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FEFFS Jour 7 : De l’immobilité au stop motion en construisant une maison

On approche tout doucement de la fin du festival et les compétitions continuent de battre leur plein. Pour cette 7ème journée, trois films dans trois sélections différents. Pour les crossovers, le taïwanais Xiao Mei dénote par sa construction. La dernière livraison du trublion Lars Von Trier constitue quant à lui la grosse attraction de la soirée en compétition internationale. Pour finir, c’est au tour de la stop motion d’être à l’honneur dans la catégorie animation, avec Chuck Steel : Night of the Trampires.

[Crossovers] Xiao Mei

Réalisé par Maren Hwang (Taïwan) Date de sortie : inconnue

Avec Yi-wen Chen, Kuan-Ting Liu, Na Dow…

Le choix de sélectionner Xiao Mei dans le cadre du FEFFS est une entreprise audacieuse. En effet, le premier film de Maren Hwang est très loin des standards du festival. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment un film de genre, bien qu’il mette en scène un semblant d’enquête policière. Xiao Mei est une oeuvre fragmentée, dont il faudra assembler les pièces pour essayer de percer un mystère. Un mystère qui tourne autour du personnage éponyme qui a disparu et dont Hwang va essayer de retracer les derniers jours. Cependant, on est loin d’un traitement à la David Lynch et  les instants finaux de Laura Palmer. Xiao Mei offre une approche très radicale qui risque d’en décontenancer plus d’un, surtout pour des amateurs de films d’horreurs.

La particularité de Xiao Mei réside donc dans la façon de Maren Hwang de distribuer ses clés. C’est au travers de personnages ayant côtoyé la disparue que celles-ci vont être communiquer. Là encore cela ne sera pas fait de façon habituelle. Chaque protagoniste va s’adresser face caméra à un personnage hors-champ qu’on ne verra jamais. C’est au final au spectateur qu’ils s’adressent directement. Des longues entrevues, le plus souvent filmées en plan fixe et permettent aux personnages d’expliquer leur relation avec Xiao Mei, parfois illustrées de petits flashbacks venant rompre le procédé. Xiao Mei est une oeuvre ambitieuse, mais avant tout exigeante. Il faut se laisser porter par la précision du cadre de Hwang et accepter de ne pas forcément résoudre le mystère. Difficile à dompter, surtout en fin de festival, Xiao Mei peut sembler être une erreur de casting. Certains y trouveront leur compte, d’autre risque de s’ennuyer ferme.

[Compétition internationale] The House that Jack Built

Réalisé par Lars Von Trier (Danemark, France, Suède) Date de sortie : 17 octobre 2018

Avec Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman…

Voilà certainement l’oeuvre la plus colossale de toute la 11ème édition du FEFFS. Le nouveau rejeton de Lars Von Trier faisait parti des grandes stars de la sélection, et malgré une durée record pour un film présenté au festival, le monde était au rendez-vous. Inutile de présenter le cinéaste danois et son C.V qui se compose d’autant de moments de reconnaissance que de pures polémiques. The House that Jack Built, c’est donc forcément un peu tout ça. En suivant le parcours d’un serial killer sur une douzaine d’années, Von Trier semble s’être donner corps et âme. Le cinéaste se livre, amène sa réflexion sur la création, l’art et le mal dans des territoires encore inexplorés. Du haut de ses 2h30, The House that Jack Built est une oeuvre dense et pointue qui s’élève évidemment bien plus loin que son simple statut de farce horrifique à l’humour d’une rare noirceur.

Plus encore que d’habitude, le danois nous emmène dans un égotrip, n’hésitant pas à s’autociter avec des extraits de ses précédents films. En voulant se questionner sur des thématiques fondamentales de son oeuvre, Lars Von Trier tombe par ailleurs très souvent dans un approche trop théorique barbante et pompeuse. Les longs échanges verbaux entre le personnage de Jack et Verge expriment à la perfection cette manie agaçante du cinéaste. Bien que sachant construire des scènes marquantes qui impriment la rétine, soit par leur cruauté (le pique-nique) ou par leur poésie macabre (la séquence des enfers), Lars Von Trier se complaît dans son attitude de sale gosse provocateur. À l’inverse du réalisateur dont la démarche peut paraître assez souvent détestable, Matt Dillon brille de mille feux. L’acteur connu pour certains classiques des 90s comme Sexcrimes ou Mary à tout prix envoie voler en éclats son image de has-been et incarne un Jack absolument terrifiant.

[Compétition Animation] Chuck Steel : Night of the Trampires

Réalisé par Mike Mort (Royaume-Uni) Date de sortie : inconnue

Voix de Paul Whitehouse, Jennifer Saunders

Après la 3D et la rotoscopie, c’est au tour de la stop-motion d’être mis en avant dans cette nouvelle catégorie. Surtout qu’après des films traitant de thématiques assez dures comme les conflits yougoslaves ou la guerre civile angolaise, une bonne petite comédie bien badass ne pouvait faire que du bien. Chuck Steel : Night of the Trampires est né de l’imagination d’un homme : Mike Mort. Archétype du flic qui peuplait le cinéma d’action des années 80, Chuck Steel est un véritable hommage à tout ce pan burné du septième art. Ici Mike Mort le conjugue à une dimension horrifique avec ces fameux trampires, contraction de tramp  (clochard) et vampires, qui s’attaquent aux couples en état d’ébriété.

Comme on peut s’en douter, Chuck Steel est un véritable festival. Que cela soit au niveau des punchlines qui fusent comme des balles, avec des runnings gags exquis (comme celui des pauvres coéquipiers de Steel) ou dans l’action hard-boiled, Chuck Steel est jouissif. Il faut pour cela une technique de stop-motion à toute épreuve, et le film est assez irréprochable à ce niveau. Il ne dispose que de peu de temps mort et tout s’enchaîne avec une facilité assez déconcertante. Mike Mort a pris un soin particulier à la création de son univers pour lui conférer une identité propre tout en étant grandement influencer par les oeuvres de son enfance. Le design des marionnettes accentue d’ailleurs ce petit côté rétro moins irrévérencieux que Team America, mais bien plus violent, Chuck Steel est une belle petite surprise.