Nos Ames d’enfants de Mike Mills : à la folie, passionnément…

nos-ames-d-enfants-film-critique-joaquin-phoenix-woody-norman
Beatrice Delesalle Redactrice LeMagduCiné

Nos Ames d’enfants de Mike Mills est un de ces films dont on sait qu’ils vont  vous coller à la peau pour très très longtemps. Des images très belles de l’Amérique en noir et blanc, de la douceur et de la bienveillance font du métrage un des meilleurs films de ce début d’année

Synopsis de Nos Ames d’enfants :  Journaliste radio, Johnny interroge des jeunes à travers le pays sur leur vision du futur. Une crise familiale vient soudain bouleverser sa vie : sa sœur, dont il n’est pas très proche, lui demande de s’occuper de son fils, Jesse. Johnny accepte de le faire mais n’a aucune expérience de l’éducation d’un enfant.

Entre les deux débute pourtant une relation faite de quotidien, d’angoisses, d’espoirs et de partage qui changera leur vision du monde.

C’mon C’mon C’mon C’mon…

Nos Ames d’enfants est la traduction d’un titre anglais :  C’mon C’mon, un titre dont même le réalisateur Mike Mills n’est pas sûr de comprendre le sens qu’il a vraiment voulu lui donner. A un moment dans le film, Jesse (Woody Norman), le jeune protagoniste de l’histoire, fait une litanie de C’mon, C’mon, C’mon, … et Mills déclare avoir utilisé cette ritournelle tirée d’une chanson juste parce qu’il a aimé la boucle infinie, et ouverte de cette litanie…Tout ceci pour dire que ce titre français, qui met certes l’emphase sur l’enfance, ne traduit pas complètement le lyrisme du film.

Ce film, très poétique en effet,  est le troisième en se suivant du cinéaste qui s’appuie sur des relations personnelles proches. Beginners (2010) parlait en filigrane de son père , 20th Century Women (2016) s’inspirait de la famille monoparentale qu’il formait avec sa mère. Nos Ames d’enfants quant à lui, est un travail relié à sa propre condition de père.  Non pas qu’il manque d’inspiration, bien au contraire. Le côté autofictionnel que ces films peuvent donner l’impression d’avoir n’est qu’un excellent point de départ, pour réaliser à chaque fois de très beaux films extrêmement intimistes et intenses.

Johnny (Joaquin Phoenix) est au téléphone avec une femme, Viv (Gaby Hoffmann). La conversation est gênée, comme entre deux amants après une première rencontre qu’on ne sait pas trop comment poursuivre. Mais Viv est la sœur de Johnny, et cette conversation est à l’image de leur relation, fusionnelle et compliquée en même temps. Entre eux se trouve Jesse, 9 ans, le fils de Viv et d’un Paul absent : bipolaire, parano, schizo, on ne sait trop ; Paul est malade et requiert toute l’attention de Viv, malgré leur séparation. Le film de Mike Mills se focalisera alors sur la relation entre Jesse et son oncle Johnny, lorsque ce dernier a proposé son aide pour s’occuper de Jesse lors de l’absence de sa mère.

Cette relation est lunaire, faite de doutes et d’apprentissages. Journaliste radio, dont le travail en cours porte sur un reportage avec des enfants (de vrais entretiens où les enfants répondent à des questions sur leur vision du futur ou de leur avenir), Johnny couvre plusieurs grandes villes des États-Unis. Nos âmes d’enfants prend ainsi un air de road-movie quand la paire se retrouve  à Detroit, New-York , La Nouvelle-Orléans ou Los Angeles. De très grandes villes, très ostentatoires. Mills choisit un noir et blanc filmé magnifiquement par Robbie Ryan, et éteint en quelque sorte tout le lustre tout en gardant la beauté et  les symboles de ces lieux, pour mieux se concentrer sur les relations humaines, celles de Jesse et Johnny bien sûr, mais aussi celles au téléphone entre Viv et son fils, ou Viv et son frère.

Né dans une famille singulière, où même ceux qui n’ont pas de problèmes mentaux ont des problèmes (Johnny a par exemple du mal à expliquer à son neveu pourquoi il est seul et sans enfants), Jesse est lui-même excentrique (il écoute au réveil le Requiem de Mozart à pleins volumes, parce que le samedi, le bruit est permis ! ), et comme tous les excentriques, il est attachant et agaçant à la fois. Woody Norman est une extraordinaire révélation qui donne une profondeur incroyable au rôle, que peu d’enfants pourraient donner. Il fait constamment passer le spectateur du rire aux larmes, et sa fausse indifférence aux choses graves de sa jeune vie, qui cache une souffrance certaine, étreint le cœur.

Joaquin Phoenix, une fois de plus, a « plié le game » pour le dire avec l’excès qu’il faut. Il excelle comme à son habitude, et enfant acteur en son temps (comme aussi Gaby Hoffmann), il est en parfaite symbiose avec son jeune partenaire. Il retrouve ici son registre plus calme après une hype presque démesurée, insensée,  avec son rôle de Joker chez Todd Philipps. Pour couronner cet impeccable casting, Gaby Hoffmann fait une merveilleuse et très crédible mère, assaillie, mais en maîtrise totale d’une situation compliquée.

Rares sont ces films qui sourdent de très beaux sentiments mais qui ne sont pas des « bons » sentiments. Tout est douceur et bienveillance dans ce film, et pourtant, pas une once de mièvrerie. Ceux qui ne cherchent dans un film que la mise en scène d’un concret auront du mal avec Nos Ames d’enfants. Ceux qui par contre sont sensibles à une réalisation faite de petits riens, d’une idée, d’une pensée, d’un moment fugace seront  enchantés par ce métrage qui mérite toutes les récompenses de l’Académie pour les Oscars actuellement en préparation : les acteurs, la photo, la réalisation, et le film lui-même. Un film qui ouvre magnifiquement l’année 2022 !

 

Nos âmes d’enfants – Bande annonce

 

 

Nos âmes d’enfants – Fiche technique

Titre original : C’mon C’mon
Réalisateur : Mike Mills
Scénario : Mike Mills
Interprétation : Joaquin Phoenix (Johnny), Gaby Hoffmann (Viv), Woody Norman (Jesse), Scoot McNairy (Paul), Molly Webster (Roxanne), Jaboukie Young-White         (Fern), Deborah Strang (Carol), Sunni Patterson (Sunni)
Photographie : Robbie Ryan
Montage : Jennifer Vecchiarello
Musique : Aaron Dessner, Bryce Dessner
Producteurs: Chelsea Barnard, Andrea Longacre-White, Lila Yacoub, Coproducteurs : Rachel Jensen, Geoff Linville
Maisons de Production : A24, Be Funny When You Can
Distribution (France) : Metropolitan Filmexport
Récompenses :  Plusieurs récompenses dans des festivals americains
Durée : 109 min.
Genre : Drame
Date de sortie :  26 Janvier 2022
États-Unis – 2021

Note des lecteurs0 Note
4.5
Redactrice LeMagduCiné