Treizième film de Pedro Almodóvar, Tout sur ma mère est une œuvre vibrante et accomplie. Avec ce long-métrage, Pedro Almodóvar signe une ode à la femme, à la maternité, et simplement à la vérité de l’être.
Synopsis : Esteban et sa mère Manuela sortent au théâtre pour voir « Un tramway nommé désir« , interprété par Huma Roja, son actrice préférée. A la sortie, Esteban est victime d’un terrible accident. Manuela y voit un signe du destin, et se fixe deux objectifs : Obtenir un autographe d’Huma et retrouver le père de son fils, qui a depuis changé de sexe.
Tout sur ma mère est une des œuvres les plus abouties de la filmographie de Pedro Almodóvar. Sous le titre original de Todo sobre mi madre, le film de Pedro Almodóvar est un hommage à All About Eve de Joseph L.Mankiewicz. En cela, la volonté de brosser le portrait d’une femme, si ce n’est de La Femme, est omniprésente. On retrouvera même en Marisa Paredes une Bette Davis bis. Dédié aux femmes de sa vie (Bette Davis, Gena Rowlands, Romy Schneider et à sa propre mère Franscisca Caballero ) Tout sur ma mère est pour Almodóvar l’exutoire de tout cet amour qu’il porte en lui pour la gente féminine, et qu’il essaye de déverser depuis Le Labyrinthe des passions. On peut voir en Tout sur ma mère le dernier volet d’un triptyque initié par La Fleur de mon secret et En Chair et os, s’enrichissant de la mélancolie du premier et de l’agressivité du second. Ainsi, le film d’Almodóvar est une oeuvre complète significative de l’aboutissement artistique du réalisateur tout en amorçant un tournant dans son cinéma qu’il qualifiera lui-même « d’austère ».
Entre tragédie familiale et prostituées catalanes
Véritable bijou cinématographique, Tout sur ma mère interroge avant tout par sa structure. Si c’est bel et bien un terrible drame qui est au cœur du film, il est rapidement expédié lors d’une première partie très brève. Almodóvar lance un jeu pervers dès le départ avec le spectateur lui faisant prendre d’affection le duo mère-fils. Malheureusement l’on sait que dans le cinéma d’Almodóvar rien n’est laissé au hasard. Manuela ne travaille pas autour du don d’organes pour rien. Il ne reste alors que peu de temps au spectateur pour se préparer à la mort imminente d’Esteban. Et là où le film pourrait se complaire dans un drame familial, Almodóvar décide d’emmener son histoire à Barcelone où de nombreux personnages attachants et extravagants attendent Manuela. En effet, Tout sur ma mère ne déroge pas à l’univers d’Almodóvar. On retrouve comme à son habitude travestis, prostituées et camées. Mais le tout s’avère loin de l’excentricité qu’on lui connaît. Cette folie se trouvera seulement présente dans l’excellent personnage transsexuel d’Agravo, notamment lors d’un long monologue humoristique où elle explique comment elle est devenue femme.
Ainsi, l’aspect le plus réussi dans Tout sur ma mère réside dans le somptueux portrait des femmes qu’Almodóvar sublime. Les hommes sont quasiment absents du long-métrage, et c’est tant mieux, tant le quatuor d’actrices brille de sincérité et de naturel. On remercie Almodóvar de saisir avec tant de justesse la beauté de nos mères et des femmes de nos vies. Les quatre personnages se rejoignent dans une scène fantastique lors d’un apéro improvisé. Le cinéaste espagnol arrive à mettre des images et des dialogues célébrant ces femmes dans leur diversité et leur vérité.
Mater dolorosa
Car ce sont bien les notions de vérité et de mensonge qui parcourent ce long-métrage. Manuela se fait passer pour une prostituée pour se faire aider par la bonne sœur Rosa (Penélope Cruz). Agrado (Antonia San Juan) a subi des dizaines d’opérations pour devenir la femme qu’elle s’est toujours senti être. Rosa a attendu trois mois avant d’annoncer sa grossesse. Lola apprend à la fin qu’il est le père d’un enfant décédé. Tout sur ma mère est un défilé de personnages qui finissent tous par embrasser la vérité de ce qu’ils sont réellement. L’omniprésence du monde théâtral planant sur le film n’est pas vaine. Les dialogues d’un Tramway nommé Désir ne sont pas sans rappeler la tragédie maternelle qu’est en train de vivre Rosa. Le théâtre devient alors le reflet du malheur qui frappe les protagonistes. L’analogie entre l’intrigue principale et celle de la pièce de théâtre se précise durant tout le long-métrage. Ainsi, quand est-ce que le personnage existe et que l’acteur disparaît ? C’est donc une réflexion sur l’apparence et la réalité de l’être qui parcourt Tout sur ma mère. Rien que dans le titre, on retrouve cette idée de totalité, de vérité. Le film n’est pas un peu ou beaucoup sur la mère, mais bien tout sur elle. Le soin apporté aux couleurs peut également être souligné tant le rouge incarne un personnage brûlant, que ce soit dans les décors catalans , dans le manteau de Manuela lors de la mort de son fils ou dans la veste de Lola lors de sa dernière apparition.
Cette vérité révélée, les personnages n’ont jamais été aussi purs. Véritable arlésienne du long-métrage, Lola apparaît dans les dernières minutes, sublime et touchante dans un souci de maternité. Cependant les mères de cette fresque ne sont pas toujours celles qu’on attend. Évidemment, Cecilia Roth est la mère dont l’oeuvre racontera tout , comme avait prévu de le faire son fils durant le prologue. L’histoire du film est avant tout celle d’une mère qui va vivre une vie à la place de celle de son fils, rencontrant l’idole que lui désirait voir. Mais Manuela se retrouve également être la mère de substitution de Rosa, Huma apporte la bienveillance d’une figure maternelle à Manuela et Agrado, tandis que la vraie mère de Rosa n’effectue pas son vrai rôle de maman. Rosa, elle, perdra sa vie en donnant naissance à un autre Esteban..
Avec ce titre mise en abyme, Almodóvar se place dans le rôle du fils décédé désireux de faire l’éloge de sa mère. À travers ce film, ce n’est pas seulement le portrait d’une mère qui est dessiné, mais celui des femmes de nos vies, sublimées par leurs excentricités, leurs extravagances et leur sincérité.
Tout sur ma mère : Bande-annonce
Tout sur ma mère : Fiche technique
Titre original : Todo sobre mi madre
Réalisation : Pedro Almodóvar
Scénario : Pedro Almodóvar
Interprétation : Cecilia Roth, Marisa Paredes, Candela Pena, Antonia San Juan, Penélope Cruz, Rosa Maria Sarda, Fernando Fernan Gomez
Costumes : Sabine Daigeler et Jose Maria De Cossio…
Musique : Alberto Iglesias
Montage : José Salcedo
Producteur : Esther Garcia et Agustin Almodovóvar
Sociétés de production : Renn Productions, El Deseo S.A, France 2 Cinéma
Distribution : Memento Films Distribution, UniFrance Films
Genre : Drame
Durée : 101 minutes
Date de sortie : 15 mai 1999
France/Espagne – 1999