Celle que vous croyez c’est la jolie surprise qu’on n’attendait pas. Juliette Binoche a rarement été aussi magnifique et juste que dans ce film. Safy Nebbou fait une comédie intelligente et riche sur l’époque moderne, la place de la femme dans cette société normalisée et confirme que ce début d’année 2019 est une grande réussite pour le cinéma français.
Il semble que Juliette Binoche ait le mal de l’époque et du numérique, après son rôle dans Doubles Vies qui posait un débat sur les modes de la consommation culturelle à l’ère d’internet, de l’hyper connexion et des tablettes, elle se retrouve cette fois-ci dans la peau d’une femme de 50 ans qui s’empare d’un faux profil d’une jeune femme afin de séduire Alex, jeune photographe. Le film a certes pour sujet le temps passé collé à nos smartphones, mais va souvent bien plus loin qu’une simple critique de ce monde rempli de technologies et de faux semblants. Si aujourd’hui, voler des photos et la vie de quelqu’un est devenu aussi simple que de faire ses courses, remplir le vide permanent éprouvé quand on est seul et savoir se sentir libre en étant une femme l’est un peu moins. Justement, cette solitude ne vient-elle pas de tous ces moments de vie qu’ont remplacé les textos et les messages Facebook ? Et comment être une femme apaisée et affranchie de toutes contraintes quand la pression des normes en est sans cesse une ?
Qui mieux que Juliette Binoche aurait pu interpréter cette femme sensible et déterminée ? Très loin des fausses notes que l’on pouvait trouver dans Un beau soleil intérieur en 2017, l’actrice s’empare de son rôle à tout instant et avec un équilibre qui rappelle ses meilleurs rôles. C’est aussi en donnant la réplique à une Nicole Garcia plus que convaincante dans son rôle de psy que les deux femmes offrent au public une connexion et une solidarité féminines plus que belles à voir. De quelques sourires en coin à des regards bienveillants et compréhensifs, leur duo de femmes contradictoires livre de beaux moments de liberté. Parce qu’être une femme de 50 ans vous rend trop souvent invisible et pourtant, quelle puissance ont leurs personnages. Jouer avec un partenaire qui n’est jamais présent, c’est ce que Binoche a du faire la plupart du temps dans Celle que vous croyez. Mais lorsqu’il apparaît, François Civil confirme une nouvelle fois sa place plus que méritée dans cette nouvelle génération d’acteurs français. Après sa force dans Le chant du loup, et avec son prochain rôle dans le film de Cédric Klapish qui sortira en septembre, cette année pourrait bien être la sienne à l’écran.
Si le film fonctionne aussi bien, c’est grâce à son scénario franchement bien écrit. Chaque mot a une profondeur, un impact sur tout le film, chaque phrase fait écho à une autre et chaque scène ouvre sa portée sur des réflexions plus globales. Les mots ont d’autant plus leur importance que Claire les connaît, les analyse, les lit et les écrit. Professeur de littérature à l’université, elle passe son temps à découvrir le sens caché de ce qu’elle lit avec ses élèves et finit par elle-même écrire son propre film, inspiré de sa romance inachevée. Tout est maîtrisé et mesuré dans Celle que vous croyez, et les acteurs s’en emparent encore plus facilement pour proposer un beau cinéma français, celui qui intéresse, celui qui réfléchit tout en restant beau. La peur que l’on peut avoir devant ce genre de films est celle d’une mise en scène moins travaillée, bâclée car tout repose sur le jeu et les dialogues. Pourtant, Safy Nebbou fait un excellent travail à ce niveau là, en proposant des plans d’une minutie agréable à regarder, qui ajoutent une grande douceur à l’ambiance générale et des émotions qui attirent aussi bien le cerveau que le regard, et même les oreilles. Ibrahim Maalouf a composé de sublimes mélodies pour ce film et sans plonger les spectateurs dans une atmosphère dramatique, il a su doser ses notes pour proposer au contraire quelque chose de très planant, comme suspendu dans le temps, comme un premier baiser.
Celle que vous croyez : Bande-Annonce
Celle que vous croyez : Fiche Technique
Réalisation : Safy Nebbou
Scénario : Safy Nebbou et Julie Peyr, d’après le roman homonyme de Camille Laurens
Costumes : Alexandra Charles
Photographie : Gilles Porte
Son : Fabien Devillers, Alexandre Fleurant et Pascal Jasmes
Montage : Stéphane Pereira
Musique : Ibrahim Maalouf
Producteur : Michel Saint-Jean
Société de production : Diaphana Films
Société de distribution : Diaphana Films
Genre : comédie dramatique
Durée : 101 minutes
Dates de sortie : 27 février 2019