçon, puis star sud-africaine, puis citoyen lambda, puis icône mondialement connue avec ce film et la réédition de ses disques.
Juste un type droit dans ses bottes, sa guitare en bandoulière et une voix extraordinaire.

Deux ans plus tard, en mai 2014, l’homme qui a contribué à sortir de l’ombre ce chanteur incroyable, décide pour lui-même de sortir de la lumière. Malik Bendjelloul se suicide à 36 ans dans la banlieue de Stockholm.
Il nous laisse ce film magnifique, un beau personnage, de belles chansons – Crucify your mind, Sandrevan Lullaby ou I wonder … – et une histoire dont la force imprime durablement la mémoire.

Bande annonce : Sugar Man

Fiche technique :

    • Titre du film : Sugar Man
    • Titre original : Searching for Sugar Man
    • Réalisation, scénario et montage : Malik Bendjelloul
    • Photographie : Camilla Skagerstöm
    • Musique : Sixto Diaz Rodriguez
    • Genre : documentaire à caractère biographique et musical
    • Durée : 86 minutes
    • Production : Simon Chinn, M. Bendjelloul
    • Distribution : ARP Sélection
    • Sortie . 24 août 2012 en Suède ; 26 décembre 2012 en France
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