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Les Cinq Diables : le pouvoir magique insoupçonné de l’odorat

Énigmatique et enivrant, le dernier film, Les Cinq Diables de Léa Mysius nous transporte dans un univers à cheval entre le mystique et la réalité avec comme fil conducteur : l’odorat. Un scénario original qui revisite l’intrigue et le drame via une mise en scène orchestrée d’une main de maître, des personnages touchants, une image intime – filmée au 35mm – et une bande son hypnotisante. Retour à chaud sur un film qui ne laisse pas indifférent.

Synopsis : Vicky, petite fille étrange et solitaire, a un don : elle peut sentir et reproduire toutes les odeurs de son choix qu’elle collectionne dans des bocaux étiquetés avec soin. Elle a extrait en secret l’odeur de sa mère, Joanne, à qui elle voue un amour fou et exclusif, presque maladif. Un jour Julia, la sœur de son père, fait irruption dans leur vie. Vicky se lance dans l’élaboration de son odeur. Elle est alors transportée dans des souvenirs obscurs et magiques où elle découvrira les secrets de son village, de sa famille et de sa propre existence.

Une atmosphère inquiétante

Des flammes, des cris stridents et Adèle Exarchopoulos qui se retourne face caméra, des larmes coulant le long de son visage. Écran noir.

Les Cinq Diables s’ouvre sur une scène choc qui donne le ton de l’intrigue principale où la violence des flammes fait rage. Tourné au cœur des montagnes près de Grenoble, l’environnement a une place majeure dans le déroulé de l’histoire et contribue à l’atmosphère si particulière du film. Afin de renforcer cet aspect mystique, la réalisatrice a pris le parti de filmer entièrement son long métrage au 35 mm, à hauteur de 1h par jour en moyenne, pendant 7 semaines. Un pari risqué, mais qui en valait la peine. En faisant ce choix, Léa Mysius a voulu donner de la spontanéité au jeu des acteurs et amplifier l’aspect “magique” de son film. Dans son dossier de presse, la réalisatrice affirme avoir fait le choix de ce format pour “La magie, la matière de la pellicule, ses couleurs, son épaisseur, son côté charnel, sacré aussi car la pellicule confère un aspect très cérémonial au tournage (…)”.

De plus, “Les Cinq Diables parle d’invisible et il y a de l’invisible dans la pellicule” la réalisatrice affirme avoir fait le choix de ce format pour “La magie, la matière de la pellicule, ses couleurs, son épaisseur, son côté charnel, sacré aussi car la pellicule confère un aspect très cérémonial au tournage (…)”. De plus, “Les Cinq Diables parle d’invisible et il y a de l’invisible dans la pellicule”. 

L’image contribue grandement à la part de mystère du film, tout comme la musique, grave et entêtante, composée par Florencia Di Concilio, qui rythme les séquences et instaure petit à petit cette atmosphère inquiétante. On dit même qu’elle a composé une bande originale “chamanique”.

L’odeur du passé

La petite Vicky – interprétée avec brio par la jeune Sally Dramé – a ce pouvoir insoupçonné : reconnaître et reproduire des odeurs, qu’elle classe par la suite dans des bocaux placés sous son lit. Une passion atypique qui intrigue son entourage et ses petits camarades de classe qui n’hésitent pas à la mettre à l’écart et à la traiter de folle. Et c’est pourtant grâce à ce pouvoir que Vicky pourra voyager dans le passé et découvrir des secrets de famille. Ce qui est étonnant dans ce scénario pour le moins original est le fait que la réalisatrice s’entraîne elle-même, depuis son enfance, à reconnaître et à reproduire des odeurs.

Les Cinq Diables a pour thème principal l’odorat mais également la temporalité. Elle est partout, que ce soit à travers les voyages dans le temps de Vicky ou encore dans la scénarisation du film, séparé en deux grandes parties stratégiques. Effectivement, l’irruption de la tante de Vicky dans l’histoire et dans la vie de la famille bousculera à tout jamais le courant de l’intrigue. Une tension monte crescendo et c’est à partir de là que la petite fille va découvrir le passé caché et enfoui de sa famille. De là démarre une quête obsessionnelle de Vicky qui cherche absolument à avoir des réponses à son histoire.  L’odorat serait alors une sorte de machine à remonter le temps fantasmagorique.

Un film poétique

Léa Mysius s’est inspirée de plusieurs fictions cinématographiques et littéraires pour écrire Les Cinq Diables : Le Tambour, de Volker Scholöndorff, Twin Peaks de David Lynch, Shining de Stanley Kubrick ou encore Get Out de Jordan Peele.

En mêlant toutes ces références et en modelant son univers, Léa Mysius parvient à créer un film de genre ancré dans un certain réalisme des villages français. Elle arrive à faire sa propre proposition de réalité, où les femmes sont les personnages principaux, décisionnaires et puissants. La réalisatrice parvient à affirmer sa propre vision, assez poétique voire fantastique, de l’humain, sous toutes ces aspérités.

Finalement, Les Cinq Diables est un film d’introspection qui pourrait se résumer à “une histoire de vies manquées” où chacun est maître de son destin via les choix qu’il fait au cours de sa vie. Un film qui prend aux tripes et qui fait ressentir chaque émotion vécue avec passion par les personnages qui sont brûlants de sincérité et à fleur de peau. Tout ceci dans une ambiance pesante et menaçante, entourée par les flammes. Les Cinq Diables est un film qui réveille nos cinq sens.

Les Cinq Diables : bande annonce

Les Cinq Diables : Fiche technique

Réalisation : Léa Mysius
Scénario : Léa Mysius, Paul Guilhaume
Interprètes : Adèle Exarchopoulos, Sally Dramé, Swala Emati, Moustapha Mbengue, Patrick Bouchitey, Daphné Patakia, Antonia Buresi, Hugo Dillon,  Noée Abita…
Photographie : Paul Guilhaume
Montage : Marie Loustalot
Musique : Florencia Di Concilio
Décors : Esther Mysius
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h35
Genre : Fiction / Drame
Date de sortie : 31 août 2022