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Avec Avengers : Endgame, Marvel réalise l’impossible

Roberto Garçon Redacteur sur le MagduCiné

Ultime chapitre d’une saga étendue sur plus de dix ans et une vingtaine de films, Avengers : Endgame est tout à la fois. Une réussite spectaculaire, un sketch parfois risible, un rêve de gosse, le plaisir geek absolu. C’est du jamais vu, de l’incroyable, du grandiose. Mais aussi du ridicule, de l’énervant, de l’incohérent. Ce qu’a réussi à créer Marvel en onze ans est sans précédent. Et la probabilité qu’un Avengers : Endgame se reproduise une nouvelle fois tient de l’infime. Analyse.

Attention ! Cette critique contient de nombreux spoilers sur Avengers : Endgame et des films précédents du MCU.

Pour faire cette critique, nous sommes revenus à la base de tout. On a ressorti nos vieux comics Avengers et on y a trouvé quelque chose de particulièrement exaltant. Dans l’introduction d’une ré-édition de Vengeurs un jour de 2004, on peut lire ceci :  » On peut être quasiment certain qu’on ne verra jamais de film dédié aux Vengeurs. Ce qui fait la force du concept de la plus puissante équipe de l’Univers Marvel sur le papier fait aussi que l’éventualité d’une adaptation cinématographique demeurera pour toujours un rêve de fan (…).  Alors oublions nos fantasmes et contentons-nous de la B.D ! Et quelle B.D !  » Nous sommes alors quatre ans avant Iron Man, premier long-métrage a lancer l’univers cinématographique Marvel connu sous le nom de MCU. Le projet est alors fou et sans précédent : reproduire l’univers alambiqué des comics mais au cinéma. Autant dire que le défi est immense. Comment faire inter-croiser des vingtaines de personnages et des intrigues pendant des années tout en gardant une certaine cohérence ? Marvel a réussi son pari au prix d’un formatage épuisant et d’une majorité de films médiocres ou simplement très moyens. Au milieu de ça, (22 films en tout) : les opus Avengers. Parce la saga Marvel, désormais intitulée The Infinite Saga, s’est construite de manière non-linéaire. Chaque nouveau film ne poursuit pas directement le précédent, il se passe parfois en parallèle (Thor, Iron-Man, L’incroyable Hulk…) voire des décennies auparavant (Captain Marvel, Captain America). Ce sont les opus Avengers qui réunissent tous les personnages, offrent les plus beaux moments de la franchise et font nous avancer au fur et à mesure vers le dénouement final. L’année dernière, le troisième segment Avengers : Infinity War écrasait tout sur son passage et entamait le début de la fin. Thanos, ultime antagoniste, claquait des doigts, faisant disparaître la moitié des êtres vivants de l’univers. Pour la première fois de leur histoire, les Avengers perdaient leur combat. L’ambition du long-métrage était titanesque, l’exécution remarquable et efficace. Pourtant, les frères Russo, réalisateurs du film, prouvaient encore une fois leur quasi-absence de mise en scène et en images. La gestion de l’action et de l’épique par les Russo donnaient des raisons d’avoir peur pour la suite. Mais par dessus-tout, comme Avengers : Endgame, Infinity War n’était pas un film et ne voulait pas en être un. Du moins pas comme on l’entend habituellement. Les univers partagés étant sans précédent au cinéma, leur conclusion ne ressemble en rien à ce qui a déjà été fait. Cross-over entre multiples personnages et franchises, intrigues impossibles à comprendre sans le visionnage d’une dizaine de films, etc.

Un anti Infinity War

Aux antipodes du pessimisme et de la tension d’Infinity War, ce dernier opus brouillon et moins abouti se démarque par une large et surprenante place accordée à l’humour.  Inéluctable vilain, Thanos perd toute sa puissance charismatique et se rapproche plus du vilain uni-dimensionnel classique du MCU. C’est un choix conscient, le vilain (version de la timeline originelle) apparaissant au début en adéquation avec sa philosophie dans l’épisode précédent. Sa mort définitive (version de 2014) fait tout de même sens. Blessé par le Stormbreaker dans Infinity War, decapité au début d’Endgame, il ne pouvait être tué de manière frontale. Même constat pour Tony Stark, transpercé dans Infinity War. Les deux ennemis meurent en même temps, décimant à la fois la thèse et l’anti-thèse. Cette mort simultanée clôt l’Infinite Saga. Avengers : Endgame est la suite à la fois de 21 films en même temps, la conclusion d’arcs narratifs d’une vingtaine de personnages et l’aboutissement d’une décennie de films. Un mélange des tons, des enjeux et des genres, tout simplement inédit au cinéma. Ainsi, Endgame incarne à la fois le pire et le meilleur du MCU. Il se regarde comme une fin de série télé et se présente comme un cadeau à tous les fans. Un best-of de 21 films, tout simplement irregardable pour les néophytes mais un régal pour les gens familiers à l’univers. Vu le nombre d’incohérences et de trous dans l’intrigue, il est dur de se dire que c’est exactement ce dénouement qui était prévu depuis le départ. Infinity War, en ce sens, était bien plus simple et mieux mené. Endgame lui va dans tous les sens. Toute la promotion (lourdingue parfois) tournait autour du fait de ne rien spoiler et ça se comprend. Le long-métrage des Russo débordent de surprises tout le long mais la trame générale reste assez attendue une fois lancée.  Dès les premières minutes, le film éclate les conventions et fait tuer Thanos, grand ennemi de l’opus précédent. La première partie très intimiste et réussie se concentre avec justesse sur la psychologie des survivants traumatisés au fameux snap de Thanos. Les héros ont à la fois perdu des êtres chers, leur statut de justicier, et portent la culpabilité due à leur échec. Pour la première fois, comme leur nom l’indique depuis le départ, les Avengers auront pour mission de venger.

Et là, le film décide d’épouser complètement son statut d’adaptation de comic-book avec l’inclusion d’un récit de voyage temporel globalement incohérent mais assez amusant. Les héros et héroïnes vont voyager dans le passé avec pour mission de récolter les pierres d’infinité et défaire le snap du Titan Fou. Si cette intrigue était bien pressentie depuis plus d’un an, son exécution est assez décevante vu le potentiel dingue qu’elle avait. Le voyage est sous-exploité et traité de manière relativement comique et décomplexée, les scénaristes faisant le choix de n’absolument pas se soucier des incohérences nombreuses. En dehors d’un moyen pratique de rétablir l’équilibre, le film dépasse  avec cette séquence largement sa diégèse. A travers le voyage dans le temps, Avengers : Endgame récompense tous les fans assidus et refait le parcours de son succès, de ses films et de ses personnages. Énormément de répliques, de plans, d’interactions font écho à des moments, même plutôt discrets, du reste de l’univers et des films. Presque chaque personnage déjà apparu dans le MCU fait une apparition à un moment ou un autre. Entre l’auto-citation (un peu suffisante et nombriliste) et le fan-service (réussi), le long-métrage ne se contente plus de raconter une histoire mais devient un immense clin d’œil cathartique et une célébration de son univers. Sous nos yeux, sans que nous nous en rendions compte, le MCU est devenu un monde fictif parallèle au nôtre que nous avons vu grandir. Ainsi, les Russo réhabilitent des films plutôt détestés (Thor 2) et font de ce film un véritable aboutissement pour TOUS les opus du MCU. Le monologue de fin de Tony Stark s’adresse à la fois aux spectateurs et aux personnages. Qui aurait pensé il y a dix ans qu’un tel univers était possible au cinéma, que les films de super-héros fascineraient tant le public ?

Voyage entre les films 

Plus qu’une virée dans le temps et l’espace, les personnages voyagent entre les films et donc le MCU pour les derniers adieux. Le rendu prouve parfois l’incompétence des frères Russo en terme de réalisation comme avec le retour dans la bataille de New York, qui nous montre simplement qu’ils ne sont pas capables de faire le travail de Joss Whedon. Néanmoins, leur travail d’écriture peut être largement salué tant ils rendent un récit gargantuesque aussi fluide et plaisant. On pointera du doigt quelques choix impardonnables et lamentables. Thor est relayé à un joueur de fornite obèse et alcoolique tandis que le géant vert surpuissant ne devient qu’un prétexte à vannes lourdingues. C’est d’autant plus surprenant que le dieu nordique était absolument fantastique dans l’opus précédent réalisé par les mêmes cinéastes. Endgame conclue le travail de déconstruction du personnage mythologique entamé par Thor : Ragnarok. Des  décisions peu compréhensibles et totalement risibles vus les enjeux du récit et l’importance des deux personnages. De manière plus générale, c’est bien la gestion des héros trop puissants qui pose problème aux Russo. Dans Infinity War, Vision était blessé dès le départ. Ici, Hulk ne se bat plus, Captain Marvel disparaît tout le long du film et Doctor Strange est occupé à contenir un tsunami. Du snap de Thanos survivaient les six Avengers originaux dont ce film est leurs véritables adieux. Les arcs de Tony Stark et de Captain America sont extrêmement réussis, au détriment de certains personnages. Pour Tony Stark, le film soulève dès le départ son impossibilité à ranger l’armure au placard et par dessus tout sa condition intrinsèque de sauveur de l’humanité. Sa mort en tant que martyr est donc une fin tout à fait logique avec le personnage. Vivant, et même à la retraite, il n’aurait jamais arrêté d’être un héros. Il était déjà prêt à se sacrifier dans le premier Avengers évacuant un missile nucléaire de la portée de la Terre. Du côté de Steve Rogers, on est encore face à une fin plutôt cohérente. Réveillé à l’aube de la Bataille de New York après avoir vécu la Seconde Guerre Mondiale, le personnage n’a jamais cessé d’être un soldat en guerre nostalgique de son idylle passé. Les deux membres restants obtiennent des conclusions plutôt satisfaisantes : Hawkeye et Widow. Le premier se réunit avec sa famille et semble raccrocher définitivement son arc. La seconde se sacrifie par amour, preuve ultime qu’elle a dépassé son statut originel de tueuse à gages impitoyable et sans cœur.

Avengers rassemblement !

Mais là où Avengers : Endgame (et par extension le MCU) atteint vraiment son acmé est lors de son climax littéralement démentiel et jouissif. Jamais nous n’aurons vu dans un film de super-héros une telle bataille. La nature des comics facilite aisément la présentation de nombreux personnages se battant ensemble, mêlant les couleurs, les pouvoirs et les costumes. Reproduire ces combats gargantuesques et dantesques, si chers aux lecteurs des comics et aux fantasmes des spectateurs, aura mis une dizaine d’années. Le temps du combat, Endgame épouse une dimension épique et ultime totalement inédite dans les films de super-héros. Si des scènes impressionnantes représentaient déjà des beaux combats à l’écran (les précédents Avengers, Man Of Steel, Batman V Superman), seule la convergence d’un univers partagé permet de représenter ce qui est naturel et courant dans les comics. Captain America qui porte le Mjolnir, Pepper Potts en armure Rescue, Spider-man sur un cheval volant, Iron-Man avec les pierres d’infinité. Lors de ce cross-over ultime, le long-métrage joue avec l’évocation charismatique et mythologique de ces personnages, les ré-iconisant. La majorité des héros ressuscités n’apparaissent chacun que quelques minutes mais trouvent leur place dans cette immense fresque pour leur moment de gloire. Un élément intéressant est que les films de MCU fonctionnent par compensation. Dans un film « classique », cela n’aurait aucun sens de faire intervenir d’aussi grands acteurs et personnages pour si peu de temps. Ici, le long-métrage se le permet, ne s’adressant qu’aux fans qui ont déjà vu tous les personnages de nombreuses fois. Il faut tout de même dire que si Endgame marque bien la fin d’une saga, la plupart de ces personnages reviendront et seront les nouveaux visages du MCU. Même avec l’acquisition des X-Men et des 4 fantastiques, la suite du MCU peut interroger. Inégal et brouillon mais aussi inédit et démentiel, Avengers : Endgame ne pourra sûrement pas exister une nouvelle fois. Ce qu’a réussi Marvel avec son univers tient du miracle industriel. Quand on regarde comment l’univers DC a implosé au bout de trois films, on se rend compte de l’incroyable chantier qu’a produit Marvel. Ils ont réussi à reproduire et imposer au cinéma quasi à l’identique la logique des comics qui, de par son essence, est anti-cinématographique. Qu’on aime ou non, Marvel a innové des procédés narratifs et cinématographiques tels que tous les grands studios les ont essayés sans succès (le Dark Universe d’Universal s’en rappelle). Le second coup de maître est d’arriver à offrir un climax émouvant, jouissif et touchant après tant de films si anecdotiques et insipides.

En son sein, Avengers : Endgame contient la maturité et la force de ces meilleurs opus mais aussi le ridicule et l’agacement de ses pires films. Fin d’une des plus grandes franchises de l’histoire du cinéma, le film clivera sans aucun doute les spectateurs. D’ailleurs à l’intérieur du même film se disputent le comique, le dramatique, l’épique. Le long-métrage est une lettre d’adieux aux fans inconditionnels, aux cyniques qui ont vu tous les films, aux enfants devenus adultes. Les Avengers ne seront sûrement plus jamais rassemblés. Pour le meilleur et pour le pire ?

Avengers : Endgame : Bande-annonce

Fiche technique : Avengers : Endgame

Réalisation : Anthony et Joe Russo
Scénario : Christopher Markus et Stephen McFeely, d’après les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby
Direction artistique : Ray Chan
Décors : Charles Wood
Costumes : Judianna Makovsky
Photographie : Trent Opaloch
Montage : Jeffrey Ford et Matthew Schmidt
Musique : Alan Silvestri
Production : Kevin Feige
Société de production : Marvel Studios
Société de distribution : Walt Disney Studios Distribution
Pays d’origine : Drapeau des États-Unis États-Unis
Genre : super-héros
Durée : 181 minutes
Dates de sortie :24 avril 2019