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Etrange Festival : Trois derniers films et le palmarès

Et voilà, c’est fini… après 12 jours de pur plaisir cinéphilique, le XXIIème Étrange Festival touche à sa fin. La programmation nous a offert trois derniers films, de quoi finir sur une touche qui rend toujours plus impatient de voir commencer la prochaine édition: 

Déluge, Grave et The Marriage of Reason & Squalor

Mais tout d’abord, le palmarès tant attendu: 

Grand Prix du Court-métrage (remis par l’équipe Canal +) : Klem, un sketch néérlandais qui met un couple dans une situation délicate pour amplifier leurs problèmes de communication.

Prix du public du Court-métrage : Strangers in the Night, une comédie romantique irlandais pas comme les autres puisqu’elle détourne le folkore fantastique local.

Prix Nouveau Genre (remis par l’équipe Canal +) : Pour la première fois, ce prix a été remis à deux films ex-aequo, Headshot et Jeeg Robot, que nous-même, à la rédaction, n’avons pas su départager.

Prix du public : Sans réelle surprise, mais loin d’être injustifié, c’est Poesia sin fin d’Alejandro Jodorowsky qui a remporté l’adhésion massive du public du Festival, dont il est -ça mérite d’être rappelé- le Président d’honneur.

Dans le cadre des films de la tournée « retour de flamme », le partenaire du Festival Lobster nous a permis de découvrir la version restaurée d’une oeuvre réputée disparue depuis plus de 80 ans. Déluge, réalisé en 1933, se voulait un film spectaculaire aux proportions bibliques, ce que l’on qualifierait de nos jours de film catastrophe. Avec les moyens dont disposait le réalisateur à l’époque, il fait preuve d’une folle ingéniosité pour nous faire vivre, dans la première partie de son récit, la destruction massive de New-York et les réactions de ses habitants. Des scènes impressionnantes qui pourraient presque rendre ringardes certains films de Roland Emmerich. Plus calme, la seconde partie n’en est pas moins audacieuse puisqu’elle raconte une histoire d’amour extra-conjugale. Ce genre de sujet qui, agrémenté d’une scène de tentative de viol et alors que le code Hays était sur le point d’entrer en vigueur, pouvait sembler provocatrice même si aujourd’hui son traitement risque de paraître un peu trop fleur-bleue pour coller à la dimension amorale de cette civilisation renaissante sur fond post-apocalyptique.

Très attendu par tous les festivals parisiens après le tumulte qu’il a fait à Cannes et à Toronto, Grave de Julia Ducournau est une première réalisation pleine d’ambitions. La première d’entre elles est de nous placer devant un spectacle malsain, basé sur une initiation de son héroïne aux plaisirs de la chair, dans tous les sens du terme. Cette idée de faire s’entrecroiser l’éveil sexuel et le gout pour l’anthropophagie aurait pu être le cœur d’un scénario intelligent et politiquement incorrect s’il avait été plus creusé plutôt que de se voir parasiter par son contexte estudiantin lui-même axé sur les humiliations faits aux bizuts. Cette sous-intrigue poussive a beau rendre l’ensemble terriblement dérangeant, il amoindrit l’ambiguïté psychologique propre au développement son héroïne, qui lui-même semble ne pas savoir vers quelle fin aboutir. C’est donc, à défaut, vers une chute presque rigolote mais aucunement provocatrice que s’achève ce film dont on a finalement du mal à cerner l’objectif.  Fort heureusement, on en retiendra les excellents acteurs, les jeunes comme les adultes, qui aident pleinement à rendre ce teen-movie éprouvant, dans ce que cet adjectif peut sous-tendre de meilleur.

En guise de clôture, les programmateurs ont choisi un téléfilm anglais. Un choix qui pourrait sembler curieux s’il n’avait s’agit du premier film de Jake Chapman, directement inspiré de l’un de ses propres romans. Bien connu pour ses œuvres plastiques baroques, cet artiste signe là une réalisation toute aussi insolite dont le choix semblait faire écho au discours de Jodorowsky en faveur du cinéma surréaliste qui l’a précédé. Le film consiste en effet à perdre son héroïne, et par extension les spectateurs, entre les limites de la réalité et de fiction. Chaque scène semble avoir,  sa propre idée visuelle qui vient amplifier cette confusion, qu’il s’agisse de mise en scène onirique ou de mise en abyme de la narration. Ceci fait du tout un vivier d’aliénations narratives et graphiques souvent très astucieuses. Si la plupart des passages sont entièrement dédiés à cette volonté de rendre flou le bien-fondé des événements, il en est d’autres qui se veulent plus linéaires, provoquant ainsi un rythme assez bâtard. Dans une pure tradition dadaïste, le scénario réussit malgré tout à provoquer un certain romantisme entre les personnages brillamment incarnés par Rhys Ifans et Sophie Kennedy Clarke. Un film étrange, pile ce qu’il fallait pour achever un Festival ainsi qualifié.

Rédacteur